Départ : Le Pleynet (1430 m)
Topo associé : Pic de la Belle Etoile, Versant Nord
Sommet associé : Pic de la Belle Etoile (2718 m)
Orientation : N
Dénivelé : 1300 m.
Ski : 3.3
Faune : cet itinéraire passe près de zones sensibles. Voir consignes sur fiches topo
Sortie du mercredi 5 février 2020
Conditions nivologiques, accès & météo
Beau ciel bleu avec des rafales de vent violentes (+50km/h) à partir de 2400m.Etat de la route : Enneigée par endroit mais en train de fondre à 13h
Altitude du parking : 1450
Altitude de chaussage (montée) : 1450
Altitude de déchaussage (descente) : 1450
Activité avalancheuse observée : Quelques plaques de 5 à 10m de larges qui se déclenchent spontanément dans les zones très raides en dessous de 2300m.
[Message de la modération] Merci de compléter les conditions de neige
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
---|---|---|---|---|---|---|
Parking | 1450m | E | 8h | Damée | Départ sur piste | |
Sous le rocher de l'Eveque | 1650 | N | Poudre | Poudre (20cm) légère | ||
Combe du Pic de la Belle Etoil | 1750 | NW | Poudre | Poudre avec apparition de quelques zones gelées quand le vent a pelé la neige | ||
Croupe sommitale | 2600m | NW | Vitrifiée | Vitrification importante avec quelques petites poches de neige qui demeurent |
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu
Frustré encore par ma sortie de la veille au Collet d’Allevard dans des conditions dantesques (vent, neige, brouillard givrant et jour blanc), je préparais soigneusement ma revanche pour le lendemain. Les conditions météo sont au beau fixe annonçant une fenêtre pour la journée, le tout avec une chute de neige abondante et un BRA correct en terme de sécurité pour le massif de Belledonne. Me sentant casanier, j’opte pour le très classique mais pas moins savoureux Pic de la Belle Etoile.
Sur le route la neige est présente dès Pinsot, ce qui augure de bonnes conditions. Sur le parking ou se font les derniers préparatifs avant l’assaut vers le sommet, le thermomètre indique un -6°C qui fait chaud au coeur. La station, calme et endormi, témoin silencieuse de mon passage furtif alors que le soleil sommeille encore derrière la ligne de crête. Le passage sur piste augure du meilleur pour la suite. Rapidement je rejoins le début de la randonnée. En arrivant à l’intersection avec les Vallons du Pra, ma surprise est agréable et totale puisque la montagne s’offre à moi, vierge, sans aucune trace. Cet instant de grâce efface la perspective du dur labeur qui m’attend, devoir tracer jusqu’au sommet. Régulièrement, comme une machine à coudre je monte, les conversions s’enchainent et ma trace se déroule comme un fil d’Ariane, dernier lien avec le domaine des 7 Laux. Je franchis le premier ressaut après un combat avec les vernes. Un doute survient avant de le franchir, une plaque partira-t-elle ? Elle ne part pas et j’en suis quitte pour cette fois, ma crainte devait être infondée mais le bruit des explosions qui ponctuera ma montée sonne comme un avertissement plus qu’une célébration de mon effort et mon audace. Cette première bataille gagnée contre la montagne, le trajet se poursuit sans encombre dans une neige légère et cotonneuse jusqu’au bas du deuxième ressaut. Dans cette section plus raide la neige tient bien et le risque de plaque s’efface. Le vent a enlevé tout ce qui pouvait couler, par endroit la glace affleure, ennemie fourbe qu’on ne devine qu’au moment ou l’on glisse. Il en faudra plus pour m’effrayer aujourd’hui, je lis clair dans le jeu de la montagne, trouve une ligne de faiblesse pour rejoindre l’arrête sommitale. La montagne est l’ami comme Nietzsche le concevait. Une amie tendre, aimante, qui procure du réconfort mais qui sait également être ma meilleure ennemie, ne tolérant pas mes erreurs d’inattentions, mes moments de faiblesse et d’hésitations. Tout en m'élevant, elle me pousse à être meilleur car elle sait se montrer sans pitié.
Arriver au pied de l’arrête sommitale, les choses se compliquent. Je crois deviner des plaques de partout. La paranoïa me guette et je choisis de remonter à pied sous des rochers ou il n’y a plus aucune poche de neige. Je rechausse sur l’arête, mais je converse entre une corniche qui menace de céder et une neige vitrifiée ne me laissant qu’une bande de 4m pour évoluer. Je choisis donc de finir à pied, skis sur le sac, sous un vent qui balaie par rafale le sommet du Pic. Le visage pique un peu, l’eau dans le sac gèle, les derniers mètres avant le sommet sont glacé. Je décide de renoncer 20m sous le sommet, cherchant plus le plaisir à la descente que le culte de la victoire sur le sommet. Une réflexion me traverse l’esprit alors que je dépeaute rapidement. Si la sagesse est le haut d’une montagne, alors certaines sagesses ne sont pas faites pour que l’homme puisse y demeurer. Au mieux il peut y passer un bref instant et redescendre avec le souvenir de la vue qui s’offrait à lui. Aujourd’hui il me semble que la sagesse tenait plus à renoncer au sommet qu’à le gravir.
Seul pour profiter du plaisir immense que m’offre la combe, récompensé des efforts de la trace, j’embrasse le paysage avant de plonger dans la pente. Les premiers mètres ne ne sont pas savoureux mais très vite ie retrouve la combe abritée du vent ou la neige est parfaite. Les virages s’enchainent sans difficulté comme dans un rêve. Je navigue dans un océan que l’ombre rend bleuté. La frontière entre ciel et terre disparait. L’instant est béni. Un instant je songe à remonter au col permettant de basculer sur les Vallons du Pra pour prolonger mon plaisir, mais un bâton coincé par le gel m’en empêche. Je pourrais remonter avec un bâton valide mais le problème est toujours de trouver la juste mesure pour savoir quand renoncer. Celui qui ne se ménage pas ira plus vite et celui qui se tempère ira plus loin. Mon parti est pris, j’irais plus loin. J’apprécie déjà amplement ce qui m’est offert et pars rejoindre la nuée qui dévale les pistes. Leurs traces s’entremêlent toutes, dans un tableau confus et abstrait, au loin ma trace de montée, régulière et rectiligne semble être une invitation à profiter autrement de la montagne. J’espère que certains y seront sensibles.