Départ : Le Grand Thiervoz (Le Cley) (998 m)
Topo associé : Col de la Valloire, versant SW
Sommet associé : Col de la Valloire (2751 m)
Orientation : SW
Dénivelé : 1753 m.
Ski : 2.2
Sortie du lundi 2 mai 2022
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : frais le matin mais vite chaud, voire très chaud dans la combe finale - pas de vent - nuages bourgeonnants en fin de matinée entrainant un léger jour blanc pour la partie supérieure de la descente
Conditions d'accès/altitude du parking : RAS - 998m
Activité avalancheuse : RAS pendant la course
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
Pour être honnête, je dois dire qu'en ce 2/5/2022, les miroirs étaient sans tain. Mais il me plaît d'imaginer les 3 lacs successifs libérés de la neige et de la glace, prêts à tous les usages frivoles que voudront en faire les fées de l'été et les bouquetins aussi, bien entendu.
En préambule, je dois dire aussi que ce genre de sortie, je ne peux (et ne veux) les faire que seule. Il y a un cheminement quasi initiatique de l'obscurité de la nuit à la clarté aveuglante d'un jour éclatant de mai. Il y a un élan vers la solitude amie qu'on est quasi sûr d'y trouver, même si comme aujourd'hui une autre âme (mais avec chien!) avait visiblement eu la même aspiration. Et puis, surtout, il y a ce minimum de 500m de portage qu'on pouvait facilement escompter sous-estimé en ce moment. Qui donc est intéressé par ce genre de chose ? Même – et surtout – les sportifs les plus affûtés tordent le nez à cette idée même si on leur promet que là-haut c'est le jardin d'Eden, le paradis d' Allah et celui de Dante réunis. Et pourtant, on est proche de la vérité. Là-haut règne l'oeuvre de lumière, la neige de panne de velours et les grandes sentinelles de pierre : c'est le paradis des addicts de ski ET de montagne.
Racines : ce monde-là a des racines
Déjà un petit frémissement dans l'obscurité et, bien vite, le timide réveil des oiseaux. On est comme soulagé : une fois de plus, le jour n'oubliera pas de se lever. On commence à distinguer le chemin sans le faisceau de la lampe. On prend racine. On prend la racine de ce massif taillé pour la marche comme pour le ski. Sous nos pieds, un entrelacs généreux de racines de résineux. La progression sur cet escalier naturel est aisée. Il nous mènera sans peine (le Ruisseau Perdu ne pose aucun problème aujourd'hui) jusqu'à la limite arborée. Là, s'ouvre un paysage vaste et intime à la fois où la neige tient toujours le terrain.
L'autre : nous étions deux à espérer un shoot de solitude (du moins je le suppose) ; l'autre randonneur était accompagné de Zazie sa chienne ; ne me demandez pas de quelle marque elle était, je n'y connais rien en chiens ; mais elle ne divaguait pas, suivait fidèlement son maître lequel paru tout étonné de trouver quelqu'un marchant encore moins vite que lui ; il sera peut-être rentré rassuré, qui sait ?
Lac Blanc : clarté sereine
Il est
niché au débouché du premier vallon. Pour le moment, on devine son
emplacement plus qu'on ne le voit. Il est à la fois arrivée et
départ. Arrivée du premier vallon, départ d'un nouveau ressaut, autre orientation
Lac Noir : les yeux fermés des étoiles
Il ne trône pas au milieu du vallon, lui. Il est serré contre la muraille. Le soleil du matin n'est pas pour lui. On l'imagine bien sombre et froid même au plein de l'été
Lac Glacé : couleur des tropiques cernée de glace
Plus pressé que les autres pour se dénuder, peut-être plus cabotin. Se sait admiré. Quand on l'aperçoit, on croit avoir trouvé un trésor. C'en est un.
Le Col
Encore quelques ressauts, le corps renâcle, la sueur noie les yeux. Et voici le col bordé par des géants : le Puy Gris et la Pointe de Comberousse. Tout autour, les nuées s'accumulent et brouillent l'azur. Les reliefs ne sont plus diaprés par la réverbération mais comme matifiés.
On est là et on voudrait y rester. Ce n'est pas possible. S'éterniser serait compromettre la descente. Hors de question. Un dernier regard et je m'élance. Tout est parfait à part cette lumière tamisée. Mais on s'y fait vite. Les virages s'enchaînent, faciles, sans rencontrer aucun obstacle. Le souffle suit le mouvement ou l'inverse, je ne sais pas. Mille mètres de bonheur intense dans un temps infiniment court. On sait pourquoi on est venu. Il suffit de choisir le bon jour et jamais ce lieu ne décevra.
« Rien n'aura eu lieu que le lieu » Mallarmé