Sortie du dimanche 19 mai 2024
Boris Pivaudran, Charlo05, Timhugot
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : Beau puis nuageux
Conditions d'accès/altitude du parking : parking été Pont d'Arsine
Altitude de chaussage/déchaussage : 1900
Conditions pour le ski : grosse poudre en altitude (>50cm)
Conditions nivo et activité avalancheuse : sommets chargés, attention si vent les prochains jours. Sur le glacier de l'Homme, plusieurs purges de fonte à notre passage.
Activité avalancheuse signalée dans la zone ce jour, voir la carte.
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu (par Boris Pivaudran)
Dur de revenir à la réalité après cette journée en apesanteur sur les flancs de la Meije !
Après plusieurs jours à tergiverser et scruter les webcams, on se décide à monter samedi en fin de journée au refuge de l'Aigle, via le glacier de l'Homme (bien bouché). Le plan de base est d'aller voir les Corridors, le plan évolué est de répéter l'enchaînement de monsieur Tardivel (notre maître à tous), à savoir Gravelotte + Corridors, et le plan ultime est d'y ajouter la N du Râteau.
La descente à skis du Serret du Savon au petit matin est de bon augure : grosse poudre sur le haut, et ressaut du bas entièrement comblé.
Nous prenons tout naturellement la direction du pied du Gravelotte, dont l'aspect nous inspire. Il faudra plusieurs tentatives pour passer la rimaye, suivie ensuite d'un ressaut mixte moins trivial que son apparence. Arrivés au Y, Tim prend la branche de gauche pour rejoindre l'itinéraire des Corridors à mi-hauteur, tandis qu'avec Charly nous continuons dans le large couloir central du Gravelotte, transformé en rive gauche (orientée NE) et froid en rive droite. En son haut, là où il devient goulotte, nous avisons une banquette de neige pour rejoindre une arête suspendue. C'est l'itinéraire emprunté lors de la première descente par Patrick Vallençant en 1975 ainsi que par Pierre Tardivel en 1997.
Sur cette arête, le brassage devient énorme, jusqu'à la taille ! La pente sous la brèche Zsigmondy est elle-aussi très chargée. Charly abat un travail de forçat pour ouvrir la voie.
Nous chaussons à la brèche, à quelques encablures du Grand Pic. Etonnant de se retrouver ici, lieu de passage de la traversée de la Meije, enterré sous la poudre !
A la descente, les conditions sont excellentes pour le ski. Je pense qu'il est difficile d'avoir mieux ! Seules quelques zones gelées dans le couloir central, et une dalle rocheuse vite dégarnie à notre passage, forcent notre concentration.
De retour au Y, nous remettons les crampons pour monter dans la branche de gauche, où les généreux spindrifts ont déjà rempli les traces de Tim. On le retrouve plus haut, embêté avec une casse de fixation qui stoppe ici son aventure. Avec Charly nous continuons à remonter les Corridors. La pente est de plus en plus chargée. Malgré les 48h de stabilisation, les quantités phénoménales de neige nous inquiètent. Nous hésitons à pousser le curseur.
La dernière traversée vers la 3ème Dent nous semble trop chargée. Nous choisissons donc de monter au maximum dans les rochers en direction du Doigt de Dieu. Pour l'esthétique. Quelques étincelles de crampons plus tard, nous chaussons au sommet. L'exposition est prenante, encore plus que dans le Gravelotte.
A la montée, et pour valider le "no déchaussage day", nous avons installé une main courante dans le ressaut mixte du Doigt de Dieu. Le dry-ski est délicat, mais ça passe. Un nuage nous enveloppe. Après quelques virages prudents - la nivologie met tous nos sens aux aguets - nous rejoignons les grands champs de poudre en bordure des séracs. On peut enfin lâcher les chevaux en mode freeride !
De retour au pied de la bête, le Râteau est lui pris dans la mélasse. Pas grave, le quota est rempli pour aujourd'hui ! Nous remontons le Serret du Savon légèrement parpinant, où je prends d'ailleurs un bon shoot dans l'épaule, avant de basculer sur le glacier de l'Homme pour une descente type "fin de saison".
Une chance incroyable que d'avoir pu visiter ces itinéraires dans des conditions exceptionnelles. Si le ressenti de difficulté est amoindri, il faut garder en tête que cela reste du ski engagé. Nous n'en ferons pas tous les jours !