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Sorties > Valais W - Alpes Pennines W > Haute Route Chamonix-Zermatt, variante Italienne

Haute Route Chamonix-Zermatt, variante Italienne

Massif : Valais W - Alpes Pennines W
Départ : Chamonix (Aiguille du Midi) (3795 m)

Topo associé : Haute Route Chamonix-Zermatt, variante Italienne

Sommet associé : Haute Route Chamonix-Zermatt (4314 m)

Orientation : T

Dénivelé : 12735 m.
Ski : 3.3

Sortie du dimanche 12 mai 2013

ericw

Conditions nivologiques, accès & météo

Plutot clemente de maniere generale, souvent ensoleille les matins puis se couvrant l'apres-midi. Mauvais temps le 06/05, 09/05 et 10/05 mais avec peu de chutes de neige.
Etat de la route : Altitude du parking :
Un peu de tout, poudreuse, soufflee, dure, transfo et soupe sur les versants ensoleilles. Voir details ci-dessous.

Altitude de chaussage (montée) :
Altitude de déchaussage (descente) :

Activité avalancheuse observée : anciennes purges sur de nombreux versants. Beaucoup d'activite naturelle observee notamment le 10/05 dans la remontee de la combe de la Sassa apres les chutes de neige de la veille.

Skiabilité : 😐 Correcte

Compte rendu

Avec Christopher

Une traversee inoubliable, des sommets mythiques, un itineraire long et exigeant, une solitude garantie: ce raid est tout simplement extraordinaire.

04/05: Aiguille du Midi - Col Oriental de Thoule - La Palud - Refuge Bertone - D+ 915 m / D- 2650 m
Depart de notre raid a l'Aiguille du Midi: deja une heure de retard car la benne commence a marcher a 9h au lieu de 8h. Malgre une arrivee matinale, nous ne prenons que la troisieme benne. On chausse les skis vers 9h45 et la surprise! une petite couche de poudreuse bien sympathique nous attend au pied de l'Aiguille du Midi. On enchaine vite la descente vers la Combe Maudite puis on remonte (encordes) jusqu'au Col Oriental de Thoule. Apres la descente des echelles sans histoire, nous descendons seuls au monde le Glacier de Thoule. Le debut est en poudre transformee qui donne malheureusement vite lieu a une neige molle et sans consistance. Malgre cela, nous arrivons a descendre jusqu'a 1650 m vers Courmayeur moyennant un petit couloir et un dechaussage pour passer des debris d'avalanche vers 2300 m. Pas mal pour un 4 mai... Apres une sieste au bord du torrent, on remet les peaux pour monter au refuge Bertone, situe sur la crete en face du Mont Blanc. Mauvais choix d'itineraire: nous voulons passer par les sentiers enneiges en face N mais la neige est inconsistante et horrible a monter. Resultat, on souffre pas mal et on perd du temps... mais on finit par arriver au refuge vers 18h. Comme souvent, nous serons les seuls avec le gardien, ancien responsable du secours en montagne italien qui nous regale de ses anecdotes avec les grands noms de l'alpinisme.

05/05: Refuge Bertone - Col entre deux Sauts - Col de Malatra - Col des Ceingles - Col de Saint-Rhemy - Col du Grand Saint-Bernard - D+ 2190 m / D- 1710 m
Profitant d'une belle meteo et d'un bon regel, nous partons a 6h en longeant la crete des Monts de Saxe offrant un panorama superbe sur le Mont Blanc et les Grandes Jorasses. Nous descendons depuis le col entre la Tete de Bernarde et la Tete de la Tronche dans le vallon menant au Col entre Deux Sauts. Nous poursuivons jusqu'au Col de Malatra. La descente qui s'ensuit est en neige legerement decaillee et bien glissante et nous permet de filer vers le vallon remontant au Col des Ceingles. Celui-ci, semblant tout proche, nous promet cependant une montee laborieuse. Nous verrons de loin 3 skieurs redescendant d'un sommet voisin, seul contact humain avant l'arrivee a destination. Nous effectuons une longue traversee descendante vers le Col de Saint Rhemy avant de basculer dans une neige molle vers la route menant au Col du Grand Saint-Bernard. Le ciel s'est voile, il fait chaud, la route jusqu'au col est longue... Nous arrivons bien exploses a l'Hospice du Grand Saint-Bernard apres 10h de course. Le the d'accueil a l'arrivee fait un bien fou :) Magnifique etape seuls au monde avec en arriere-plans le Mont Blanc d'un cote et le Grand Combin de l'autre.

06/05: mauvais temps, il neige. Un jour de repos qui nous fait du bien apres la tres longue etape de la veille et durant lequel nous profitons pour visiter l'Hospice et en apprendre plus sur son incroyable histoire.

