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Je vous propose de raconter ce qui nous est arrivés aujourd'hui (attention, le titre du forum spoile grandement l'histoire), pour faire un retour d'expérience et aussi prendre vos remarques, sur les erreurs qu'on a pu faire et dont on n'aurait pas forcément encore pris conscience.
Vendredi soir, on décide de faire le tour de la pierra menta en partant de Granier. Au vu du BRA, on se dit que ce tour ne comprend pas de grosses pentes, et que le risque est limité si on fait gaffe aux horaires. Les refuges de Presset et de la Balme étant complet, on décide donc de le faire dans le sens horaire en 2 jours, avec nuit au refuge de la Coire (mois optimal selon nous). Gros inconvénient, le tour se finit par des pentes sud sous le col de Charbonnière, donc on se dit qu'il faudra partir suffisamment tôt dimanche pour éviter de prendre ces pentes aux heures chaudes.
Samedi, RAS. ca purge pas mal sur les pentes raides sud et est, et a priori ouest dans l'après-midi, mais rien d'anormal selon nous au vu des températures (mais on est au chaud au refuge à partir de midi...)
Sieste, lecture, taboulet, jeu de cartes...que du classique
Dimanche, départ 6h à la frontale. On branche les DVA au départ, je sors la poignée ABS. Il doit faire entre 0°C et -5°C. Il fait nuit, on éclaire nos spatules mais j'avoue qu'on n'est pas encore en alerte maximale.
Au bout de 3 pas, on se rend compte que le regel est médiocre. Fine couche en surface qu'on transperce facilement en ski.
On attaque donc direct une traversée qui doit nous mener au col du coin 400m plus haut.
Après 50m, je remarque une fissure 50m plus haut. Je laisse donc partir Nico devant, et laisse suffisamment d'espace entre nous. 50m plus loin (on est donc à 200m du refuge), on doit traverser une coulée. Nico s'engage, et je suis derrière à une distance de 20m. Une fois les 2 spatules posées dans la coulée, je me rends compte que la neige semble "fraîche" et que la coulée doit être récente. Le temps de formuler la pensée dans ma tête, j'entends un bruit au-dessus, je lève la tête et vois de la neige couler et fonçant sur nous. Le temps de gueuler "oulah oulah avalanche", et j'ai le réflexe de me regrouper pour essayer de résister à l'avalanche et ne pas me faire emporter. autant vos dire que j'avais autant de chance que ma petite soeur d'arrêter Jonah Lomu lancé à pleine vitesse... Malheureusement, je fais le geste pour déclencher mon sac ABS au moment où je me fais faucher, et n'y arrive donc pas.
Bref, l'avalanche me renverse, et m'envoie tête la première vers la pente, les bras le long du corps (en position squeleton...). Je suis enseveli instantanément, mais pas désorienté. Je me débats pour ramener les mains vers la tête, ce qui me prend qques secondes, puis je m'appuie sur la neige pour tenter de sortir la tête, et, alors que je sens que l'avalanche ralentit, je fais une pirouette pour me remettre les skis en aval (comme sur une chute à ski, finalement). J'y parviens quand l'avalanche s'arrête, et j'émerge enfin, 50m plus bas. Je me retourne de suite, et vois Nico 20m à ma gauche, également en surface.
Je n'ai pas déchaussé (j'étais en position montée), mais j'ai perdu bâtons, frontale, lunettes, et gants. J'ai les 2 bretelles de mon sac à dos sur la même épaule. Nico a gardé ses bâtons en main (visiblement il est resté en surface tout le long), mais a perdu un ski (leash arraché), a cassé l'autre (au niveau du patin), et s'est légèrement torsionné un genou.
Selon nous, sur-avalanche en départ spontané sous une fissure, quelques minutes (ou heures ?) après une première coulée. Je dirais 30m de largeur, 100m de longueur.
