Sortie du samedi 24 mai 2025
guilhem1492
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : froid polaire à 3400 m, bise de nord-ouest glaciale dans la pente sommitale et sur les arêtes de la Meije. Malgré le soleil, ascension avec toutes les couches de vêtements, doudoune comprise.
Conditions d'accès/altitude du parking : piste caillouteuse qui secoue pas mal pour accéder au parking le plus avancé (m'a semblé que c'était moins chaotique par le passé).
Altitude de chaussage/déchaussage : 2230 m.
Conditions pour le ski : entre bonnes et excellentes dans la face nord des arêtes de la Meije : poudre tassée et frisottée de printemps majoritairement et neige froide lisse et matée à 3900 m. Serret du Savon : croûte gelée béton, un peu de neige fraîche tout en haut.
Conditions nivo et activité avalancheuse : une plaque assez imposante et toute récente partie naturellement à la rimaye située entre la Meije orientale et le Doigt de Dieu. Une accumulation purgée en skiant le goulet de transition entre la pente supérieure et le couloir inférieur des Corridors.
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
Itinéraire suivi : montée vendredi au refuge de l'Aigle par le glacier de l'Homme. Samedi, descente du Serret du Savon, ascension de la face nord des arêtes de la Meije jusqu'au sommet de la 3e dent. Retour par le même itinéraire.
Horaires : départ de l'Aigle à 6:00, sommet 3e dent vers 11:30, retour à l'Aigle vers 14:30.
"Aucune infos sur les conditions de neige dans la face nord de la Meije, je ne sais pas si les Corridors seront skiables, il n'y aura pas de sentier, pas de trace, il faudra probablement tremper les pieds pour franchir un torrent..." Voilà comment, par SMS, j'ai présenté l'affaire à Nicolas, rencontré deux semaines auparavant dans la face nord de Miage où nous avions allié nos forces pour sortir sur l'arête des dômes et skier toute la face. Nicolas m'a répondu par un pouce levé. Ce sera sa première sortie dans les Écrins.
Parvenus à l'Aigle - dont la nouvelle structure que je découvrais est fidèle à l'esprit de l'ancien refuge légendaire que j'ai connu dans les années 2000 et 2010 - vendredi en fin d'après-midi sous la bise glaciale, nous voyons qu'une plaque imposante s'est déclenchée tout récemment au niveau d'une rimaye située entre la Meije orientale et le Doigt de Dieu. Le doute s'immisce.
Le lendemain nous chaussons les skis pour descendre le Serret du Savon. Quelques bons virages dans la neige fraîche, puis vient la croûte gelée qui vire à la patinoire. Déchaussage et cramponnage au dessus du rétrécissement en bas du passage. La rimaye du couloir des Corridors est bien bouchée, à peine perceptible, nous la passons en peaux. En revanche, 300 mètres au-dessus, la transition entre le couloir inférieur et la face nord des arêtes semble mal enneigée, nous voyons surtout de la glace et des rochers. En montant, la perspective est meilleure, nous traversons à droite sur une rampe poudreuse assez raide entre la glace et les rochers et grimpons un goulet très exposé d'une vingtaine de mètres, parsemé de cailloux cachés sous la neige fraîche, et bordé par une accumulation de neige soufflée (purgée en partie par Nicolas à la descente). Après ce passage, j'ai compris que nous allions skier la face nord des arêtes de la Meije dans son intégralité. Forte émotion pour moi, que je ne peux pas retranscrire par écrit.
Ensuite, nous accédons à une pente large à 50°, un autre goulet sans cailloux celui-ci, une traversée à main droite et la pente sommitale en neige froide matée. Au sommet de la 3e dent (trois derniers mètres rocheux, relais de rappel à découvert), le vent est sans pitié, ma pipette a gelé à l'intérieur du sac, onglée majeure en prenant quelques photos. Il faut décamper !
Descente superbe dans la neige froide puis la poudre, nous enchaînons les virages suspendus dans la face nord de la Meije, La Grave en point de mire 2500 mètres plus bas. Nous passons le goulet mal enneigé et piégeux prudemment (bonne neige mais cailloux masqués), en escaliers surtout, avant de skier le couloir inférieur bordé de séracs massifs en limitant notre vitesse car le sluff est important.
Mon partenaire Nicolas, bien plus entraîné que moi, a tracé l'intégralité du glacier de l'Homme vendredi pour que je parvienne au refuge de l'Aigle pas trop cuit. Le lendemain, j'ai pu le relayer à plusieurs reprises, mais il ne fait aucun doute que sans sa force et son endurance, je ne serais pas parvenu au sommet de la 3e dent. C'est lui aussi qui a tracé la remontée pénible du Serret du Savon sous une pluie de glaçons. Merci Nicolas, à un de ces jours dans les Aravis ou le Mont-Blanc ! Je pense que les Écrins sont faits pour toi.