07/05: Col du Grand Saint-Bernard - Bourg Saint-Bernard - Glacier de Proz - Couloir Hannibal - Mont Velan - Col de la Gouille - Cabane du Velan - D+ 1875 m / D- 1705 m
Apres le mauvais temps de la veille, une belle journee nous attend. Depart a 6h de l'hospice puis descente sur la route vers Bourg Saint-Bernard. Nous portons les skis sur environ 200 m de denivele pour retrouver la neige bien regelee. Montee avec les couteaux vers le Glacier de Proz ou nous rattrapons deux cordees. L'une d'elle etait partante pour le couloir mais fait finalement demi-tour. Nous mettons les crampons et remontons le couloir en neige dure/glacee en bas puis avec 20-30 cm de fraiche en haut. Dur dur la trace surtout a l'approche du premier haut sommet de notre itineraire. On repeaute arrives sur l'epaule sommitale et le sommet est a nous! Le ciel s'est voile mais la vue sur Mont Blanc d'un cote et Grand Combin juste en face est superbe. Sous le sommet, nous descendons une pente bien raide mais en neige bien souple (nous nous apercevrons apres coup qu'il y avait un itineraire plus facile par la droite). La descente entre les seracs est superbe et nous reperons facilement l'acces au Col de la Gouille qui permet de basculer du Glacier de Valsorey au Glacier de Tseudet. Le Col de la Gouille est deja trace et se passe sans trop de souci. C'est raide, mais avec le piolet (pas besoin de crampons en debut d'apres-midi avec la trace) et les cables ca passe bien... De la il ne reste plus qu'a se laisser glisser dans 5 cm de poudre jusqu'a la Cabane du Velan.

08/05: Cabane du Velan - Cabane de Valsorey - Plateau du Couloir - Col du Sonadon - Col de l'Amiante - Balme de Bal - Bivouac Regondi - D+ 1890 m / D- 1950 m
Encore une superbe etape avec un temps magnifique... Nous quittons la Cabane du Velan ou nous etions seuls avec un pere et sa fille en route pour la traversee classique, mais qui ont du abandonner pour cause de fermeture des Cabanes de Valsorey et de Chanrion... Nous descendons vers le Glacier de Valsorey pour remonter en face a la Cabane du meme nom. Nous poursuivons les pentes raides puis mettons les crampons pour remonter au Plateau du Couloir. Quelle sortie au Plateau! Au pied de la face sommitale du Grand Combin, se devoilent les lointains sommets valaisans: Cervin, Dent Blanche, Mont Rose... Nous profitons du grand beau (pas de vent) pour faire une pause meritee, avant d'attaquer la descente dans une moquette parfaite. Apres 2 courtes remontees au Col du Sonadon et au Col de l'Amiante, nous basculons de nouveau cote italien. Nous skions jusque vers 2200 m avant de dechausser pour traverser vers Balme de Bal. Apres une pause casse-croute, la remontee vers le Bivouac Regondi se fait sentir mais ca vaut le coup! Le refuge-bivouac est superbement situe sur un promontoire dominant la vallee et face au Mont Velan et au Grand Combin. En plus, il a chauffe au soleil toute la journee pour nous accueillir! Nous passons une tres bonne apres-midi et soiree malgre une grosse frayeur de rechaud (qui a failli ne pas fonctionner...).

09/05: Bivouac Regondi - Mont Gele - Refuge de Crete Seche - D+ 1015 m / D- 1200 m
La meteo annoncee pour ce jeudi est mediocre, malgre quelques possibles eclaircies le matin. Nous essayons d'en profiter, heureusement le plafond nuageux est assez haut (3300 m) et nous permet de monter rapidement au col pres du Mont Gele. De la nous laissons les sacs et montons rapidement au sommet. La visibilite, acceptable jusque la, se deteriore completement des que nous basculons dans la combe de Crete Seche: jour blanc complet. Heureusement le GPS nous permet de suivre la bonne voie et nous passons ensuite sous les nuages pour trouver le refuge de Crete Seche. Celui-ci etait deja ferme mais le gardien a gentiment propose de monter nous ouvrir et nous preparer a manger, mais il doit redescendre le soir car sa femme est sur le point d'accoucher! Pas grave, on se rechauffe au coin du feu l'apres-midi avant de dormir dans le refuge d'hiver (tres bien equipe: rechaud, gaz etc...). De maniere generale nous aurons toujours ete tres bien accueillis dans les refuges italiens.

