Départ : Chalet du Gioberney (sentier du Ministre) (1571 m)
Topo associé : Pic Jocelme, versant Sud
Sommet associé : Pic Jocelme (3457 m)
Orientation : S
Dénivelé : 1200 m.
Ski : 3.3
Sortie du samedi 8 juin 2019
Conditions nivologiques, accès & météo
grand beau sans vent après dissipation d'épaisses brumes matinalesEtat de la route : RAS
Altitude du parking :
départ du refuge de Chabournéou (2020m)
Altitude de chaussage (montée) : 2150m env mais skis vite remplacés par marche sur moraine puis avec crampons sur le reste de la montée par commodité
Altitude de déchaussage (descente) : idem après une interruption sur une 100aine de mètres après le replat du glacier de Surette
Activité avalancheuse observée : néant - tout est consommé
Les 2 ressauts du glacier de Surette, neige encore dure ; attendre le dégel aurait hypothéqué le reste.
Entre les 2 ressauts et entre le 2e et la zone de déchaussage : impeccable, un rêve de printemps
Névé entre 2550 et 2200 : neige de névé bien tassée, un peu molle en surface et avec quelques cailloux ayant roulé depuis l'amont
Skiabilité : 😐 Correcte
Compte rendu
Avec Denise
depuis le refuge de Chabournéou
…..et à Dominique à Chabournéou les maux de la faim.
Hasards de l'amitié : quand la saison d'hiver s'est passée sans embûches, je me retrouve en juin à Chabournéou pour seconder Dominique à l'ouverture du refuge qu'elle gère depuis 8 ans avec maestria. Cette année, l'héliportage ayant été avancé au 6/6, j'ai encore la tête au ski de rando ; faisons donc d'une pierre, deux coups.
Mercredi 5/6 :
Sur le sentier du Ministre, s'avance, au train de sénatrice, un équipage franco-belge de deux mules à cornes de chamois. Les (rares) promeneurs et toutes les fleurs de l'alpe les regardent passer, un air dubitatif, voire narquois, dans les yeux.
Jeudi 6/6 :
L'héliportage ne s'annonce pas de tout repos : la brume peine à se dissiper, mais le fait quand même, le vent se met de la partie et la dernière rotation sera périlleuse. L'équipe de bénévoles reste stoïque et confiante. Moi, je croise les doigts. Pas trop fatigant. Une fois de plus, tout se passe comme sur des roulettes. L'équipe redescend dans la vallée. Et nous restons, Dominique la gardienne-chef d'orchestre, Alice l'aide gardienne dévouée, Denise ma coéquipière et moi-même. Personne n'est de trop pour les travaux des jours à venir.
En passant, je voudrais saluer les bénévoles du CAF de Gap qui oeuvrent avec compétence sans compter ni leur temps ni leurs efforts. J'espère que l'Institution leur est reconnaissante. J'espère.
Vendredi 7/6 :
Je vous passe toutes les tâches à accomplir au moment de l'ouverture d'un refuge. Mais pourquoi tous ces randonneurs b.....-t-ils tant ? Sans doute parce qu'ils ne savent pas ce que veut dire ranger toutes ces provisions dans un réduit malcommode (bien que déjà bien amélioré par les bénévoles). Toujours est-il que Dominique et Alice ne lèvent pas le nez de toute la journée.
Denise, la tornade blanche flamande, cure jusqu'au moindre interstice visible à l'oeil nu et brique toutes les surfaces atteignables. Quant à moi, ayant fourni cette main d'oeuvre hautement qualifiée, je me considère comme quitte mais, dans un élan de solidarité, je prépare le potager d'altitude, je fais la vaisselle sous l'oeil bienveillant du Sirac et je range.... les livres. Quand vous dormirez là-haut vous saurez que c'est le refuge le plus propre du monde, qu'on y mange divinement, qu'on y a de bonnes lectures et que Taramont a peut-être préparé votre lit. Je crains les cauchemars qui vont en résulter....
Samedi 8/6 :
La météo a promis une belle journée. Nos skis piaffent. Le réveil sonne...tôt. Mais que voyons-nous ? La nuit n'est pas toute seule à nous entourer de ses bras obscurs, il y a aussi un épais brouillard qui entend aussi nous enlacer. Que d'assiduités chabournéennes !
Parties la lampe au front (c'est mieux que le rouge, mais ça c'est pour plus tard), le mors aux dents, les couteaux aux orteils et la cuillère prête pour la soupe à venir. Le premier pas résonne sur le sentier caillouteux ne réveillant âme qui vive, même pas nous-mêmes...
Dans le chaos des Roux où caillasses, rocs, torrents multi-branches et névés loqueteux s'amalgament en une mixture indéfinissable, nous tirons un peu trop à l'E sous la Pointe de Jarroux. Faute d'identifier quoi que ce soit, nous patientons sur une petite île entourée d'un océan gris dans l'attente (et l'espoir!) que le brouillard se lève pour redresser le tir. La météo a promis une belle journée (ça, je l'ai déjà dit, mais c'est important, ça donne confiance dans la déconfiture) et elle finit par arriver. Il n'y a plus qu'à se laisser glisser une quarantaine de mètres plus bas et traverser jusqu'à l'aplomb du col du Sirac - lequel a enfin allumé la lampe de chevet - pour nous retrouver dans le droit chemin.
Heureusement, les Roux ont eu un contentieux avec le lieu dit "la Taverne" en raison de quoi, ils lui ont tiré une belle langue, même pas trop chargée, qui permet de monter sans discontinuité jusqu'à atteindre le sentier d'été en traversée. Un peu de marche à pied en terrain incertain, mélange de gravats, de terre meuble et de dalles lisses et puis nous voilà sur le replat du glacier de Surette. Là, ne reste plus qu'à choisir : Jocelme ou col du Loup de Valgaudémar ? On est retardée - ou attardée comme vous voudrez – donc on choisit au plus court et pas encore parcouru à skis : le col du Loup.
L'itinéraire : simple comme bonjour : c'est plein E entre les Pics du Loup et la Pointe de Malamort (ambiance...), deux ressauts glaciaires sur schistes à négocier, orienté W, donc promesse d'une descente à la dure.
Mais pour l'heure on surmonte la montée à grands coups de crampons. Puis c'est l'instant attendu, on se retrouve une 10aine de mètres au-dessus du Col, le nez sur les Pics du Loup encadrant les dents du Sirac. Grandiose. Côté E, déjà bien chauffé, ça plonge dans le vallon de Malamort, sauvage en diable, et la vallée qui descend sur Entre les Aigues. Impressionnant.
Mais serait-il l'heure de se remettre en route ? Déjà ? Oui, sans conteste si on ne veut pas finir le bas en brasse coulée. Il n'y a pas que la météo qui tienne sa promesse : le côté W est resté d'une dureté stalinienne. Nous travaillons la technique de dérapage, mais entre les deux ressauts, c'est absolument parfait. La partie pédestre avant la langue de neige salvatrice reste une épreuve mais le névé aussi tient ses promesses. Bien revenu sur fond ferme, un tantinet collant et quelques pierres errantes à éviter...si possible. On quitte les skis avec un pincement au cœur : sans doute le dernier déchaussage de la saison. Sans doute.
Bon, maintenant, y a plus
Qu'à offrir une seconde vie
A mes skis Barbie
A mon potager, en faire cadeau
Pour servir de rames à mes haricots
Suis sûre qu'ils seront exskis.
Très bel été à tous