Une fois remis de nos émotions, je remonte au refuge prévenir les autres groupes de notre mésaventure (qui était sur le point de partir dans la même direction), et on descend non sans inventer une nouvelle discipline : le walk&ski (directement inspiré du run&bike). S'ils en font une nouvelle discipline aux prochains JO d'hiver, on est chauds !
Voilà pour l'histoire... J'essaye maintenant de rationaliser tout depuis notre décision de s'engager sur ce tour, et de voir quelles ont été nos erreurs.
Avec le petit recul que j'ai 12h après, je me dis que quelques signes étaient présents, mais peu visibles à cause de la nuit, et surtout, nous n'y avons pas fait trop attention, nous pensant à tort en sécurité à 6h15 sur des pentes relativement modérées (25° je dirais...)
N'hésitez pas si vous avez des remarques sur ce récit, si vous voyez des erreurs évidentes que nous avons faites, ou si vous pensez que "cébienfé" pask'en risque 3 généralisé, yaka laisser les peaux au garage...
Bonne soirée à tous,
Cédric
Pour ma part je trouve que c'est un hiver spécial: si j'étais resté dans le même état d'esprit que les saisons passées je serai sans doute mort. J'ai eu cette année l'impression que les conditions n'étaient pas faciles à cerner, il y a eu de gros cumuls, du vent, du froid et des redoux, des avalanches là où on n'en avait jamais vu... Beaucoup de copains se sont fait bousculer, voire pire. Dans le doute je me suis abstenu de sortir certains jours, même si ça a été parfois frustrant parce que l'enneigement était excellent, et que pendant que je ne skiai pas certains ont fait de jolies choses.
Je n'ai pas cédé aux sirènes et je me suis écouté: la montagne reste une pratique dangereuse et c'est cela qu'il ne faut pas oublier, et c'est un peu cela qui fait son charme...
Merci pour ton retour d'expérience Cédric
Merci pour ce retour précieux. Ravi que tu sembles garder le moral et que ça se termine "bien" 😄
Ça tend à confirmer que les reptations/coulées de fond ne se produisent pas que l'après-midi en versants chauffés, mais n'importe quand, exactement comme les chutes de séracs. On est donc plutôt dans le domaine de l'imprévisible, contrairement aux plaques dues au vent, ou aux couches fragiles enfouies.
Une info qui aurait pu être utile (mais comment la trouver ?), c'est la nature du sol, plus ou moins propice à ce genre de coulée, herbe ou dalle rocheuse.
La fin de saison va être sûrement TRES dangereuse, au regard des quantités exceptionnelles de neige en altitude, qui vont forcément purger avec la hausse des températures.
Salut et bravo pour ta démarche! Bien content que tout ce soit bien terminé...
Du côté d'Aussois, multiples départs spontanés au niveau de ruptures de pentes, et pas forcément aux heures chaudes, aux alentours de 2000-2200m (à voir sur data-avalanche). On risque de ne pas être tranquilles avant un petit moment dans et sous les pentes raides, mais il reste plein de chouettes trucs à faire dans des pentes cool!
Bon ski!
Merci beaucoup d'avoir partagé cette expérience.
Je suis sidérée que l'avalanche ait eu lieu aussi tôt le matin et surtout qu'elle soit partie dans du moins de 30° apparemment...Je ne pensais pas que cela soit possible...
Tout d'abord merci pour ce retour et le concept meme d'être ouvert aux critiques....
Je me permets de te donner quelques remarques.
A votre charge:
- la mauvaise prise en compte d'un mauvais regel nocturne printanier,
- la considération de la pente sous les fameux 30 degrés. Pour un manteau neigeux de type printanier, je considère que l'eau coule sur des pentes infimes
- l'espacement entre vous trop faible
- votre volonté de finir le raid, peut être.
- ne pas avoir renoncé ...
