Visite enchanteresse à mon Eternelle Fiancée des Ecrins : la Mariande

Massif : Ecrins
Départ : Saint Christophe en Oisans (Les Granges) (1340 m)

Topo associé : Col de la Mariande, Versant Nord

Sommet associé : Col de la Mariande (2940 m)

Orientation : NE

Dénivelé : 2110 m.
Ski : 2.3

Météo/températures : Grand beau - frais grâce à une brise continue - uniquement chaud dans les combes très abritées - rafales désagréables au sommet

Conditions d'accès/altitude du parking : pkg des Granges - RAS

Altitude de chaussage/déchaussage : 

Chaussage à 1904m au bas de la descente dans le vallon à partir du verrou

Déchaussage au même endroit - rechaussage pour descendre le verrou puis pour traverser un gros culot d'avalanche

Conditions pour le ski : très bon regel nocturne

à la montée : crampons pour le culot d'avalanche et pour le verrou - traçage des derniers 300m un peu laborieux (neige non transformée, poudre irrégulière due au vent ayant accompagné la dernière chute de neige)

à la descente : le haut en neige irrégulière mais se laissant skier - il manque encore quelques cycles dégel/regel - enneigement du vallon encore complet jusqu'à la remontée vers le verrou (torrent encore presque entièrement couvert) - neige transformée déjà un peu molle dans la partie médiane orientée NE (descente un peu tardive) -  à partir de 2300m environ, neige irréprochable, bien portante, lisse, bref parfaite

J'estime la skiabilité "bonne" pour faire une moyenne sur les 1100m skiés

Tout le monde le sait à présent : comme les marins qui ont une femme dans chaque port, j'ai un ou une Eternel (le) Fiancé (e) dans chaque massif. Oh, les montagnes ne sont pas comme les humains, exclusifs, possessifs, exigeants. Les montagnes se donnent à tous ceux qui les aiment profondément ; elles savent qu'il y a un temps pour chacune d'elles. Habituellement, pour la Mariande, c'était mai, mais les temps changent.

Il serait grand temps que je vous dise à quoi ressemble cette course pour ceux qui ne la connaissent pas, ce qui est impardonnable puisque c'est la 5e fois (mai 2016, 2017, 2021, 2024) que je vous farcis les oreilles avec ma Mariande par-ci, ma Mariande par-là. Sans compter que d'autres s'y sont frottés, poussant parfois hardiment jusqu'à la Cime du Montagnon, ce que je ferai aussi quand je serai grande. Une fois, je suis même montée à la Mariande par procuration, un éminent contributeur s'étant proposé d'aller la saluer alors que j'étais en totale incapacité de le faire moi-même....Tous ont trouvé que la Mariande était une belle à ne pas négliger. Mais il semble que les sauvageonnes de l'Oisans ne soient pas harcelées.  Aujourd'hui, à part des chamois au loin dans les balmes de la rive G à côté du Ruisseau de la Rama, pas âme qui vive dans le vallon et pourtant c'était la journée quasi idéale.

Et ne me dites pas qu'il ne faut pas tout révéler ! Le Clot ne sera jamais Prabert, c'est l'influenceuse de pkg qui vous le dit ! Propre, 5-6 places, et avec un panneau d'affichage qui ne vous interdit rien mais vous donne d'utiles infos sur les passerelles. Et si on vous dit que la passerelle de la Gassaudière n'est pas en place, ne passez pas outre mais, plus judicieusement, passez au Clot d'Outre... Sinon, surtout si la Mariande joue les grandes eaux, vous risquez que vos boas se transforment en anguilles. Mais, avant d' arriver à ce parking, vous avez droit à une petite route, régulièrement jonchée de cailloux de toutes tailles, qui sinue aimablement en balcon au-dessus des abîmes du Vénéon. Et, ici on ne saute pas de ses freins sur ses fix d'un seul bond, non, on peut faire comme on veut, on ne coupe pas à 500m de portage minimum.

Ça, c'était au temps d'avant. Au temps d'avant la crue du Vénéon en juin 2024. Maintenant, il n'y a plus 36 solutions. Si vous n'êtes pas un cador qu'un semi-marathon de 2000m de D+ n'effraie pas, il faut passer par la case refuge : le rustique mais si agréable refuge de l'Alpe du Pin, tenu (et bien tenu, poison contre les souris compris) par les Jarrets d'Acier, ce qui annonce la couleur ; vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin..si vous vous contentez de ce dont vous avez besoin.

