Départ : Argentière (Grands Montets) (3295 m)
Topo associé : Aiguille Verte, Nant Blanc, variante Tardivel
Sommet associé : Aiguille Verte (4122 m)
Orientation : NW
Dénivelé : 3000 m.
Ski : 5.5
Sortie du jeudi 19 juin 2008
Conditions nivologiques, accès & météo
Soleil puis voile nuageux vers 3500mEtat de la route : déneigée, caillouteuse sur la fin ...
Altitude du parking : 1700 m
Enneigement exceptionnel pour cette face. Neige dure à gelée le matin, transfo moquette à soupe le soir. Certaines parties de la face voit le soleil très tard (14h l'ombre du Dru s'éloigne fugitivement) et dans certains endroits de manière très rasante.
Altitude de chaussage (montée) : 2200 m
Altitude de déchaussage (descente) : 2200 m
Activité avalancheuse observée : avalanche de plaque, coulées, etc. le coin est agité à toute heure.
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
---|---|---|---|---|---|---|
Nant Blanc | 3100-3900m | NW | Moquette | Printemps dure le matin, molle le soir | ||
piste | 2200-3200m | Soupe | Printemps dure le matin, molle le soir |
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu
Avec Eric, Pierre, Jérémy, Stéphane
Des conditions de rêve, un itinéraire mythique, une équipe d’amis ; en bref, une expérience inoubliable :-)
Après avoir hésité sur la meilleure approche possible, nous nous retrouvons à Argentière pour monter dans le 4x4 de Jérémy. La benne étant fermée, celui-ci nous monte sur la piste caillouteuse des remontées mécaniques jusqu’à 1700m, nous épargnant un peu plus de 400m de dénivelé. Nous partons ensuite sac au dos, puis skis aux pieds, pour gravir les 1100m nous séparant de notre bivouac prévu à 2800m.
Levés à 4h, départ à 5h, aux premières lueurs de l’aube. Nous n’arriverons à la rimaye que 5h plus tard ! Dès nos premiers pas, la sauvagerie de la face nous accueille. La rimaye se franchi rapidement, mais le premier étranglement balai nos rêves d’une descente intégrale à ski. La pluie et la chaleur ont transformé cette pente probablement skiable en une goulotte large mais impraticable skis aux pieds (à moins bien sûr d’avoir pris deux piolets tractions et d’accepter de descendre à la seule force des bras … drôle de ski !). Après avoir cherché à droite, puis à gauche, l’évidence s’impose.
Heureusement les pentes du dessus, pour l’instant verglacées, nous fournirons l’occasion de faire du très bon ski une fois dégelées. Le névé inférieur nous conduit rapidement à la rampe, qui, selon Pierre, nous permettra de franchir l’obstacle des goulottes sans faire de rappel. Celle-ci est aussi gelée, et conduit à une traversée gazeuse dont la fin nous laisse songeur sur sa skiabilité. La neige gelée laisse place à de la glace bleue constellée de petits cailloux, traversée mixte déjà peu sympathique en crampons.
Nous sortions à peine de cette traversée lorsque qu’Eric m’appelle à l’aide. A deux mètres de moi, il plaque Stéphane contre la neige dans une pente à 50°. A deux nous le soutenons le temps que Jérémy face un ancrage avec ses skis et taille une plate-forme dans la pente. Nous pouvons alors l’assurer et le déplacer sur celle-ci. Pierre, faisant la trace, est totalement inconscient des événements.
Stéphane a fait un malaise et est tombé, inconscient. Il se sentait très bien et tout a basculé d’un coup ! Une chance que nous étions regroupés un instant auparavant pour discuter de l’itinéraire. L’état de Stéphane ne s’améliorant que très peu malgré nos premières mesures Jérémy insiste, justement, sur la nécessité d’appeler les secours. Stéphane évacué par l’hélicoptère, le sauveteur pose une question qui doit être habituelle : « j’évacue tout le monde » ? Pierre répond que non. Eric non plus. Moi non plus. L’austérité de l’itinéraire a toutefois raison de l’enthousiasme de Jérémy, qui accepte.
Nous continuons alors sur le névé supérieur. Malheureusement, un peu avant la fin de celui-ci, un épais brouillard nous entoure. Nous continuons jusqu’à la fin du névé. Le soleil devant dégeler la face s’échappe. Ne réapparaissant pas malgré notre attente, la décision s’impose : nous n’irons pas au sommet. Nous entamons donc notre descente à la fin du versant Nant Blanc, laissant les pentes faciles de la calotte sommitale pour une autre visite.
Malgré le brouillard qui atténue le relief, la pente est forte. Si forte que pour la première fois Eric me demande de le parer lors de ses premiers virages. Heureusement la bonne neige de printemps nous offre des virages plaisirs en toute sécurité. La pente s’atténue ensuite, menant aux goulottes ou à la traversée. Pierre décide de passer skis aux pieds, et piolet traction à la main, dans cette traversée dont les premiers mètres sont en glace et en mixte. Avec Eric, nous sommes bluffés. Nous mettons les crampons pour franchir cet obstacle.
Dans la rampe la neige a un peu transformé et l’inclinaison est là aussi très forte. Les virages sont réfléchis. Elle se termine par une étroiture où la neige n’a décaillé que de manière superficielle et qui est encore plus raide. Pierre montre la voie. Eric descend en dérapant, piolet à la main. Mon premier virage est hésitant et me libère. Le grip de la neige dure me rassure. Le plaisir est là, intact.
Pierre descend en de beaux virages le névé inférieur pendant que nous le suivons à distance. L’inclinaison est moins forte et la neige plus facile à skier. Nous descendons tranquillement l’épaule, le soleil baignant les pentes à cette altitude. A la fin de celle-ci, la pente plonge à nouveau et la neige, moins chauffée, redevient plus dure. Encore quelques virages, une grande traversée, et nous atteindrons la barre inférieure. Pierre a déjà mis les crampons et cherche le passage le plus abrité des coulées. Nous désecaladerons à tour de rôle ce passage d’une trentaine de mètres de dénivelé, moi en bon dernier moins expérimenté que mes deux amis, comme d’habitude.
Le bas est simple techniquement, mais avec la chaleur de la journée pas moins exposé. Après avoir slalomé entre les crevasses, nous atteignons à 20h le bas du couloir qui nous mènera aux Grands Montet. Les dangers sont derrière nous. Il nous faudra 3h, épuisés et sans eau, pour atteindre notre dépôt de matériel. De là une heure nous sépare encore de Jérémy et de Stéphane, qui nous attendent aux 4x4 avec de l’eau et de la nourriture.
Pour finir, j’ai une pensée pour Jérémy et Stéphane pour qui cette journée ne s’est pas aussi bien finie que prévue, pour Eric et Pierre qui m’ont soutenu durant cette aventure, et pour nos amis qui auraient aimés être là et qui ne pouvaient pas venir.
Dénivelé du deuxième jour : 1500m pour l’itinéraire, et 400m lors du retour, soit 1900m.
Dernières remarques, concernant la cotation … mon expérience du 5.6 était nulle avant cette descente. Je dirais juste qu’une descente réalisée 3 fois en 19 ans, alors même que plusieurs tentatives n’ont pas abouties ces dernières années, est une descente sérieuse. Une fois pris en compte les pentes, très raides par endroits, l’exposition, les dangers objectifs, les conditions à trouver ; je pense que cette descente, selon mon expérience actuelle, mérite cette cotation.