But dans les Alpes Lepontines, ou Grande Traversée des Alpes Part 3

Massif : Valais E - Alpes Pennines E
Départ : Visperterminen (1380 m)

Sommets associés : Chaltwasserpass (2770 m) Passo di Valdendra (2431 m) Scatta d'Orogna (2461 m) Monte Cazzola (2330 m) Bocchetta di Arbola (2408 m)

Orientation : T

Dénivelé : 4500 m.
Ski : 3.3

Les dates sont calées, tous les mardi soir on prépare la trace, la logistique, les refuges, le matos et beaucoup de conneries. 8 mars go depuis Visperterminen dans le Valais et comme on est en Suisses, c'est télésiège et téléski pour se faire catapulter à 2330m. Le contraste est immédiat, saut dans le sauvage, personne en montagne, de gros sommets autours et on est bien !

On profite du soleil, du silence, de se retrouver dans la lenteur de la progression sur neige en comparaison de nos vies trépidantes d'homosapiens surchargés. C'est fluide, facile pour une première étape et on tombe sur un joli vallon sur-tracé par les kiters du coin. Il y en a même un qui nous fait une démo en sautant à 2m de nous pendant le dépeautage et d'un simple "hello" repart dans la pente se régaler. Simplonpass, son hospice et ses chanoines nous régalent pour ce soir avec un départ tôt demain matin avant la dégradation météo annoncée et en priant qu'elle ne dure pas...

 

2ème jour, départ tôt pour une journée longue. On perd déjà du temps en bricolant dans un passage scabreux entre de petites barres pour rejoindre le Chaltwasserpass en dessous du refuge Monte Leone. Le drop au départ du col est tendu, raide de la disparition du glacier et la glace bleu sur le côté nous fait craindre de nous retrouver coincés dans la pente. Le changement climatique est visible à tous les étages, ce n'est pas dans 50 ans, c'est déjà passé et en cours 😥. On se lance et ça passe. S'en suit une longue itinérance dans cette vallée jusqu'à l'Alpe Veglia, abandonnée des humains l'hiver mais un couple d'irréductibles italiens tiens l'Albergo pour nous régaler à l'italienne ce midi. Impossible de les quitter sans une grappa malgré les 1000m+ à suivre. Merci Roberto 👍
L'après-midi nous réserve une bonne pente à crampons, 2 cols et une sortie de vallon à bricoler en forêt entre petites barres et sol sans neige. 2nd Alpe de la journée, Alpe Devero, magnifique et moins sauvage car accessible par la route l'hiver, même si la station (3 remontées) est fermée depuis le Covid. Welcome au Rifugio Castiglioni, chaleureux, on mange bien à l'italienne et avec un groupe de hollandais et leur guide. Le repas du soir est plein de conjectures sur la mauvaise météo qui se maintient. On décide de temporiser un jour pour décider de la suite, et en restant local.

Déjà notre jour 3, la visibilité est nulle et il est tombé 30cm dans la nuit. C'est magnifique à tracer dans les mélézins, moins drôle dans le nuage et immonde à rider avec au final un gros coup de chaud et une neige molle, lourde et collante. Petit déniv, bricolage ensuite pour réparer mon bâton pété et retopotage pour la suite des opérations... ⚠️ 5 jours de mauvais annoncés avec 1m à 1m50 à venir et une petite fenêtre demain matin. Alors on se rappelle nos objectifs, s'amuser, skier, et revenir. Rien de bon devant nous, décision du replis avec 2 options, descente vers le bas sur l'Italie ou passer la Bocchetta pour revenir en Suisses. Michele, notre gardien, nous donne le point de décision... "S'il neige cette nuit, le bas, sinon vous pouvez passer en surveillant et naviguant bien dans la pente au-dessus de Pian Boglio". On passe donc du temps sur la carte à 30° et à faire slalomer la trace au plus précis.
Nos compagnons de refuge optent pour une sortie par le bas avec la promesse de jours meilleurs en Val d'Aoste dont leur guide connait les moindres recoins des forêts sympathiques.

Matin de J4, le ciel est gris clair, seulement un petit centimètre de neige retombée: Go pour la Suisse. Michele veille, il nous demande de l'appeler une fois de l'autre côté et note notre numéro. Merci pour son accueil calme, ses conseils avisés et sa vigilance humaine.

Magnifique cheminement dans la forêt, puis encore un village extension de l'Alpe Devero, un barrage, 2 lacs, que la montagne est belle ! Il fait gris mais chaud, on voit un autre groupe qui passe sur le grand lac di Devero et on espère qu'ils vont faire la trace. Non, ils ont une autre option et c'est donc avec toute notre attention que nous abordons la pente signalée par Michele. On rase les cailloux, on guette la plus faible pente et pas de signe de risque, ça passe. Coup de froid au sommet, on file au plus vite vers le bas avec le mauvais temps noir qui arrive du sud.

Descente cool, puis longue route sans pente, quelques trous de neige à marcher en bas et voilà déjà Fäld où on remet les baskets. Par chance, on trouve un van de 3 allemands qui acceptent de nous faire l'autostop pour rejoindre le bus, et encore mieux le train à Fiesch dans le fond du Valais 👍 La magie humaine de l'entraide...

Transport, fondue à Genève et le sentiment d'avoir fait un beau raid de 4 jours et avec 10 jours prêts qui nous attendent pour une prochaine fois. On communique avec nos proches qui sont heureux de nous revoir et nous félicitent pour avoir su être raisonnable. Mon père me rappelle cette phrase de Gaston Rebuffat "Face à la subjectivité sauvage, si la technique et l’expérience sont des gages de performance pour défier les lois de la nature, l’observation et l’analyse sont les seuls garants de sécurité et le renoncement la seule assurance de n’avoir aucun regret !" 😉 Et en cherchant sur le web, je trouve aussi celle-ci de Vivian Bruchet "Le renoncement c'est construire ses prochaines ascensions et ses prochains succès."