D'abord, descendre. Jusqu'au Vénéon où une passerelle fixe vous mènera sans effroi excessif sur la rive G. Là, vous vous rendrez compte que vous êtes 100m plus bas que le pkg des Granges. C'est juste pour tester votre moral. Car ensuite ça monte, sans répit aucun, jusqu'à 1805m. Si comme moi, vous partez en reconnaissance sitôt arrivé, vous aurez déjà un aperçu du spectacle du lendemain. Vue sur quelques géants du Vénéon et sur le verrou à forcer le lendemain à l'aube naissante. Car partir tôt il vous le faudra, à moins de vous hâter, et pas très lentement : la Mariande a la tête plus vite chaude que ses pieds.

Une fois le verrou déverrouillé, vous entrez au Paradis avec une looongue allée bordée de cathédrales. Ne loupez surtout pas les illuminations du petit matin ! Puis la belle déroule un à un ses charmes à qui sait les voir – dont une très esthétique crête formée par la moraine que je conseille de suivre par son faîte si elle est en état - jusqu'à son col et même au-delà...si elle vous y autorise.

Et là, vous aurez devant, en-dessous, au-dessus de vous, toute la beauté du monde, peut-être même un bon lot de souvenirs, à présent à nouveau enrichis. Et alors, léger de tout cela, vous vous élancerez dans une griserie sans pareille. Je vous la souhaite aussi intense que la mienne.

Certes, le terrain Oisans est exigeant, dur même (quoique cette course soit relativement facile). Parfois, je me dis : pourquoi ces onglées, ces genoux malmenés, ces épaules cisaillées, ce dos fourbu, ce souffle poussé au-delà de sa vitesse de croisière, ces nuits trop courtes, ces départs avant le jour ? Pour la beauté ? Pour le plaisir ? Pour le silence ? Pour la solitude ? Oui, tout cela mais pas que :

Eh bien parce qu'en me retournant sur ma vie,

Je ne veux pas voir un canal cimenté sur lequel barbotent quelques canards boiteux ; je veux voir le torrent de la Mariande taquiné par le Bec du Canard

Je ne veux pas voir au fond d'une eau trouble une carpe obèse cherchant son souffle, je veux voir des eaux fougueuses où la truite saute de joie

Je ne veux pas voir des kilomètres d'asphalte lacérer des paysages qui auraient dû rester intouchés ; je veux voir des kilomètres de serpentins caressant des névés laissés intacts

Je ne veux pas voir mes dents mordre dans ce qui ne vaut pas la peine d'être mâché ; je veux voir des dents acérées percer l'azur pour révéler la beauté.

Je ne veux pas voir la neige se mêler à la boue des villes-ornières ; je veux voir les flocons légers transfigurer les clairières.

Je ne veux pas entendre la télé en fond sonore ; je veux entendre les sublimes Arias entonner pour moi l'aria également sublime mis en musique par Haendel
www.youtube.com/watch?v=58ErgKDorsk
Lascia ch'io pianga/mia cruda sorte/e che sospiri/la libertà.

Et surtout, quand viendra ma dernière heure, voyant défiler ma vie, je ne veux pas mourir d'ennui. Ça ne risque pas !

Mariande, je ne sais pas qui tu étais mais j'aurais aimé te connaître. Ensemble, nous aurions murmuré aux oreilles de ton torrent bouillonnant : « Pourquoi tant de hâte ? La félicité est ici ».

Merci à Grebleau qui nous a informés de l'impossibilité d'utiliser la passerelle du Clot, faute de quoi ma journée aurait été gâchée puisque je n'aurais pas pris mes dispositions pour une nuit en refuge.
Merci à cm38660 d'avoir révélé que les marmottes peuvent avoir une appétence pour les chaussures ; j'ai donc suspendu les miennes dans l'un des derniers arbres avant le verrou (mais pas vu de marmottes)
On voit donc que Skitour a une vraie utilité.

Itinéraire suivi :

J1 Les Granges/Refuge de l'Alpe du Pin + promenade de reconnaissance pour voir l'état du verrou - D+630m - D-210m - 3,2km

J2 - Topo à partir du refuge jusqu'au Pt 3020 et descente sur les Granges - D+ 1480m - D- 1900m - 20,5km

Horaires :

départ J1 : 12h

départ J2 : 5h

Légendes des photos : si qqun constate une erreur ou peut apporter des informations, je suis preneuse