Sortie du dimanche 19 mai 2024
thomas.p, Capitaine_BenA
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : Couvert puis se dévoilant pour finir grand beau avec des nuages accrochant les reliefs
Conditions d'accès/altitude du parking :
Altitude de chaussage/déchaussage : 2100/2000
Conditions pour le ski : parfaites
Conditions nivo et activité avalancheuse : poudre légère (20/30cm), RAS
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu (par thomas.p)
Itinéraire suivi : Voie historique par les Grands Mulets, Petit et Grand plateaux, Corridors
Horaires : départ 2h45, sommet 8h59, Chamonix 10h45
Avec Capitaine Bena et Lori G.
Le mont Blanc n'est évidemment pas la course la plus technique, ni la plus extrême, mais le mont Blanc reste le mont Blanc. Y aller a toujours un petit goût particulier, on tient en général son compteur personnel bien en tête, et dire aux gens autour de soi qu'on a fait le mont Blanc aura toujours plus d'effet, en général, que de dire "on a fait la Verte". Mais briller en société n'est évidemment pas la motivation première, et je dirais que grimper sur le toit de l'Europe tient surtout du rituel de fin de saison de ski. Ce dimanche la météo annonçait grand beau et on se décidait avec Benj (Capitaine Bena) et Lori de tenter l'aventure, même si l'arête N du Goûter en glace encourageait à emprunter la voie plus exposée aux séracs, par les Plateaux.
Réveil à 1h30 sur le Plateau d'Assy où l'on logeait. Lorsqu'on sort, ciel bâché et bitume humide, mais pas d'inquiétude, le beau est une promesse de l'aube. Le départ en tshirt du tunnel déroule. On chausse les skis à 2100 et les déchaussages jusqu'à la Jonction sont très rares. L'enneigement est pour ainsi dire excellent et la Jonction en elle-même est négociée avec une facilité déconcertante. La montée sous le refuge des Grands Mulets zippe quelques fois, puis la trace devient très agréable à la faveur d'une neige fraîche et d'une inclinaison parfaite. La synchronisation avec les groupes partis du refuge est parfaite elle aussi, car quelques dizaines de traceurs malgré eux nous ont peaufiné la trace le matin même. Les Plateaux passent très bien, puis on bifurque sur la gauche après une petite traversée afin d'emprunter les Corridors. Première pour moi de ce côté-ci, et il faut dire que cet itinéraire est très fluide car intégralement à ski, hormis un coup de cul vers 4400 qui encourage à porter brièvement les skis. La vue sur l'Italie couverte de nuages est dingue, avec ce versant sud du massif qui émerge de la nébulosité. Côté français c'est très clair.
On dépasse les cordées les unes après les autres. Ce n'est que vers 4200 que je ressens bien l'altitude et que le rythme baisse un peu. Sur le dernier mur avant le sommet, on aperçoit les premiers traceurs du jour. On parvient à les rattraper 30 m sous le sommet et nous nous offrons le luxe d'être les premiers à fouler le mont Blanc ce jour-là, moins de 6h15 après notre départ ! Les derniers skieurs qu'on a passé étaient partis les premiers du refuge, à une heure où l'on dormait encore à Passy... On savoure le moment !
Le froid nous saisit avec le vent qui se lève, on ne tarde pas à redescendre par la face N avec un autre groupe. On évite la partie la plus raide, n'étant pas sûrs de la nivo à cet endroit. Une bonne couche de 30 cm de poudre fraîche offre des virages délicieux dans la neige vierge, même avec nos skis de compétition à 65 au patin. C'est là que je ressens plus la fatigue, lorsqu'il faut enchainer sans s'arrêter sous les séracs. Un peu avant le refuge des Grands Mulets, je repère une pente favorable à un décollage en parapente, comme je l'avais fait l'an passé avec Martin K. Il est temps de mettre à profit les 2,5 kg de tissu que je me trimballe depuis cette nuit ! Je demande à mes gentils compagnons de cordée (qui acceptent que je les laisse à leur triste sort sur la partie la plus ingrate de la descente) de tenir la voile qui glisse un peu sur la neige avec le léger catabatique. Premier déco raté : les skis plantés face au soleil pendant la mise en place de la voile bottaient et m'ont arrêté net ! La seconde sera la bonne après avoir laissé les semelles refroidir dans la poudre et à la faveur d'un léger vent de face. La joie est encore plus grande qu'après avoir atteint le sommet ! Quel spectacle du survoler les glaciers et de plonger sur Chamonix sans effort. Le vol est tranquille, et je pose vers 10h45, 8 heures après avoir démarré du tunnel. La journée peut commencer.
Il y a moyen d'être plus rapide en s'acclimatant, en appuyant davantage sur la partie où l'altitude n'est pas un problème, et en portant une voile monosurface (j'avais déjà du léger avec une Advance Pi). Reste que ce mont Blanc a été fantastique, négocié sans accroc, avec une super cordée. Mon meilleur en terme de ski pur ! C'est encore tellement bon là-haut qu'il est loin de clôturer la saison...