Départ : Saint Jean d'Arves (la Curiaz) (1520 m)
Topo associé : Crêt d'Ornon, pentes Est
Sommet associé : Crêt d'Ornon (2063 m)
Orientation : E
Dénivelé : 1050 m.
Ski : 1.3
Sortie du samedi 18 décembre 2010
Conditions nivologiques, accès & météo
Beau temps froid, se voilant à la mi-journée. Vent d'ouest fort et glacial sur les crêtes. Etat de la route : enneigée depuis St Jean de Maurienne
Altitude du parking : 1500m
Altitude de chaussage (montée) : 1500
Altitude de déchaussage (descente) : 1500
Activité avalancheuse observée : des "Baoouum" entendus toute la journée, du côté des pistes de St Sorlin. Les versants Est sont chargés. Accumulations un peu partout. Se méfier des abords de crête.
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
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Descente ESE | 2000-1500 | SE | 11h | 10 à 20cm | Poudre | Sur fond dûr "tape-cul". Viser les talwegs. |
Descente ENE | 2000-1500 | NE | 13h | 20 à 30cm | Poudre | Légère et quasi-uniforme. Léger fond dûr. |
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu (par sancy)
La Curiaz > Crêt d'Ornon > le Clos d'Ornon > remontée au Crêt d'Ornon > Curiaz
Ce matin je me lève avec l'envie de rentrer le CR de notre sortie de ce samedi. Le temps de trouver l'inspiration, je prépare du thé, quelques tartines, sans oublier de sortir le miel pour mademoiselle, plus ou moins encore en mode "veille", sûrement bercée de fenêtres windows défilant devant les yeux. Soleil et nuages se livrent un duel sans merci au dessus de Chambéry. J'ouvre alors le pot de confiture "myrtilles" de la marque de distributeur Intersection (ou son synonyme, je ne sais plus) et découvre interloqué que ladite confiture n'est plus qu'un vague amalgame mou et liquide, ne présentant pas plus de myrtilles entières que de bacille du charbon dans la fiole brandie par Colin Powell à l'ONU en son temps. "Curieux" me dis-je : je l'avais justement achetée pour ça... encore une "amélioration produit" - certainement pour notre sécurité - diminuant au passage le coût de revient de l'industriel désintéressé. Je repense alors avec colère à la constatation similaire lors d'un précédent achat de barre caramélisée, scandaleusement amputée du quart de sa taille, sans mention aucune sur l'étiquette ou diminution de son prix de vente. On nous rétorquera sûrement : "c'était ça ou la délocalisation" !
Mais revenons-en à nos spatules. En voilà au moins un qui ne ment pas : le climat ! -18°C au compteur ce samedi matin au barrage de Belleville, paradis pour amoureux transis, aux infrastructures dignes des plus mauvais cauchemars de Eiffel, mais dont les silures affamés n'ont cure, pourvu que vienne jusqu'à eux l'infortuné automobiliste victime de la pénurie de pneu-neiges...
Sur une idée originale de Jb, nous nous préparons au timide soleil du matin au départ de la Curiaz. Un de nos semblables, résidant en ces lieux paisibles, vient nous saluer secondé par un ami sur quatre pattes bien portant, cachant à n'en pas douter - jalousement gardé dans sa niche - un miraculeux tonneau des Danaïdes de croquettes et autres délices canins caloriques.
Notre hôte nous questionne rapidement et pointe bientôt du doigt les pentes du Crêt d'Ornon, l'embrassant préalablement, en signe de promesse onirique. Notre Roi Midas local venait de transformer les prés du Plan Gaspard en or.
Nous voilà ainsi sillonnant les première pentes, louvoyant entre clôtures et bosquets, tantôt encouragés par les aboiements du Cerbère resté en bas, tantôt freinés par les déflagrations venant des domaines skiables voisins. Nous exposons bientôt nos bras au soleil devenu calin et savourons chaque pas de toute notre âme. Les Aiguilles d'Arves se découvrent religieusement et le Charvin déploie ses ravines en direction de St Jean.
C'est l'heure de la revue de presse subversive. Chacun y va de son information et commentaire : en réponse aux intempéries sur l'Ile de France, l'état détache une division de blindés, afin de faire oublier "les lacunes" identifiées la semaine précédente. Il est en effet de notoriété publique que le gouvernement, dans son omnipotence suprême, se doit d'annihiler les affres de l'hiver. Le ridicule ne tue pas, pourvu que les masses retiennent que l'on veille sur elles.
