Départ : Bonneval sur Arc (Pont de l'Oulietaz) (2476 m)
Sommet associé : Ouille Noire (3357 m)
Orientation : W
Dénivelé : 1020 m.
Ski : 2.3
Sortie du vendredi 16 juin 2023
Conditions nivologiques, accès & météo
Altitude de chaussage/déchaussage : encore quelques langues de neige dès 50 m plus haut mais très alvéolée sur une centaine de mètres, ensuite c'est mieux et on trouve de la lisse assez rapidement
Conditions pour le ski : bonnes, voire très bonnes - très bon regel nocturne, manteau encore ferme (j'ai eu besoin pour ma part des crampons pour le ressaut le plus raide avant le Pays Désert
Activité avalancheuse : RAS à part des chutes de corniches en versant E
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
Horrible dilemme ! Aller courir la Chartreuse-Terminorum ou terminer la saison de rando par une ultime sortie ? Comme toujours, j'ai pesé le pour et le contre. Certes, la Chartreuse-Terminorum exigeait moins de délai de route mais la jungle de Chartreuse infestée de scolytes, de tiques et de taons sera encore là l'année prochaine. Tandis que les neiges de juin, seront-elles à nouveau là ? Déjà cette année c'était miraculeux. Enfin, céder à la proposition de Laurence la Chamoise de consacrer une journée à une tortue, était plus que je ne pouvais espérer. Le choix se porta donc sur une dernière sortie. Mais en altitude svp. Je ne voulais plus endurer ce que j'avais enduré la veille.
Malgré la conjonction de tous les astres : nuit claire, regel assuré, grand beau à l'horizon, compagnie adorable, vous pensez bien que j'avais le cœur gros ! Faudrait jamais savoir que c'est la dernière ; mais alors l'apprécierait-on autant ? Oublions. Tout ce qui a un début a une fin. Sauf l'éternité peut-être circulaire. Peut-être.
En altitude donc et du nouveau, please ! Le fameux chanteur russe Vladimir Vissotsky n'a-t-il pas déclamé « Les plus belles montagnes sont celles sur lesquelles on n'a pas encore été » (en même temps, si votre patronyme se termine par « sky », vous ne pouvez pas chanter autre chose ; quoique). Donc de la nouveauté avant toute chose.
C'est là que je me suis souvenue que la fête de la musique était imminente. Elle peut bien avoir quelques jours d'avance ici non ? Les fleurs de l'Alpe battront la mesure d'une tige gracile guidée par la brise,
De finir la saison, il est grand temps
Jamais serait pire que tard
Alors, encouragée par ce singulier octuor, rassérénée par le jour naissant une fois encore derrière les altières et immuables montagnes de Hte Maurienne, soutenue par le pas alerte de ma coéquipière, j'entamai ce dernier chant sans fausse note (du moins, je l'espère!). Et tant que je fus dans le royaume d'un monde qui sait que son heure a sonné, ce fut le silence, le dernier silence des neiges, celui qui comme un doux linceul recouvre toute chose finissante qui ne demande qu'à être tue.
Ce qui ne m'empêcha pas, la tête fourrée dans un bouquet de pulsatiles d'essuyer una furtiva lagrima, élixir d'amour pour la montagne enneigée.
Dit plus sobrement, cette course m'a ravie, à part la dernière centaine de mètres de descente chaotiques. L'espace y est ouvert dès que l'on arrive dans le Pays Désert. L'arrivée tardive au soleil dans ce versant W relève quasiment d'une démarche initiatique. Les petits lacs turquoises dans des creux de mamelons perdus dans l'immensité ont quelque chose d'une pureté irréelle. L'atteinte du sommet par l'arête aurait été plus élégante mais arriver skis aux pieds sans se risquer sur des corniches déjà bien chauffées nous a paru préférable. Grand angle sur les sommets entourant les sources de l'Arc La descente fut réellement de cinéma, grande revanche sur la journée d'hier. Merci Laurence pour m'avoir accompagnée dans cette dernière aventure de neige. Tu sais que je veille à ce qu'à notre dernière heure, quand nous verrons défiler notre vie, nous ne mourions pas d'ennui.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à vous remercier vous tous qui m'avez encouragée, fait rêver, inspirée, conseillée, lu avec indulgence et bienveillance. Que votre rêve blanc soit plus long que la nuit de l'été. Et une pensée pour tous ceux connus ou inconnus que leur amour pour la montagne a emportés.
un champ d'anémones pulsatiles

