10/05: Refuge de Crete Seche - Col de la Tsa - Col de la Sassa - Refuge Nacamuli - D+ 2165 m / D- 1625 m
La meteo annoncee pour ce vendredi est execrable: pluie, neige... mais devrait s'ameliorer samedi et dimanche. Nous savons que si nous voulons sortir a Zermatt il faut sortir cette etape donc nous partons au mental sous la pluie prets a en baver... Et nous commencons par en baver pour contourner a flanc 2 vallees et atteindre la Combe de la Tsa: sentier qui se perd entre la neige et les rochers, crapahutage les skis sur le dos sous la pluie... bref pas super marrant. Mais nous finissons par trouver la neige et la ma grande crainte s'avere limitee: malgre la pluie (jusqu'a environ 2800 m), le manteau neigeux n'est pas trop pourri. Nous arrivons a monter sans trop s'enfoncer. Alors que nous nous elevons, la pluie se transforme en neige et nous commencons a botter... L'arrivee au col est ardue car nos peaux trempees par la pluie accumulent plus d'une dizaine de cm de neige... Mais la au col le miracle se produit: il s'arrete de neiger, les nuages s'ecartent, et le soleil pointe le bout de son nez. Nous plongeons dans les pentes menant a la combe de la Sassa dans une poudre un peu collante mais tres skiable. Apres 700 m de descente, arret au bord du torrent pour se rafraichir au soleil, avant de debuter les 1000 m de remontee au Col de la Sassa. Heureusement que la combe est large car avec le soleil qui rechauffe les versants, ca degringole dans tous les sens. Arrives au col, nous croyons que le plus dur est fait, mais non: le pire est a venir. En effet, nous attend au col la descente d'un couloir raide (40-45 degres) oriente sud-est et qui a bien pris le soleil (pas prevu ce jour la avec peu de regel). Nous declenchons des petites purges de neige fraiche a chaque virage mais en faisant attention c'est gerable. Ce qui l'est moins, ce sont les purges naturelles qui descendent des flancs du couloir... Bref on est pas sereins du tout! On veut degager de ce couloir au plus vite mais le bas est goulotte et rempli de debris d'avalanche, ce qui rend le ski tres complique. Heureusement on s'en sort sans mal, et il ne nous reste plus qu'a remonter au refuge Nacamuli. La, ainsi qu'au refuge Aosta le lendemain soir, nous retrouvons d'autres skieurs, apres plusieurs jours passes totalement seuls.

11/05: Refuge Nacamuli - Col Collon - Mont Brule - Col du Mont Brule - Col de la Division - Refuge Aosta - D+ 1585 m / D- 1650 m
Comme prevu, le ciel se degage le samedi! Nous nous preparons pour une etape plus courte que les precedentes avec un depart plus tardif (8h). Apres une remontee rapide au Col Collon, nous remontons les larges pentes menant a l'arete du Mont Brule. L'arete, aerienne, se remonte a skis dans une superbe ambiance. Apres un premier sommet, une courte redescente laisse la voie a la pente finale qui nous amene au sommet du Mont Brule, point de vue imparable sur Tete Blanche, Tete de Valpelline et Dent d'Herens. Apres une bonne pause, nous descendons dans une neige soufflee sur fond dur: un regal! Au lieu de contourner l'eperon rocheux en bas des pentes menant au col Collon, nous coupons par une belle pente de 400 m de haut a 40-45 degres. La neige est superbe et la descente une merveille! Une grande et chaude traversee nous mene au Col du Mont Brule puis une courte descente et une traversee nous permettent d'acceder au Col de la Division. La, un groupe de 10 du CAF de Lyon travaille depuis 1h30 a descendre les 50 m un peu techniques sous le col. Gentiment, ils nous laissent descendre (passage avec piolet, crampons non necessaires en tout debut d'apres-midi). Au pied nous attend une moquette revenue a point jusqu'au refuge Aosta :) Ce fut une des meilleures journees avec celle au pied du Grand Combin et bien evidemment la derniere avec la descente vers Zermatt. Nous nous sommes bien rapproches de Zermatt, mais le maitre des lieux ne s'est pas encore devoile a nous, car cache derriere la Dent d'Herens: le Cervin...

