Sortie du samedi 16 décembre 2023
JonK
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : grand beau / pas froid pour la periode
Conditions d'accès/altitude du parking : RAS
Altitude de chaussage/déchaussage : 1370m
Conditions pour le ski : le haut des combes est tres travaille par le vent, legere croute en Est->Sud, poudre en NE, neige ventee en N
Conditions nivo et activité avalancheuse : Avalanche de plaque en face sud du Rognolet
Activité avalancheuse signalée dans la zone ce jour, voir la carte.
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
Itinéraire suivi : Celliers --> Col de la Valette --> vers 1900m dans la combe des plans --> Antecime Sud du Rognolet --> Combe de Bridan --> Celliers
Horaires : 8h-13h
Bonjour/soir à tou.te.s –
Bon, bon : Je me suis fait coffrer … pas fier. Je vous livre sans filtre comment je suis parvenu a me retrouver dans cette situation/avalanche. C’est pas facile mais je crois profondément que c’est utile.
Donc :
+ la veille : Grand beau annoncé, neige fraiche au-dessus 1300m … je sors ! Les dépressions/précipitations arrivent de l’Atlantique, donc ca pose au nord/nord ouest des Alpes – j’habite a Grenoble --> Lauzière.
BRA 3 au-dessus 2300m, 2 en dessous – rosace noire sauf N/NO. Situations avalancheuses caractéristiques : (i) neige récente (+30 cm a 1800m 48h avant) et (ii) neige ventée (dominante N/NO toute la semaine). Tendance annoncée pour Dimanche : risque 2. « Tiens ? », et Ghyslain envoie en Lauzière Vendredi. Je suis plutôt en mode « petit risque 3 » sur le massif pour Samedi. [NDLR : nous faisons « entre nous » cette distinction : petit risque 2/3 ou gros risques 2/3].
Au regard de ce qui précède (petit risque 3 c’est qd même risque 3), on part sur une course plutôt sure – a priori la classique Grand Pic de la Lauzière.
+ le jour J : départ 8h de Celliers – on monte vers le col de la Valette par les Plans – on passe sous le couloir du Petit Château – ça a pas l’air bien bon – c’est limite en terme d’altitude au regard du BRA … on fil au col ! Au col, on décide de privilégier le ski plutôt qu’une grande balade et on décide de skier la combe des plans rive droite puis de monter a Montartier pour traverser sur Bridan et refaire la même dans Bridan. La neige est assez bonne, il fait beau, on est parti tôt – on veut profiter. Belle descente des Plans – on repeaute.
A la remontée, on tape la discut’ avec un type sympa qui veut peut être « aller voir » jusqu’au sommet du Rognolet par la facette sud. Je lui dis que c’est sous le vent dominant, en altitude, près d’une crête – et que donc il fait ce qu’il veut mais c’est pas du tout dans le BRA de faire ça. Il dit qu’il est d’accord mais qu’il faut voir. On se dit avec mon compagnon de cordée que « ca n’existe pas d’aller « voir » une pente - quand t’y es, t’y es ». Bref. La trace de montée passe, vers 2300/2350m, à gauche d’un raidillon (sous le « u » de Rocher Du Pays sur IGN) – l’orientation est similaire a la pente terminale d’accès au sommet du Rognolet – il y a des traces de départ de plaque dans cette pente. Je le fais remarquer au type sympa qui pense aller au Rognolet – il me dit que c’est vrai, que c’est la même orientation. Ça s’arrête là. On ralentit un peu (fatigués), il s’éloigne.
On arrive en vue de la pente d’accès au sommet (antécime sud) du Rognolet– on voit 2 traceurs au travail dont notre récente rencontre – et une dizaine de poursuivant. On admire le travail – très circonspects. Nous trouvons que c’est une connerie de faire ça du coup on admire la témérité a l’œuvre.
