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Hier, jeudi, derniers préparatifs pour la fête des lumières.
Hier, le soleil éclairait à merveille les paysages du Sulens.
Le soleil transformait la poudreuse en diamants étincelants.
Les branches des arbres croulaient sous l’épaisseur d’une neige pourtant légère.
Hier nos premiers pas, dans cette nature hivernale, nous enchantaient.
Nous étions bien.
Pourtant hier, nous avons côtoyé la mort.
Au passage d’un mamelon, où la dernière partie du vallon apparaissait,
Au fond sur une coulée de neige, sur la gauche, là où il y en a toujours,
Quelques personnes cherchaient, dans cette neige brassée.
Immédiatement j’ai couru, couru dans leur direction, qui n’était pas la nôtre.
Qu’une seule pensée, que doit-on faire pour être le plus efficace.
Ce champ de boules de neige était grand, tout le long de cette pente raide.
La trace a disparu, la marche est plus difficile, j’enclenche la réception de mon ARVA.
A mon arrivée dans le groupe j’avais déjà sorti de mon sac à dos, ma sonde.
J’apprends qu’une personne était déjà retrouvée, sa main sortait de la neige,
Mais qu’une femme, sans ARVA, manquait.
Je rebasculais mon ARVA tout en sondant, car la croupe là-dessus était encore chargée de neige.
Le manque d’expérience me fait rapidement retendre la corde de ma sonde.
Une personne a pris la responsabilité de la recherche, c’est un bon organisateur.
Je l’entends discuter avec une personne faisant partie du groupe surpris par l’avalanche.
Nous plantons nos sondes, tous alignés, rapidement, régulièrement tous les 20 centimètres, le long de nos skis, vers l’amont, en silence.
Les surfaces de recherche, sont marquées à leurs extrémités, par des sacs.
Des randonneurs arrivent, nous sommes maintenant nombreux, peut être une trentaine,
seul un sur deux est équipé de matériel de recherche et se joint à la ligne de sondeur.
L’organisateur nous demande de bien rester en ligne, les uns contre les autres,
afin que le sondage soit bien régulier.
L’atmosphère de travail est rigoureux, consciencieux, silencieux.
Les minutes sont lourdes.
Un de ces moments de vie fort.
L’organisateur, nous encourage, « nous allons la trouver », il ne faut pas perdre de temps.
Nous sondons toujours.
Le bruit si particulier de l’hélicoptère se rapproche.
Il se pose sur mon sac resté ouvert, avec d’autres, toutes nos affaires volent…
Nous sondons encore dans le calme la rapidité la discrétion.
Un médecin et un secouriste, l’un recherche avec un détecteur imposant.
Les chiens de recherche d’avalanche sont en exercice à Samoens. Ils auraient été bien utiles.
L’autre secouriste, après consultation du premier marcheur du groupe accidenté,
demande aux sondeurs, de remonter et de partir de la dernière position du premier du groupe.
Le sondage est repris immédiatement, avec la même précision, la même conviction, la même rapidité.
D’autres ordres sont donnés : de rassembler les sacs, de ne pas laisser traîner du matériel, de ne pas uriner afin de ne pas gêner le travail de recherche des chiens, on les attend toujours.
Le temps s’écoule, nous sondons toujours.
Nouvel ordre nous redescendons d’une dizaine de mètres.
Toujours cette même précision de recherche, cette même complicité, cette même rapidité.
Toujours ce travail dans le calme.
Au bout de quelques minutes de sondage…
Je vois mon voisin direct, à droite de moi, pelleter rapidement, sans un mot,
Je suis surpris, je suis étonné, je continue à sonder…mais une veste bleue apparait !
Quatre personnes pellettent,
Elle est allongée sous cette neige à côté de moi.
Un secouriste demande son prénom ;
« Michelle on est là, c’est fini, on t’a retrouvée, tu es avec nous … »
Les pieds sont vers l’amont, légèrement croisés,
Un secouriste lui retire ses raquettes,
La tête est vers le bas.
Pendant ce temps là l’autre secouriste lui dégage le visage, il est blanc, blanc froid…
Les secouristes, lui mettent un masque à oxygène, lui parlent, elle ne répond pas.
Ce n’est plus ma place je m’éloigne.
Avez-vous besoin de moi ? Non. Je retourne à mon sac.