12/05: Refuge Aosta - Tete de Valpelline - Zermatt - D+ 1100 m / D- 2280 m
Apres une nuit agitee au refuge Aosta plein a craquer (ca nous change des nuits precedentes!), nous partons tranquillement pour notre derniere etape. La remontee du Col de la Division se fait bien en crampons dans une neige regelee puis on remet les skis pour acceder au sommet de la Tete de Valpelline. Alors que nous contournons la pente sommitale, ca y est: Cervin, Dent d'Herens, Dent Blanche... Ils sont tous la, les 4000 valaisans... Quelle vue magnifique! Seance photo au sommet bien sur, puis on ne traine pas trop pour attaquer la descente car un vent glacial nous refroidit. Seuls au sommet (comme sur tous les sommets et cols de cet itineraire...), nous descendons dans une neige soufflee tres agreable, puis dure, et enfin decaillee en bas. L'itineraire de descente au milieu des glaciers et devant le Cervin et la Dent d'Herens est splendide. J'avais reve de cette descente vers Zermatt par grand beau temps: c'est unique de pouvoir la realiser dans ces conditions! Apres une longue descente, nous dechaussons pour la derniere fois a 2200 m avant de marcher les 500 derniers m vers Zermatt.

Merci a Jeroen d'avoir rentre ce topo qui nous a fortement inspires pour faire cette Haute Route italienne. A faire absolument :)


Récit Chamonix-Zermatt, 04-12 mai 2013 de Christopher :

Impressions : afin d’éviter toute redondance avec le récit d’Éric, je n’insiste pas sur les données topographiques.

« Dans la pureté du matin, cette absence de toute vie, cette misère de la nature ne font qu’ajouter à notre force intérieure. Qui comprendra l’exaltation que nous puisons de ce néant alors que les hommes s’éprennent des natures riches et généreuses ? » M. Herzog, Annapurna premier 8OOO.

Ce sont l’inexorable appel des hauteurs, le cri paisible des cimes qui nous font nous arracher au printemps ce samedi 4 mai. Les froides sirènes des neiges sont encore séduisantes en ces temps mélodieux. Et le contraste entre le verdoiement des vallées et l’aridité des sommets suscite en nous l’ascèse originelle à l’alpinisme.

Loin du monde, loin des saveurs d’ici-bas, donc. Il nous faut néanmoins démarrer notre pèlerinage par l’habituelle procession qui se dirige vers le téléphérique de l’Aiguille du Midi. Nous y côtoyons l’hystérie d’Asiatiques en baskets, la nonchalance de skieurs « abonnés » à la Vallée blanche ou l’impassibilité d’alpinistes méditant déjà leur ascension prochaine. Sitôt en haut, les larges béances des crevasses sont rapidement dépassées. Les arrêtes granitiques du Grand Capucin ou de la Dent du Géant, franches et effilées, nous environnent. Passé le Col des Thoules, la chaleur se fait sentir. La rampe en fer du grand escalier nous menant du côté valdotain est brûlante. Les derniers monceaux de neige croulent dessous nos pas.
À l’heure où nous l’entamons, la descente est nautique. Mes « ski-allumettes » pénètrent profondément la couche et me font chavirer à maintes reprises, emporté par la pesanteur de mon sac. Les grandes purges ont déjà eu lieu mais la neige n’est ici que de la flotte en suspension, menaçant à chaque instant de dévaler. Entre blocs d’avalanche et traînées de boues schisteuses, nous parvenons finalement en fond de vallée. Là, le mugissement du torrent nous berce un peu. Après un petit somme sur un tapis d’aiguilles, nous abandonnons les étendues de crocus pour une remontée laborieuse. La chaleur et la générosité du gardien du refuge Bertone apaiseront néanmoins notre soif.

Dimanche 5 mai : Bien qu’il ait regelé cette nuit, l’air est déjà doux à 6h. Un rouge-queue grésille sur une cheminée, un coucou entonne dans la vallée. Au Nord, de l’autre côté du Val Ferret, les sommets de la chaîne du Mont Blanc se teintent délicatement d’orange. Mais la neige durcie nous oblige à la prudence dans les pentes des Monts de Saxe. Quittant ces douceurs, nous nous dirigeons vers les solitudes glaciaires. L’austère cirque de Malatra, éclatant de blanc, tranche avec les torpeurs suantes de la Combe des Ceingles. Maculées de crème, les muqueuses et la peau partent en lambeaux ; les yeux brûlent, la gorge est sèche. La route de l’Hospice ayant été rejointe, la voie semble tracée ; mais elle sera bien longue après une telle journée. Au Grand Saint Bernard, Raphaël, chanoine augustinien, nous accueille avec du thé sucré. Sa bienveillance honorera une tradition bientôt millénaire.

Lundi 6 mai : Jour de pluie, jour de neige. Dès 5 h, les lueurs bleu grises qui traversent le carreau nous font ajourner l’étape prévue. Tout en récupérant du trajet de la veille, nous nous imprégnons des lieux vénérables. Les fondations lithiques de l’Hospice, son musée mais aussi le mausolée du général Joseph Desaix tombé à Marengo nous introduisent dans l’Histoire. Il est encore proche, le temps où Napoléon vint « exiger » l’asile au Col du Grand Saint Bernard.

