Départ : Mont-Dore (station) (1350 m)
Topo associé : Puy Redon, versant NO/Envers du Redon
Sommet associé : Puy Redon (1781 m)
Orientation : NW
Dénivelé : 450 m.
Ski : 3.3
Sortie du dimanche 28 novembre 2010
Conditions nivologiques, accès & météo
Beau puis vent et couvert.Etat de la route : OK
Altitude du parking : OK
Altitude de chaussage (montée) :
Altitude de déchaussage (descente) :
Activité avalancheuse observée : Départ d'une plaque au sommet de l'envers avec une personne emportée et partiellement ensevelie. E
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
---|---|---|---|---|---|---|
Val de Courre | 1500-1800 | 10/50 | Cartonnée | nombreuses plaques en toutes orientations | ||
Fontaine salée | 1500-1800 | S | 20/50 | Poudre | Ca avait l'air assez stable |
Activité avalancheuse signalée dans la zone ce jour, voir la carte.
Skiabilité : 🤢 Mauvaise
Compte rendu
Avec Anne
Val de Courre-Fontaine Salée-Val de Courre
Avalanche de l’envers du Redon.
Bilan : Une personne partiellement ensevelie, ayant parcouru 200 mètres de dénivelé dans une avalanche de taille petite à moyenne.
La plaque est partie le long de l’arête qui sépare le Val de Courre et le Val d’Enfer. Juste au niveau du col situé sous le sommet du redon. La plaque initiale faisait une vingtaine de mètre de long, entre 3 et 10 m de large, et environ 30-40 cm d’épais. Elle a ensuite entraîné Anne jusque dans le Val de Courre.
Un très grand, immense merci, à toute les personnes qui nous ont porté secours !!!
Anne va bien. Elle souffre d’une déchirure à un adducteur. Elle devrait récupérer en quelques semaines.
Participant : Guillaume et Anne.
Détails de la journée.
Nous sommes parti du parking du Mont Dore à 10h30. Le temps était beau. La veille, il y avait eu un épisode de vent fort, plutôt du sud avec chutes de neige froide d’environ 20 cm.
Quelqu’un était en train de monter par la A. Nous sommes monté par le Val de Courre avec plusieurs autres personnes à proximité. On doit noter qu’il s’agit de la première sortie d’Anne en ski depuis le mois de février 2010, en raison de sa grossesse qui a conduit à la naissance de Romain, 5 mois et demi et qui nous attendait chez Papi-Mami.
Dans la monté du Val de Courre, il y avait plusieurs traces de départs naturels de taille assez faible sur le versant est (coté Plaines Brulées). J’avais aussi pris connaissance le matin même sur le blog de François Lesca de l’existence de départs spontanés la veille. Nous avions donc notre APS, et même un sac ABS sur mon dos, acheté la veille, en pensant que nous achèterions un 2ème dans un second temps. Le fond du Val de Courre était tapissé de plaques à vent de grosse épaisseur, le type de plaque, en principe solide, mais qui ne laisse aucune chance si elle cède. Il était clair que la situation n’était pas stable, et qu’il fallait éviter les pentes dangereuses du massifs, qui sont pour moi : Chaudefour, Le Val d’enfer, le versant est du Val de Courre, le couloir des cabines, la cascade de la Dore, éventuellement le couloir de la table. Mon plan à priori était de faire le haut de la fontaine salée, puis de remonter au sancy par le couloir en S, puis de rentrer par l’Envers du Redon. Nous avons vu l’envers en passant, qui paraissait bien rempli et intéressant à skier de mon point de vue. Anne pensait que ça serait croûté. Un surfeur est au sommet du Redon et il descend par l’envers.
