Départ : Les Varvats (1042 m)
Topo associé : Le Pinet, "une échelle pour Jacquot" ou voie de Seigneurie
Sommet associé : Le Pinet (1867 m)
Orientation : W
Dénivelé : 1111 m.
Ski : 5.1
Sortie du mardi 16 février 2021
Conditions nivologiques, accès & météo
Beau puis voile d'altitude
Aucun vent, ski de printemps sur l'Alpe
Etat de la route : sec
Altitude du parking : 1042
Inversion, les sapins s'égouttent à 1200m à l'abri du soleil ... alors que j'ai dû gratter le parebrise
Sur l'Alpe, poudreuse légère avant l'arrivée du soleil, puis neige collante
Descente Ouest, neige très lourde, purge à chaque virage, la couche dure sablée ocre fait un super plan de glissement.
Très bon remplissage en forêt jusqu'à 1200m, en suivant le ruisseau indiqué sur la carte.
Altitude de chaussage (montée) : 1200 m
Altitude de déchaussage (descente) : 1250 m
Activité avalancheuse observée : Nombreuses purges de neige lourde déclenchées (volumes conséquents)
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
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Varvats | 1042 | SE | 09:00 | 0/0 | Nada, nitchivo, rien at all | |
Pas de l'Echelle | 1600 | 10:30 | 20/? | Poudre | Humidification en cours (collante) | |
Grotte à l'Echelle | 1600 | W | 12:00 | 20/? | Transfo lourde | Purges nombreuses |
Skiabilité : 😐 Correcte
Compte rendu
Après m'être esbaudi devant les images somptueuses de Morgann fin janvier
www.skitour.fr/sorties/le-pinet,99587.html#sortie
j'avais jeté un coup d'œil au topo, et le nom de la ligne "Une échelle pour Jacquot" avait fini de me décider. Enfin un peu d'originalité dans ce monde de couloirs, faces, combes et autres directes. Comme si le skitourien n'était pas plus que ça porté sur la poésie. Je préfère en douter ...
L'autre nom de la ligne, voie de la Seigneurie, me fit bondir. Comment est-ce possible que les ouvreurs n'aient pas remarqué le panneau en fer forgé dans la grotte à l'Echelle ? C'est portant bien inscrit "saignerie". Comme si le skitourien n'était pas plus que ça porté sur l'orthographe. Je préfère en douter ...
Car oui, il s'agit bien ici d'un haut lieu de saignerie, barbare nécessité qui a rythmé l'Ouest de la Chartreuse pendant des siècles. Un peu d'histoire s'impose avant de rectifier le topo.
14 juin 1516, François 1er et sa "cousine" franchissent la montagne de l'Epine, avant de remonter les gorges du Frou (A l'époque on préférait cousine à maîtresse, comme on disait "majordome derrière le rideau" plutôt que PMA). Le monarque n'appréciait pas plus que ça la région, mais étant fils de Louise de Savoie et de Charles d'Orléans, il subissait une garde alternée stricte. Bref, il arrive chez sa mère aux Entremonts pour l'anniversaire du bouillant Joseph Bouillon, ami d'enfance.
La fête dure trois jours et trois nuits, ça ripaille à qui mieux mieux. Le second soir, François est bien torché, et l'envie lui prend d'aller à la chasse. Sa mère lui colle un aller-retour, furieuse du peu de tenue dont son rejeton fait montre devant les invités, et l'envoie dans sa chambre, privé de dessert. François se carapate aussitôt par le fenestron, et rejoint le bouillant Bouillon, qui l'attend avec les mousquets.
Nuitamment, ils montent aux Varvats. Bouillon connaît le coin par cœur. Ils ont tôt fait d'atteindre Rigne Bâton (Encore une désorthographie étonnante, puisqu'à l'époque c'était Ruine Bâton, mais bon là tout de suite on n'a pas trop le temps, non ?). Ils se désaltèrent, montent à Pratcel, franchissent la frontière au pas de l'Echelle et débouchent sur l'Alpe à l'aube naissante.
A cette époque, la forêt chartrousine est particulièrement giboyeuse. Les cerfs règnent en maîtres et ont souvent jusqu'à 22 voire 23 cors, les Gazella Cartusiana pullulent, frayant parfois avec les Rupicapra. Les lièvres coursent les sangliers, l'aigle impérial niche, il reste même selon certains historiens, quelques spécimens de panthères des neiges, échappées des cages d'Hannibal quand il traversa la Chartreuse, de retour du Tibet.
Bref, François et Bouillon n'ont aucune peine à ajuster une proie, un magnifique mouqueton mâle. François n'a pas assez décuvé, il queute. Bouillon prend sa chance et touche la pauvre bête dans le poitrail. Elle s'effondre aussitôt, comme morte. Les deux compères sont sur la crête du Pinet, pas trop le courage de redescendre par Pratcel, alors qu'ils aperçoivent la vallée juste endessous.
Bouillon passe le premier, le passage est délicat, les vires étroites et exposées. Il a le mouqueton sur les épaules, pas loin de 80 livres. Arrivant dans la grotte, l'animal se réveille d'un coup et commence à gesticuler, manquant de précipiter dans le vide le bouillant Bouillon. François sort sa dague et saigne aussitôt la bête.
Le reste de la descente ne figurant pas dans les archives du musée savoisien de Chambéry, nous ne pouvons que faire l'hypothèse qu'elle est sans intérêt, ou que le copiste de faction a bâclé son taf.
Aujourd'hui encore, les chasseurs de chamois, font une halte à la grotte de la Saignerie quand ils ont une bête sur les épaules, pour perpétuer cette barbare tradition.
PS : au fait, pourquoi "A l'Ouest d'Eden" ?
Très bonne question, je m'y plonge dès que j'ai un moment
PPS : [Réclame] Si les deux arches visitées ce jour (Doline du Pinet et grotte à l'Echelle) vous intéressent, une visite sur mon blog s'impose
unjourunearche.blogspot.com/p/liste-des-arches.html