Mardi 7 mai : Nous renouons avec notre agenda. Réveil à 5 h. Mais qui a dû se lever tôt pour une ascension sait combien l’on dort peu, lorsque, tout bruit étant susceptible de signifier l’ébrouement du compagnon ou le signal du réveil, l’on demeure aux aguets.
L’écho de nos voix solitaires se répercute longuement dans les couloirs qui mènent au réfectoire. Quelques cimes flambent déjà lorsque nous sortons. La descente est efficace sur une neige gelée qui fait frémir nos skis. En bas, l’air matinal émane des parfums de bruyère naissante et de rhododendron acide. La montée vers le replat de Proz m’oblige à cramponner. Sur le glacier, une bise glaciale accompagne la vue du couloir Hannibal. Un large cône de déjection, véritable déversoir, nous mène à la base de l’artère raide. Celle-ci se laisse aisément dompter au départ, alors que les dents des crampons mordent généreusement la neige et la glace. Derrière nous, le Mont blanc et les Grandes Jorasses sont portraits en pied. Les deux-cent derniers mètres voient toutefois nos cœurs s’emballer et le souffle se faire court. Éric semble traverser l’arrête finale avant de réapparaître cinquante mètres plus haut. Interminable, le couloir finit par nous conduire au plateau sommital du Vélan.
Le jour blanchissant, la descente demeure prudente. Les crevasses ne se laissent deviner qu’à leur abord. Prudence encore lors de la désescalade du Col de Gouille, la neige se dérobant dessus le vide à cause de la chaleur. À la cabane du Vélan, nous nous remémorons avec joie le trajet déjà parcouru.

Mercredi 8 mai : Réveil à 5h. Déjeuner copieux dans la salle qu’éclairent à peine les premières lueurs de l’aube. Dans le silence, bruit des boissons chaudes que l’on s’empresse de siroter. L’atmosphère est décidément plus glaciaire lorsque nous sortons ce matin-là. Une bise froide dévale les pentes du Grand Combin lorsque nous passons la moraine. Grand dénuement devant ce fluide qui vous traverse, cette ombre qui vous harcèle et les crêtes qui vous surplombent. Piolet en main et crampons aux pieds, le dernier mur menant au Plateau du Couloir est gravi. Sur le haut, la lumière aveuglante et la fraîche rendent l’atmosphère plus aérienne, moins pétrifiée. Les membres se dégourdissent. Nous appréhendons rapidement les champignons granitiques du Col d’Amiante.
À la fin de la descente, nous arrivons à Balme de Bal en dérivant, flottant et trébuchant sur la neige mollasse. De nombreuses marmottes fuient sur les pentes encore rases et rousses ; les anémones éclosent à peine. Nous quittons enfin les genévriers et les pins tièdes pour le bivouac Regondi; ses madriers de bois noir et son toit de tôle ont emmagasiné la chaleur du jour. Et nous en aurons besoin : le Vélan et le Grand Combin se couvrent d’épaisses nues blanches, les arrêtes du sud débordent de noirs chagrins…

Jeudi 9 mai : Il a plu et neigé toute la nuit. Motivation en berne devant les brumes qui s’amoncellent alentour. Un long faux-plat nous conduit aux arrêtes du col. Nous y laissons nos sacs et nous nous engouffrons dans les vapeurs qui dissimulent le sommet du Mont Gelé. Mettant un terme à notre aveuglement, une croix surgit soudain, bien ancrée contre les bourrasques.
Ce n’est pas sans contentement que nous redescendons. Mais basculer par le col signifie plonger en une mer opaque. Nous devons nous orienter par rapport aux silhouettes d’arrête, aux sensations de pente et au GPS. Puis les nuages s’estompent, la pluie se remet à tomber et le refuge se découpe sur l’ancienne moraine. Nicolas, monté exprès pour l’occasion, nous fera une bonne flambée.

Vendredi 10 mai : Le temps s’est dégradé. Nous craignons le pire pour la qualité de la neige. Ski-marche jusqu’à Berrier, petit hameau encore assoupi par l’hiver. De nombreux torrents et canaux de type valaisan débordent. Un parfum suave se dégage des lichens humides. La pluie redouble alors que nous devons escalader les sous-bois de genévriers, en quête du sentier. La mollasse de la Comba de la Tsa se mue en un parterre de neige fraîche au Col. Glissades puis pas laborieux, nos peaux bottant, échauffent nos corps lessivés. Soudain les nuages s’effilochent et finissent par s’estomper devant un ciel bleu clair ; l’air fraîchit d’un coup. Nous crevons les corniches neuves pour la Comba de la Sassa.
Le soleil ! Il sèche nos extrémités, mais provoque aussi de nombreuses coulées. Les purges se multiplient, tonitruantes ; elles grondent, dévalent les falaises et génèrent d’énormes encombrements brunâtres. Mille mètres plus haut, nous découvrons depuis le Col de la Sassa le couloir à descendre. Raide, il est instable à cette heure tardive. Des départs se font alors qu’Éric s’engage. On skie patiemment, aux aguets. Une coulée humide déboule soudain, devancée par le fracas de ses rouleaux. Comme le dira Éric, « on n’était pas fier ».
Au refuge Nacamuli, nous renouons avec le peuple. Sonne le glas de notre solitude.