S'ensuivent les interviews diverses et variées glanées tout au long de la semaine, toutes traitant de la forme mais surtout pas du fond : "Elkhabache et Starlette Chabaud interrogeant pour la 1000ème fois Marine LP sur les dérapages de son père", "l'homme d'affaires Béhachel, pris d'une mission messianiquo-lucrative, avertissant avec gravité l'Humanité du danger des sirènes de Mailanchon ou Leupène", Noam Chomsky résumant à merveille cette privation subtile d'alternative : "en démocratie, vous pouvez faire ce que vous voulez, tant que vous faites ce que nous voulons". Nous survolons ensuite rapidement les propos télévisuels du luxueux et tolérant Guerlin (l'enchanteur), doutant que "les nègres aient pu travailler un jour", pour finir par quelques friandises digressives dignes du Grand Jury et son ubuesque consultant Moujote : (à prononcer en machant 5 malabars et d'un ton lymphatique) "et vouuus croooyeez raisonnaaaablement que les baaaanques vont acceeeeepter... zzzz... de diminueeer leuurs profiiiits ??"
Tout ceci nous rappelant à quel point nos médias indépendants et aux capitaux hautement diversifiés jouent pleinement le rôle informatif, éducatif et critique qui leur revient.
Une bourrasque glaciale nous ramène à notre réalité, tandis que nous gagnons la crête sommitale. Les arrondis, les herbes capuchonnées de givre et les congères ont un petit goût de volcans d'Auvergne. Nous voilà en haut du Crêt d'Ornon et la vue porte loin.
Tout en serrant ses chaussures, Jb lance, façon Moujote : "et vouuus crooyez que c'eeest raisonnaaaable...zzz... de vouuus laaaancer dans cees peeeentes ??". Nous nous offrons ainsi notre première descente de la journée, face à la majestueuse Pointe des Torches à peine dessinée dans les draperies du vent. A chacun d'étudier sa trajectoire afin de profiter des accumulations légères et sans fond - ou d'éviter les zones soudaines à fond dûr - c'est selon - propres à enrichir les secours privés mauriennais. Nous gagnons le paisible Clos d'Ornon et furetons quelques instants dans les bois alentours, en quête de quelques virages supplémentaires.
Petite halte au soleil pour repeauter. Arnaud chante tel un pinson. Nous ouvrons les paris quant au temps qu'il nous faudra pour regagner la crête de la Cochette, maintenant qu'il est à la mode de miser sur tout et à peu près n'importe quoi, comme nous l'encouragent ceux qui ne craignent pas le ridicule de faire une entorse à l'image qu'ils se sont construite année après année. La passion du cheval a ses limites : les gentils canassons ne nous en voudront pas de nous intéresser dorénavant à notre prochain brelan d'as numérique ou au nombre de buts qu'inscrira l'équipe X ou Y. Comme le dit la publicité : "avoir raison importe peu, si l'on n'a pas parié", ou comment transformer dorénavant son opinion en gain, niche miraculeuse longtemps convoitée par les Péhèmu, Française du Jeu et autre groupe Partouze, récemment rendue accessible par quelque politicien incorruptible répondant pleinement à sa fonction civilisatrice.
Ce sera finalement 1h15, nous donnant tort à tous ! rejoignant le sommet pour la deuxième fois de la journée, nous observons le développement de beaux nuages lenticulaires sur la Vanoise ainsi que les sinusoïdes ventés mordant déjà l'Etendard.
Petit secteur privilégié que ce Crêt d'Ornon. Les virages se succèdent sur un relief uniforme ; la neige restée froide se soulève à chaque courbe et scintille au contre-jour. Arnaud et Jb jouent à saute-barrière tandis que je m'écervelle un peu plus courbe après courbe. Nos cris de joie ont alerté ce brave toutou qui aboie déjà plus bas (la patte restée sur son tonneau... pas fou !), nous unissant déjà au petit hameau de la Curiaz et ses fumées boisées enivrantes.
Dernier carré de pré, nous filons insouciants comme des gosses. Arnaud fait chanter les cristaux tandis que Jb rattrape spectaculairement ses skis, qu'une motte sournoise a l'idée d'envoyer dans une direction farfelue, nous privant pour l'occasion de prodiguer sur sa personne les souvenirs hasardeux qu'il nous reste de nos formations SST.
Nous déchaussons pendant que le soleil tire sa révérence, noyé dans les tumultes de l'atmosphère, l'heure venant de nous jeter avec avidité sur nos victuailles tels les états-uniens sur les richesses du monde. L'occasion de citer George F. Kennan, haut fonctionnaire US d'après-guerre : "nous possédons 50% des richesses du monde, mais seulement 6,3% de sa population. Dans une telle situation, notre véritable mission pour la période à venir est de mettre au point une trame de relations nous permettant de maintenir ce rapport de disparité. Dans ce but, il faut que nous nous débarrassions de tous les bons sentiments (...) nous devrions cesser de nous soucier des droits de l'homme, de l'amélioration du niveau de vie et de la démocratisation."
De quoi donner du sens aux différents conflits sponsorisés un peu partout sur la planète par les héritiers des bons Pères Fondateurs outre-Atlantique, propos que nous ne verrons pas de sitôt débattus sur les plateaux de la Starlette, ni suggérés dans les clips musicaux hautement éducatifs de M'Tivi que le restaurateur nous propose en agrément à notre bière de l'amitié.