Vieux Chaillol, Face Nord-Ouest, "danse bouquetine"

Massif : Ecrins
Départ : Molines en Champsaur (1250 m)

Topo associé : Vieux Chaillol, Face Nord-Ouest, 'danse bouquetine'

Sommet associé : Vieux Chaillol (3163 m)

Orientation : NW

Dénivelé : 1920 m.
Ski : 5.2

Neige dure légèrement revenue ou dure avec bon grip sur la première partie, poudreuse dans le couloir et les PraÏts de Chaillol, moquette sur le bas

Activité avalancheuse : 0

Un de ces beaux moments en montagne.

Il y a 2 ans, je me demande bien pourquoi rien n’est décrit dans cette face. Pourtant, il y en a des bons skieurs dans le coin, alors ou bien il y a un problème quelque part là-dedans, ou bien je ne suis pas au courant. Je la regarde à plusieurs reprises, depuis la vallée, à chaque montée au Vieux Chaillol, avec Pierre il y a 2 ans du pic de la Saume, le printemps dernier en allant à pied dans ce vallon sauvage à souhait, la veille de nouveau au pic de la Saume coté sud-est. C’est cette dernière sortie qui me permettra d’éclaircir les 300 mètres qui me manquaient. J’ai ma ligne.

La journée semble magnifique. Je suis fatigué, monte tranquille, en tout cas plus tranquille que l’avion de chasse qui me double en raquette, non mais combien de temps as-tu mis ce jour là pour l’aller-retour là-haut? Il y quelques années j’aurais sûrement râlé car ça abime la trace. J’ai dû vieillir. Aujourd’hui je me dis juste que c’est bon que chacun puisse profiter de la montagne à son goût. Je préfère mes skis quand même. (et mollo sur la trace hein).

Arrivé sur le plat, je cherche l’entrée : ça passe pas. Je vais au sommet et verrai à la descente. Vent fort. Genre la montagne qui te met un coup de rappel que c’est toujours elle la plus forte. A la descente, je passe 20 minutes à chercher un plan B, certes mon entrée passe, mais en crampons. Hors ce que je cherche aujourd’hui, c’est du ski de haut en bas. C’est ce que je cherche tout le temps en fait. Je trouve enfin un passage, plus au sud. L’altitude est quasiment la même, ça rajoute un peu de traversée, ça ne me semble pas gâcher grand-chose, pas un souffle de vent, feu.

Le reste est dans le topo.

Je propose 5.2 E4. A confirmer par les passages éventuels passés et futurs, à vue tout va vite, et j’étais plus concentré sur mon ski et sur la beauté de ce que je vivais que sur la pente exacte que je skiais. En tout cas j’ai déjà skié plus dur sur le papier en me fatiguant moins, surtout mentalement, à toujours chercher l’itinéraire, la bonne neige, les éventuels pièges. Ne sous-estimez pas l’ampleur de la face et le risque de s’y perdre. A envisager uniquement dans des conditions nivologiques sereines. Eh oui il faut accepter de skier un peu de la neige dure. Ce que j’ai eu sur la partie haute, avant de trouver de la bonne poudre dans les derniers couloirs abrités. J’ai quand même fait une petite remontée en peaux de phoque avant le dernier ressaut après m’être planté de brèche, histoire de perdre 30 minutes dans la face, comme s’il n’y en avait pas assez ! Ma seule erreur aujourd’hui, après les difficultés, ce n’est sûrement pas un hasard.

J’ai choisi de réaliser la descente à vue, déjà car tracer tout ça ne me parait pas une mince affaire, et surtout car ça m’a permis de faire la boucle qui me tenait à cœur, avec un même point de départ et d’arrivée : Chaillol, « the place to be ». D'ailleurs le dénivelé mentionné en haut est celui du départ de Molines. Au départ de Chaillol, avec retour via le col du Viallet, il faut compter 2550 mètres environ, j'en ai réalisé 2700 le jour de la sortie avec ma petite remontée dans la face... Je ne le conseillerais qu’à condition d’un bon repérage, j’ai ressorti mes photos de la veille plusieurs fois en descendant. Ceci dit, maintenant, il y a un topo.

C’est certain, ce n’est pas de la grande courbe (enfin pas sur le haut en tout cas…), et il y a 3 traversées (certaines potentiellement évitables par meilleur enneigement). Mais surtout, il y a presque 1300 mètres de ski dans une face sauvage, aucun déchaussage, aucune manip, juste du ski. Une descente au milieu des bouquetins, des chamois, sans réseau, à se demander si on y a vraiment notre place. Une descente durant laquelle je me suis fait d’autant plus plaisir que ces moments étaient plus rares pour moi ces dernières années. On ne les apprécie que davantage. Ces projets que l’on prépare bien et où l’on se sent au bon endroit, au bon moment, constituent des moments de bonheur. Sûrement moins de risque pris que lors de nombreux autres jours plus aléatoires dans des pentes plus faibles. Lorsque j’arrive en bas, je regarde tout ce chemin parcouru en si peu de temps. Le ski de montagne permet ça. Et pourtant je l’ai vraiment pris le temps. La sensation d’un long et intense voyage, qui finalement passe très vite. Un voyage qui ne nécessite aucun avion. Juste des skis, et des idées.