Samedi 11 mai : Départ tardif aujourd’hui afin de profiter des éclaircies annoncées. Des rafales nous fouettent le visage au-dehors mais des faces d’or percent ça et là. Vierges et larges, les pentes menant au Mont Brûlé sortent progressivement de la confusion nébuleuse. Depuis le sommet, nous contemplons le Haut Glacier d’Arolla, vaste mer immaculée que l’on rejoint peu après.
Des nuages sont toujours vaporeusement suspendus ça et là mais la chaleur est grande. De l’autre côté du Col du Mont Brûlé, en contrebas, la vallée du torrent Buthier semble être une fournaise. Dans la neige jaunâtre, des filaments bruns y laissent deviner rigoles et torrents sous-jacents. Nous passons, piolet en main, le verrou rocheux du Col de la Division. À l’ouest, nous sommes dominés par la cascade de séracs du Glacier de Tsa de Tsan de couleur poudre, grise, abstraite.
Nous arrivons au refuge Aosta où une brochette de personnes prend déjà le soleil. L’étalement de chaussons, de peaux et de vêtements confère à la scène un air de désordre ravi. Béatitude des orteils que l’on écarte à l’air libre ! Entassés dans l’abri, à cinq sur quatre matelas, la nuit sera toutefois courte. Parmi les touffeurs de vieux bouc, les rêves d’Éric exécuteront un ballet des coudes : « bon baisers du Tyrol ».

Dimanche 12 mai : La plupart des personnes partent ce matin pour l’épaule de la Dent d’Hérens. Nous allons en sens inverse et remontons la pente aboutissant au Col de la Division. Une dégringolade de glaçons donne un son cristallin. Nous entamons ensuite l’ascension de la Tête de Valpelline, longue face plane par dessus laquelle, sur le fil de l’arrête, des volutes de poudre signalent la fraîche et le soleil. À mesure que nous nous approchons du sommet, Dent Blanche, Dent d’Hérens puis Matterhorn nous apparaissent. Tous ces 4000 majestueux sont plaqués des neiges récentes ; à leur aplomb, d’autres spirales de gaz. À 3800 mètres, de part et d’autre de l’arrête sommitale, huit-cent mètres de vide qui donnent sur le Tiefmattengletscher. En face, les séracs suspendus de la face nord de la Dent d’Hérens.
Un vent en accord avec le paysage nous fait vite redescendre malgré notre euphorie. La longue plongée vers Zermatt est agréable, les différents visages du Matterhorn se dévoilant progressivement. Face Nord puis arrête du Hörnli. Le nuage lenticulaire qui dominait le triangle du sommet s’estompe peu à peu, la lance aérienne finit par percer.
Sur les vagues figées du glacier, la glissade se fait marine. Puis le monde minéral se substitue à l’univers des glaces. Les moraines sont ici sèches, grises et micacées. Nous finissons par porter au son des casse-noix; à l’écho des torrents vrombissants répond la rumeur du vent dans les mélèzes. Nous coupons à travers les prairies déjà grasses que parsèment œillets, boutons d’or et myosotis. Passé le hameau de Zmutt aux bois mordorés, les cloches de Zermatt rompent avec la solitude du cristal.
Une brise tiède détend nos muscles raides. Après les palaces et autres hôtels de luxe, un déferlement de foule nous annonce … la gare !