Nous avons rejoint le col de Courre, puis le départ du couloir de l’entonnoir pour une bonne descente coté fontaine salée, avec de l’excellente poudreuse sur la fin. Anne n’était pas au mieux coté ski, pas aidé par ses skis de rando patinettes, qui plongent sous la neige, et sont donc dur à skier en neige irrégulière… De la fontaine salée, il y avait une trace qui remontait directe vers le Sancy. Nous l’avons suivi et c’était déjà une première erreur je pense. Nous avons passé le bastion central à pied en brassant pas mal, puis nous nous sommes arrêté là. Il était déjà tard, on commençait à fatiguer, le temps devenez médiocre, la partie sommitale avait l’air très moyenne, voir douteuse, en tout cas à la montée. Nous sommes donc redescendus dans de bonnes conditions, à part une grosse touchette de pierre pour moi. Puis nous avons attaqué la montée vers le Col de Courre, et d’un commun accord, nous avons décidé que tant qu’à être là, autant faire un peu de ski car la pente descendant du col de Courre est toujours dégueulasse…. On arrive donc au sommet du Redon vers 14h, temps couvert et froid avec beaucoup de vent. Nous sommes fatigués et hypoglycémiques, mais dans 5 minutes nous sommes à la voiture. Je ne change donc pas mes petits gants mouillés, ce que fait Anne. Je mets les lanières à mes skis en raison de problèmes de déchaussage rencontrés à la montée, avec de la glace dans les fixations, mais heureusement Anne ne le fait pas. A ce moment là, je ne pense même pas que cette pente, qui dans mon esprit était assez sure, puisse partir et nous avons ensuite multiplié les erreurs grossières sur cette pente limite ce jour là. Avant d’attaquer, Anne me dit, tu ne fais pas comme d’habitude partir à 3 kms devant tu m’attends…. Je ne teste pas au bâton la neige avant de partir.
L’accident :
Donc j’attaque, 7-8 virages sur la partie sommitale, puis je m’arrête un peu à gauche en descendant du petit col de l’arête du Redon, donc en plein milieu de la pente. La neige est correcte, il y a pas mal de purge, mais la plaque sur laquelle je suis semble solide, bien que je n’y accorde pas plus d’attention que ça. Le surfeur est bien passé avant nous. Sa trace coupe toute la face. Anne attaque, 5 virages tranquilles. Elle s’arrête à un choux fleur. Je lui dit « Va à droite » c’est meilleur. Elle attaque donc, à faible vitesse de couper la pente en direction de l’arête, une vingtaine de mètre au dessus du col. Elle a aussi fait cette manœuvre car elle a sentit la pente instable et j’étais dessous…. A quelques mètres du bord, alors qu’elle est presque arrêtée, les skis en travers, la plaque part quelques mètres au dessus. Elle fait seulement quelques mètres de large à son niveau, puis peut être 10 m au niveau du col. Son épaisseur est 30-40 cm. Je la vois passer à coté de moi, assez doucement et je lui crie de se sortir de là. Elle crie qu’elle ne peut pas. Le départ de la plaque se situe au niveau le moins raide de la face, où la pente est à peine à 30°. Ensuite la plaque attaque la pente principale et accélère violemment. Je vois Anne disparaître dans un nuage de neige. Je me suis mis en mouvement pour ne pas me faire prendre et je déclenche une purge de la gauche de la face, peu épaisse mais de grande surface. Je rejoins le centre de la face en quelques secondes. Je ne la vois pas, envisage l’ensevelissement total et me dit qu’il faut commencer à Scanner à l’Arva pour ne pas descendre trop bas. A ce moment là, je vois 2 personnes qui se précipitent en courant vers le bas du Val, et j’aperçois la tête d’Anne qui sort avec un énorme soulagement.
Le sauvetage :
Elle crie, elle a mal, seuls sa tête et le haut des épaules sortent. Nous la dégageons principalement à la main en quelques dizaines de secondes. La neige est peu compacte, Anne est en fait en position assez horizontale. Ses pieds peut-être 50-60 cm sous la surface. Ses 2 skis, un baton, ses gants, son bonnet et ses lunettes ont été arrachés par l’avalanche et resteront sous la neige. La 3ème personne du groupe a déjà appelé le PG. Nous essayons d’habiller Anne et de la réchauffer. Elle a très froid et est choquée. Je mets plusieurs minutes a réaliser qu’elle n’a plus de gants (je lui donne les miens) et que sa polaire est dans son sac sur son dos… Une personne arrive également au sommet du Redon et descend l’envers au dessus de nous… Anne est très choquée et a très très froid. Il faut dire que le vent est fort et la température basse. Elle essaye même d’attaquer la descente à pied, mais s’arrête quelques mètres. Un autre groupe arrive, et un accompagnateur en montagne nous porte également assistance en essayant de mieux isoler Anne de la neige et du froid avec les sacs et une couverture de survie. Finalement le PG arrive en scooter après 20-30 minutes je dirai. Ils évacuent Anne vers le poste de secours, je suis en ski. Elle passera ensuite 2 jours à l’hôpital, avec des douleurs importantes. Le bilan final est beaucoup de chance et finalement peu de dégâts, une déchirure aux adducteurs. Elle est maintenant à la maison, se déplace en boitant, et doit reprendre le boulot lundi.
La taille de l’avalanche.