On s’approche du Col de Montartier – vu le monde qui vient de passer dans la face (env. 10 personnes, 2 minutes auparavant), nous considérons qu’il n’y aucun risque a monter dans la trace. Et j’ai déjà fait Montartier plusieurs fois … alors que le Rognolet ... Donc on décide d’y aller. En revanche, nous nous disons qu’il faut aller vite dans la montée car la pente « craint », que personne n’est encore descendu du sommet, et que ça n’est pas parce qu’elle a tenu 10 personnes a la montee dans une trace qu’elle tiendra un seul skieur a la descente. Donc go, mais vite.
On enquille - une « cordee » de deux devant nous – ils nous disent de prendre des distances – on leur dit qu’on préfère aller vite et ne pas se faire skier dessus … et on avance.
En montant, je repère une petite facette un peu plus raide et vierge sur la droite en montant – je me dis que c’est un possible bon plan de descente car tout le monde redescendra par la trace de montée. [NDLR : en écrivant, je me rends compte qu’a ce moment la, je perds le lien avec mon analyse de qq minutes plus tôt qui me dit qu’il y a un risque de plaque dans cette face pour passer dans un mode ou je commence à considérer dans ma tête qu’il faudra aller vite en skiant ces pentes a la descente mais que ce devrait le faire – je garde une certaine inquiétude pour la descente mais plutôt neige lourde, coulante, sluff-fauchant ; plus du tout risque de plaque]
Arrivée au sommet – 10 personnes – ça fait beaucoup sur 5m2. Je presse un peu mon comparse pour que nous redescendions avant la foule. Il est environ midi - Certains pique-nique. J’ai la facette sud de droite en tête …
2 chasseurs alpins arrivés avant nous partent – ils vont repérer un couloir NE qui redescend sur Bridan. La cordée de 2 que nous avons suivie a la montée part aussi – ils attaquent la petite facette que je vise. On leur emboite le pas.
Arrivés en haut de la facette, on s’arrête sur épaule rive droite et on voit qu’ils ont fait partir la rive droite de la face – je le dis a mon compère. Et je me dis qu’il reste donc la rive gauche, un peu plus raide, a skier. [NDLR : hmm, hmm … vrillage total – je suis sur mon scenario neige lourde sluffante – je n’enregistre aucune nouvelle info qd je vois que la rive droite est partie – rien]. Je me dis que c’est chargé, ca chauffe, qu’il faut skier vite et plutôt filer droit pour pas se faire prendre par son sluff … je visualise ma trajectoire – des skieurs arrivent vers nous par le haut – « ca presse » je me lance, selon ma visualisation : je suis rive droite, je traverse la pente pour arriver rive gauche, un petit coup de cul jambe droite (virage a gauche) pour attaquer la pente dans l’axe et …
Je sens un ski « qui se fait un peu prendre », je me dis : « merde, y a un mec qui m’envoie son sluff sur le ski » … je me retourne pour voir au-dessus et mes deux skis « partent » - en me retournant, je me rends compte que c’est toute la pente qui part – je vois la plaque, les blocs etc. se détacher – tout part autour de moi [ndlr : c’est une image assez traumatisante] - je me rends compte que je me suis fait prendre dans une avalanche de plaque – je me dis : « bon, airbag » - je tire ma poignée – ca se gonfle, « ouf » - ensuite je regarde ou je vais un peu inquiet parce que j’ai l’impression qu’il y a pas mal de neige en mouvement et j’appréhende de me faire ensevelir quand tout va s’arrêter – mes skis tirent un peu vers le fonds – je me dis que j’aimerais bien que ça déchausse – mais sinon je surnage bien … et puis ca s’arrête – je suis entièrement en surface - je me lève direct, je skie hors de la coulée, et j’enlève mon sac pour replier l’airbag. Je dis un peu aux gens qui montent de faire de gaffe. A un moment je me demande ou sont mes bâtons et je me rends compte qu’ils sont la et que je ne les ai jamais lâchés [ndlr : je skie sans dragonnes] – je ne me suis pas fait secouer fort …
Voilà – je sais ou je vais et j’y vais qd même. Ça interroge. Je vous laisse en tirer ce que vous voulez. A minima, il est clair que dans ma gestion du risque, je surpondère largement le facteur d’amoindrissement du risque lié au fait qu’une pente a été tracée ...