04/05 : Christopher devant Grandes Jorasses, Aretes de Rochefort et Dent du Geant
04/05 : Christopher devant Grandes Jorasses, Aretes de Rochefort et Dent du Geant
04/05 : Traversee de la Combe Maudite devant le Grand Capucin
04/05 : Traversee de la Combe Maudite devant le Grand Capucin
04/05 : Descente du Glacier de Thoule vers l'Italie
04/05 : Descente du Glacier de Thoule vers l'Italie
04/05 : Bas de la descente vers Courmayeur avec en ligne de mire la crete des Monts de Saxe que nous longerons le lendemain
04/05 : Bas de la descente vers Courmayeur avec en ligne de mire la crete des Monts de Saxe que nous longerons le lendemain
04/05 : Le sympathique refuge Bertone
04/05 : Le sympathique refuge Bertone
05/05 : Sur la crete des Monts de Saxe devant le Mont Blanc
05/05 : Sur la crete des Monts de Saxe devant le Mont Blanc
05/05 : La Tete de Bernarde est contournee par la droite jusqu'au col
05/05 : La Tete de Bernarde est contournee par la droite jusqu'au col
05/05 : Descente vers le vallon du Col d'entre deux Sauts avec le Col de Malatra au fond
05/05 : Descente vers le vallon du Col d'entre deux Sauts avec le Col de Malatra au fond
05/05 : Arrivee au col de Malatra
05/05 : Arrivee au col de Malatra
05/05 : Col de Malatra et Combe des Merdeux
05/05 : Col de Malatra et Combe des Merdeux
05/05 : Longue remontee au Col des Ceingles: ca commence a tirer...
05/05 : Longue remontee au Col des Ceingles: ca commence a tirer...
05/05 : Derniere descente depuis le Col Saint-Rhemy jusque vers la route menant au Col du Grand Saint-Bernard
05/05 : Derniere descente depuis le Col Saint-Rhemy jusque vers la route menant au Col du Grand Saint-Bernard
07/05 : Montee vers le Glacier de Proz avec massif du Mont Blanc en arriere-plan
07/05 : Montee vers le Glacier de Proz avec massif du Mont Blanc en arriere-plan
07/05 : Eric longe la face ouest du Mont Velan vers le pied du Couloir Hannibal
07/05 : Eric longe la face ouest du Mont Velan vers le pied du Couloir Hannibal
07/05 : Christopher dans le couloir Hannibal
07/05 : Christopher dans le couloir Hannibal
07/05 : Eric dans le couloir et le Mont Blanc au fond
07/05 : Eric dans le couloir et le Mont Blanc au fond
07/05 : Couloir Hannibal
07/05 : Couloir Hannibal
07/05 : Christopher a la sortie du Couloir Hannibal
07/05 : Christopher a la sortie du Couloir Hannibal
07/05 : Au sommet du Mont Velan devant le Grand Combin
07/05 : Au sommet du Mont Velan devant le Grand Combin
07/05 : Descente du Glacier de Valsorey
07/05 : Descente du Glacier de Valsorey
07/05 : Passage technique du Col de la Gouille
07/05 : Passage technique du Col de la Gouille
07/05 : Descente a ski des pentes finales vers la Cabane du Velan
07/05 : Descente a ski des pentes finales vers la Cabane du Velan
08/05 : Mont Velan vu depuis la Cabane de Valsorey
08/05 : Mont Velan vu depuis la Cabane de Valsorey
08/05 : Remontee des pentes menant au Plateau du Couloir du Grand Combin
08/05 : Remontee des pentes menant au Plateau du Couloir du Grand Combin
08/05 : Traversee raide pour acceder au Plateau du Couloir
08/05 : Traversee raide pour acceder au Plateau du Couloir
08/05 : Sortie du Couloir au Plateau
08/05 : Sortie du Couloir au Plateau
08/05 : Magnifique vue vers les 4000 valaisans depuis le Plateau du Couloir
08/05 : Magnifique vue vers les 4000 valaisans depuis le Plateau du Couloir
08/05 : Ski sur une belle moquette avant la remontee au Col du Sonadon en face
08/05 : Ski sur une belle moquette avant la remontee au Col du Sonadon en face
08/05 : Regard en arriere sur le massif du Mont Blanc, deja bien loin...
08/05 : Regard en arriere sur le massif du Mont Blanc, deja bien loin...
08/05 : Christo bascule entre Suisse et Italie au Col de l'Amiante
08/05 : Christo bascule entre Suisse et Italie au Col de l'Amiante
08/05 : Le Bivouac Regondi, idealement place sur un promontoire face au Velan et au Grand Combin
08/05 : Le Bivouac Regondi, idealement place sur un promontoire face au Velan et au Grand Combin
08/05 : Le Bivouac Regondi, bien chauffe par le soleil, nous promet une soiree confortable...
08/05 : Le Bivouac Regondi, bien chauffe par le soleil, nous promet une soiree confortable...
09/05 : Sommet du Mont Gele dans les nuages
09/05 : Sommet du Mont Gele dans les nuages
10/05 : Depart du Refuge de Crete Seche sous la pluie...
10/05 : Depart du Refuge de Crete Seche sous la pluie...
10/05 : Col de la Tsa: ca botte!
10/05 : Col de la Tsa: ca botte!
10/05 : Descente du Col de la Tsa vers la Combe de la Sassa
10/05 : Descente du Col de la Tsa vers la Combe de la Sassa
10/05 : La combe de la Sassa se degage
10/05 : La combe de la Sassa se degage
10/05 : Eric au Col de la Sassa avec le Col de la Tsa au fond
10/05 : Eric au Col de la Sassa avec le Col de la Tsa au fond
10/05 : Eric bascule dans le couloir descendant du Col de la Sassa
10/05 : Eric bascule dans le couloir descendant du Col de la Sassa
10/05 : Descente du couloir du Col de la Sassa: il ne faut pas trainer!
10/05 : Descente du couloir du Col de la Sassa: il ne faut pas trainer!
11/05 : Le couloir du Col de la Sassa (a droite)
11/05 : Le couloir du Col de la Sassa (a droite)
11/05 : Montee depuis le Col Collon vers le Mont Brule
11/05 : Montee depuis le Col Collon vers le Mont Brule
11/05 : Ascension du Mont Brule
11/05 : Ascension du Mont Brule
11/05 : Montee sur l'arete du Mont Brule devant la Dent d'Herens
11/05 : Montee sur l'arete du Mont Brule devant la Dent d'Herens
11/05 : Devant Eveque et Mont Collon
11/05 : Devant Eveque et Mont Collon
11/05 : Christo au sommet du Mont Brule
11/05 : Christo au sommet du Mont Brule
11/05 : Descente du Mont Brule dans une neige soufflee tres agreable
11/05 : Descente du Mont Brule dans une neige soufflee tres agreable
11/05 : Eric profite de l'excellente neige sur le Mont Brule
11/05 : Eric profite de l'excellente neige sur le Mont Brule
11/05 : Remontee au Col du Mont Brule
11/05 : Remontee au Col du Mont Brule
12/05 : Montee a la Tete de Valpelline devant les maitres des lieux: Cervin et Dent d'Herens
12/05 : Montee a la Tete de Valpelline devant les maitres des lieux: Cervin et Dent d'Herens
12/05 : Heureux au sommet de la Tete de Valpelline!
12/05 : Heureux au sommet de la Tete de Valpelline!
12/05 : Au sommet de la Tete de Valpelline devant la magnifique Dent d'Herens
12/05 : Au sommet de la Tete de Valpelline devant la magnifique Dent d'Herens
12/05 : L'equipe au sommet, entre Cervin et Dent d'Herens
12/05 : L'equipe au sommet, entre Cervin et Dent d'Herens
12/05 : Premiers virages vers Zermatt devant la Dent d'Herens...
12/05 : Premiers virages vers Zermatt devant la Dent d'Herens...
12/05 : Christo en action devant le Cervin
12/05 : Christo en action devant le Cervin
12/05 : Descente vers Zermatt...
12/05 : Descente vers Zermatt...
12/05 : Le Cervin nous salue...
12/05 : Le Cervin nous salue...