Elle était assez modeste. Le dépôt maximale ne devait pas dépasser 1 m je pense. Par contre, le dénivelé parcouru et la vitesse étaient considérables et ont laissé une terrible sensation de machine à laver, d’étouffement, de mort imminente à Anne. Si les skis n’avaient pas lâché, elle aurait pu être blessée beaucoup plus gravement, voir totalement ensevelie.
Petite analyse du gars qui a emmené sa femme, mère de famille depuis 5 mois, se faire coffrer par une avalanche.
1°) D’une part la plupart des accidents ayant eu lieu dans le sancy ces dernières années, ont fait suite à des épisodes de fort vent du sud assez froid, qui plaque complètement les endroits habituellement très skiés du versant nord (comme les cables par exemple). C’était le cas pour le décès de l’alpiniste dans le val d’enfer l’année dernière, pour les accidents de chaudefour et de du Puy de la Tache en décembre 2008. Ici, la configuration neigeuse était similaire.
Ma première erreur a donc été de mal apprécier le degré d’instabilité du manteau. Dans ces conditions, même les câbles, la A, ou l’envers deviennent des pentes dangereuses. Par ailleurs, l’habitude devient dangereuse aussi. J’ai fait cette pente des dizaines de fois dans toutes les conditions. Je n’y ai jamais vu même de purge. Rien à voir avec les Poubelles par exemple ou j’ai déjà fait partir de nombreuses plaques plus ou moins superficielles. L’envers, c’est la pente qu’on prend quand on renonce à la Y car c’est trop craignos
2°) J’ai notablement surestimé notre niveau ce jour là. Anne est une skieuse forte qui en condition normale doit enchaîner l’envers en 15 virages à 50 à l’heure, ce qui offre une très bonne protection contre les petites plaques à vents. Ce jour là, elle était en reprise après une grossesse, n’avait pas skié depuis un an. La neige n’était pas facile. Ses skis de rando étroits ne sont pas faciles à skier dans ces conditions. Bref, il fallait le prendre en compte, et ne pas vouloir faire « comme d’habitude ».
3°) La conséquence du point précédent. Nous avons violé toutes les règles de sécurité élémentaires dans la pente elle-même. Je me suis arrêté en plein milieu pour l’attendre. Elle a coupé la pente à faible vitesse et a été quasi s’arrêter, au bord de l’arête, un endroit en principe bien propice à la formation de plaques… Si j’étais descendu normalement dans l’axe, jusqu’en bas, à bonne allure sans arrêt, et si elle avait fait pareil à 2 mètres de ma trace, sûrement rien ne se serait passé.
Pour conclure, une accumulation d’erreurs de notre part a conduit à cet accident. Toutes mises ensembles elles ont rendu l’accident très possible, et il s’est produit. Les conséquences finalement modestes sont quand même liées au choix du couloir qui est loin d’être le plus dangereux. La même avalanche dans le Val d’Enfer, à Chaudefour, ou même dans les Câbles, aurait pu être beaucoup plus grave. Egalement, la même avalanche, isolés à 2 dans la Fontaine Salée sans portable qui passe aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves…
Commentaires
Salut !
Bien heureux de l'issue de cet accident. C'est donc vous que j'ai vu remonter dans le S à gauche du bastion où vous avez bien dû brasser et peut-être croisé le skieur que j'avais vu au cours de ma descente.
Il est vrai que l'on pense l'Envers relativement "sécure". J'ai même croisé un copain au pied du sancy à qui j'ai parlé de cet itinéraire pour sa redescente au parking. Jamais vu de plaques parties dans cette face, plutôt des coulées en cas de trop plein lors grosses chutes de neige. Le haut est souvent pelé voire en glace alors que lorsqu'on arrive au collet on retrouve généralement un bon gros tas de poudre.
Quoiqu'il en soit le récit et l'analyse que tu fais ici t'honore ainsi que le courage de faire partager cet évènement douloureux.
Je vous souhaite un bon rétablissement, notamment à ta chérie.
Peut-être à un de ces jours pour une belle trace...
Bien cordialement,
Julien
Merci de nous avoir transmis votre expérience...
Bon courage à Anne pour surmonter l'appréhension qui viendra probablement lors de ses prochaines sorties.
Merci pour vos commentaires...
Il faudra effectivement se remettre, physiquement, puis surtout psychiquement.
Il faut aussi se méfier du vent de sud par temps froid...
A bientôt sur les skis j'espère ....
Guillaume
Pour compléter et corriger la description ci dessus, le dépôt était nettement plus important que je l'avais estimé. Les sondages du PG ont donné entre 1m20 et 2m20. Ca comprend aussi la neige présente avant l'avalanche je pense, mais l'avalanche elle même a amené au moins 1m50-1m70......