Je rassemble mes affaires, l’hélicoptère revient.
Il nous crépis pour une deuxième fois de neige avec l’air c’est glacial…
Le bruit et l’air brassé par l’hélicoptère, contraste avec l’ambiance calme des randonneurs.
J’étais mains nues, mes gants sont pleins de neige comme toutes mes affaires.
Des groupes descendent, d’autres rejoignent le petit Sulens.
Nous décidons de rejoindre par les crêtes le sommet.
Nos pas sont lourds de fatigue et d’émotion, mes épaules sont en marmelade.
J’ai, nous avons, le sentiment d’avoir fait, d’avoir donné le maximum.
La beauté du sommet ensoleillé partiellement, ne nous fait rien oublier.
La douceur de la neige poudreuse, à la descente, ne nous fait rien oublier.
Un beau visage de femme pris dans le neige.
La nuit j’apprends, sur la Huit Mont Blanc, qu’une femme, prise dans une avalanche au Sulens,
a été transportée à l’hôpital, « son état vital est engagé ».
Vincent.
Émouvant témoignage d'une lutte collective pour sauver une vie..
C'est déjà la seconde avalanche sur cette montagne "débonnaire" depuis le début de saison.. 🙁
Il me semble que le récit concerne l'avalanche du 6 décembre... je me trompe ?? 😯
ouf .... ça donne froid dans le dos. Bravo en tout cas Vincent pour ta participation et ton témoignage 🤢
" Des randonneurs arrivent, nous sommes maintenant nombreux, peut être une trentaine,
seul un sur deux est équipé de matériel de recherche et se joint à la ligne de sondeur "
je suis surpris, je pensais que le message sur le tio APS était mieux passé. comment ne pas s'empecher de penser que si tout le monde avait été équipé elle aurait peut être été sortie " à temps "
Le triptique APS est maintenant bien passé dans les moeurs chez les randonneurs à ski (même s'il reste quelques résistants, ou quelques étourdits). Par contre, DANS LE MILIEU DE LA RANDONNEE EN RAQUETTE, ce triptique n'est pas du tout intégré. C'est LE public vers lequel il faut travailler maintenant... car dès qu'on sort de la forêt, en raquette ou en ski, le risque d'avalanche est le même, et il est rarement nul...
Eric L a dit :Le triptique APS est maintenant bien passé dans les moeurs chez les randonneurs à ski (même s'il reste quelques résistants, ou quelques étourdits). Par contre, DANS LE MILIEU DE LA RANDONNEE EN RAQUETTE, ce triptique n'est pas du tout intégré. C'est LE public vers lequel il faut travailler maintenant... car dès qu'on sort de la forêt, en raquette ou en ski, le risque d'avalanche est le même, et il est rarement nul...
Effectivement, beaucoup de raquetteurs n'ont pas d'ARVA...
Même dans des groupes de club! 😠
Je me souviens d'une randonnée au Petit Som l'année dernière: j'avais croisé un groupe nombreux (club de randonnée pédestre, en car) de raquetteurs, il y devait y avoir 2 ou 3 arvas pour le groupe...
J'avais fait la remarque au "leader" qui m'avait dit qu'au Petit som, il n'y avait pas de risque! 🤢
Ne serait ce pas un problème de "coût".
Ca va en chiffonner plus d'un car on parle de vie mais je ne pense pas que le raquetteur qui fait 2 ou 3 sorties dans l'hiver a spécialement envie de dépenser 300Eur pour l'ARVA
Pour pallier le coût d'achat, il me semble qu'un ARVA, comme une paire de raquettes, ça se loue, non?
Bon, après reste le problème de savoir s'en servir...
quel est le coût de la vie? mais je suis d'accord, c beaucoup trop cher pour ce que c'est...émouvant ce récit.
Il n'y a pas qu'un problème de coût chez les raquetteurs...
Il y a aussi un problème "culturel": on se promène en montagne en hiver dans le même état d'esprit qu'en été...
Attention, je ne dis pas que tous les raquetteurs sont comme ça, il y a aussi des clubs qui ont fait un gros investissement au niveau matériel et au niveau formation.
Mais beaucoup de clubs de randonneurs (pas vraiment montagnards 😉 ) font de la raquette l'hiver sans se rendre vraiment compte des risques!