Commentaires

S
snowdingue, le 13.05.13 21:31

merci pour ce beau voyage
😄

Invité, le 14.05.13 10:25

Magnifique!
Je dois avouer que je suis un peu jaloux: on avait prévu ça il y a 2 semaines mais la météo en a décidé autrement!!!!!

henyan, le 14.05.13 12:37

oui bien de la chance, on à annuler notre traversée une semaine avant pour une météo trop incertaine; Vous avez de quoi être contents 🤢 🙂

S
SRU74, le 14.05.13 13:10

Bonjour Eric,
Joli raid avec des journées de costauds ,et de biens belles photos. Amicalement, Stéphane.

L
laurent13, le 14.05.13 13:21

Belle! on avait programmé un raid Arolla Zermatt ce week end prolongé & on a aussi annulé suite aux prévisions pas franchement optimistes 😡 , bien joué à vous d'avoir su trouver le bon créneau 😎

Invité, le 14.05.13 17:09

Que viaje mas bonito!
Pedro

E
ericw, le 15.05.13 09:57

C'est vrai qu'on était pas absolument confiants dans la météo... Mais de manière générale il faisait meilleur côté italien que côté suisse: tant mieux pour nous 🙂

Invité, le 21.05.13 20:24

Félicitation pour cette traversée menée en intégralité !
De notre côté, nous avons fait le Velan, magnifique, puis nous sommes redescendus.
Julie, la fille du père rencontrée au Velan !

Invité, le 21.05.13 23:47

Splendide Raid ! Avec des paysages qui font rêver.

Jeroen, le 22.05.13 00:20

Bravo bravo ! Un joli raid, réalisé pour notre part en Mai ... 2003 ! 10 ans, ça ne nous rajeunit pas...

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