A votre décharge:
- la visibilité très mauvaise voire nulle à votre départ
- la Difficulté de devoir être vigilant immédiatement au saut du lit.... Pas de possibilité de chauffe du cerveau.
Je suis évidemment preneur d'autres remarques et ouvert aux critiques sur mes arguments.
certains donneur de leçons disais qu'il n'y a pas d'avalanche à moins de 30.et bien moi je dit que même à 20 degré cela est possible je l'ai déjà vu et subi
Beau témoignage. J'avais posté l'autre jour une analyse après chamechaude, et je suis le seul à dire que ça part en dessous de 30 degrés. Voilà un bel exemple assez imprévisible
Merci du retour, avalanche à 6h ... 🤢 🤢
Idem cet hiver pas mal de de collègues se sont fait chahutés ou pire...
Il y a plusieurs pb :
Quantité énorme de neige 5m à 2500m dans belledonne il faudra du temps pour stabiliser
A vérifier, mais vers Grenoble depuis plusieurs jours du vent de sud qui empêche le regel
Depuis 3-4 jours il fait doux et le regel est mauvais la neige semble gelée mais ce n'est que sur qqe cm donc sur les rochers chaud ça peut partir
On voit plein de sorties de tous niveaux partout sans pb et on se dis pourquoi on y irai pas ????
la météo semble rester comme cela pendant 10 jours donc ficelle ..
Comme disait un collègue : quand on en réchappe on appelle ça l'expérience.. 🤢 🤢
Pas facile de savoir où est la limite à ne pas dépasser cette année ????
a+
à la lecture de ce récit très intéressant, je me pose cette question : comment êtes-vous montés au refuge de la Coire ? en effet, la vallée de Laval, que je connais parfaitement, est encore plus dangereuse que les pentes d'où les coulées sont parties...
ainsi, je ne vois pas trop d'échappatoire top niveau sécurité pour rentrer à la voiture après avoir vu ce mauvais regel.
ce matin à 7h00 9°C à 1500 à Orcières et à 12h30 il y avait encore des gens sur l'aiguille... pour ma part je pense qu'il y a beaucoup moins d'accident que d'imprudent !!!
Cool que ça finisse bien pour toi.
Merci pour le récit de votre (més)aventure. C'est toujours instructif. Se faire prendre à 6h du mat dans une avalanche c'est quand même pas courant...
C'est clair que les conditions cet hiver sont vraiment particulières... Il faut parfois résister à la tentation grrr. C'est comme un régime, il faut savoir ne pas être trop gourmand!
Le taboulet c'est le taboulé ? Un vrai libanais: persil plat ciselé jus de citron huile d'olive tomates et boulghour ou l'infâme salade de semoule que les francais appellent taboulé ?
Sinon il y des pentes à 30-35° dans la traversée peu après le refuge (cf carte des pentes IGN) ce serait bien d'avoir la localisation exacte.
Pour l'ABS, quel type de poignée (pb récurent de non déclenchement )?
Merci du retour d'expérience.
Cm a dit :Beau témoignage. J'avais posté l'autre jour une analyse après chamechaude, et je suis le seul à dire que ça part en dessous de 30 degrés. Voilà un bel exemple assez imprévisible
Les avalanches naturelles de neige de type printanière sont possibles sur les pentes de 15 degrés. Ne confondez pas les plaques avec les avalanches naturelles. C'est dans tous les stages et livres sur les avalanches.
Un ABS n'est pas très utile si vous êtes pris par une avalanche de neige lourde. La ségrégation inverse ne fonctoinne pas dans ces conditions. Il vous donne probablement un faux sentiment de sécurité.
Je rebondis sur le post de MiRO: "Une info qui aurait pu être utile (mais comment la trouver ?), c'est la nature du sol, plus ou moins propice à ce genre de coulée, herbe ou dalle rocheuse."
Je vous donne une solution: en connaissant la montagne aussi l'été, elle se pratique et se vie aussi sans neige 😉 ...