Départ : Col de Jau (1506 m)
Sommet associé : Madres (2469 m)
Orientation : NE
Dénivelé : 1100 m.
Ski : 2.1
Sortie du dimanche 2 janvier 2022
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : Ciel
voilé en matinée et ensoleillé l’après-midi avec quelques nuages d’altitude. Températures
très douces avec +7°C le matin à 8h45 au Col de Jau à 1506m.
Conditions d'accès/altitude du parking : Sèche
Altitude de chaussage/déchaussage : 1560m/hélitreuillage
à 2080m environ.
Conditions pour le ski : Le redoux
de la fin du mois de décembre a bien transformé le manteau neigeux. Ce matin, le
regel a été médiocre sous 2000m avec une neige encore mouillée. Au-dessus, bon
regel dans l’ensemble mais le massif du Madres est bien moins enneigé que le
Capcir et la Cerdagne. Je pense qu’il a moins neigé dans ce secteur qui est
souvent très venté.
Skiabilité : 😟 Médiocre
Compte rendu
Itinéraire suivi : voir le tracé sur la carte joint en photo.
Horaires : 8h45/20h.
Il y a des sorties qui marquent plus que d’autres, des sorties dont on se souvient encore des années plus tard, puis celles qui tombent dans l’oubli, faute d’évènements marquants ou encore faute d’avoir pris une belle leçon. Bref, cette sortie famille en ce premier dimanche de l’année 2022 devrait me rester dans la tête encore un petit moment … Nous partons donc pour une randonnée dans le massif du Madres en sortie mixte ski et raquettes. C’est un massif situé au carrefour de trois départements : l'Ariège à l'ouest, l'Aude au nord, et les Pyrénées-Orientales au sud. J’emmène effectivement ma sœur et une copine en raquettes pour une randonnée qui devait s’avérer tranquille mais qui s’est malheureusement terminée aux urgences de l’hôpital de Perpignan. La randonnée débute par un portage de 30 minutes, le secteur manquant de neige. Nous chaussons raquettes et skis peu avant le refuge de Callau et nous suivons la piste qui est relativement bien enneigée. Au moment où celle-ci coupe une dernière fois le sentier balisé pour le Madres, à l’altitude de 1650m, je décide de poursuivre sur la piste direction SE car le sentier est partiellement déneigé et donc peu propice à la progression en raquettes comme à ski. Nous suivons la piste jusqu’à 1700m puis je décide de prendre une direction SW dans le bois de la Roqueta pour gagner le pic éponyme. La progression sur les premiers 250m de dénivelé est mal aisée surtout avec les raquettes car la neige humide occasionne de bons enfoncements dans les secteurs où la végétation est plus dense ce qui n’est pas mon cas avec les skis. Après cette progression difficile, le terrain s’aplanit enfin vers 1950m au sortir de la forêt mais il est déjà 12h20 quand nous atteignons la côte 2050m. La pause déjeuner est bienvenue pour se restaurer et se reposer surtout que le soleil perce enfin la couverture nuageuse matinale. Nous reprenons notre progression vers 13h sous un franc soleil et des températures vraiment printanières. Le terrain est maintenant très aisé avec enfin de la vue notamment sur le massif du Canigó tout proche. Nous passons au-dessus de la Solana de Canrec pour gagner le rocher granitique caractéristique côté sur la carte IGN à 2166m. Nous poursuivons pour passer juste sur la droite du Pic de la Roqueta et à l’altitude de 2280m, je laisse les filles m’attendre sur un rocher au soleil pendant que je continue pour rejoindre la ligne de crête et la cabane pastorale du Roc Nègre (2400m). En effet, je souhaitais vérifier à l’abri du vent depuis la cabane que nous étions au bon endroit, ce qui était effectivement le cas. Début de descente à 15h15 en neige dure parsemée de cailloux autour desquels je zigzague pour descendre. Sous le caractéristique Piló de la Miranda je trouve une neige à relief qui se skie bien jusqu’à rejoindre les filles et entamer la descente tous ensembles. C’est à ce niveau que je commets une erreur en voulant rejoindre l’itinéraire classique du Pic du Madres par le vallon de la Balmeta plutôt que de redescendre par notre itinéraire d’ascension certes plus long mais sans danger. En effet, pour rejoindre le vallon de la Balmeta, il y a un secteur avec une pente d’environ 40° entre 2300m et 2100m. Or j’ai raisonné en tant que skieur et non comme raquetteur. Du coup je me suis engagé dans la pente pour la repérer et quand j’ai vu que celle-ci était trop raide pour des raquetteurs et alors que je m’apprêtais à remonter pour repartir vers l’itinéraire de notre ascension, les filles commençaient à descendre. Du coup, plutôt que de dire nous remontons, j’ai continué pensant arriver rapidement au replat de la Balmeta. J’ai déchaussé les skis pour aider les raquetteuses sur plusieurs mètres puis à l’endroit le plus raide, j’ai traversé pour rejoindre une ligne de crête arborée et moins pentue afin de déposer mon sac et mes skis. J’aurais dû chausser les crampons car il y avait une zone de quelques mètres en neige bien dure dans laquelle j’ai essayé de creuser des marches trop superficielles alors que si j’avais eu les crampons aux pieds je n’aurai peut-être pas été embarqué dans la pente quand j’ai essayé de faire traverser ma sœur qui était complètement tétanisée par la peur, sans force et du coup constituait un poids mort qui a entraîné notre chute. Nous avons donc chuté depuis l’altitude 2130m environ jusque vers 2030m dans une pente à 40° et sur une distance d’environ 200m.
Détail de l’accident : chute comme décrite ci-dessus vers 16h30. Je faisais progresser ma sœur que je tenais par la jambe en étant positionné à l’aval pour gagner la petite plateforme où j’avais déposé mon sac et les skis à environ 15 mètres de notre position quant au moment d’aborder le passage en neige dure, ma sœur qui n’avait plus de force dans les jambes m’a entrainé dans la chute. Nous avons pris instantanément de la vitesse malgré le fait que j’ai essayé de ralentir notre chute en plantant progressivement mes talons plusieurs fois dans la neige. J’ai heurté violemment un arbuste situé dans l’axe de la pente avec la tête puis latéralement sur le côté gauche (j’ai d’ailleurs une belle balafre au niveau de l’impact sur le tronc). Cet arbuste a eu le mérite de fortement nous ralentir et nous avons heureusement été stoppés par un autre arbuste situé à environ 10 mètres plus bas. Bien sonné, j’ai mis au moins 5 minutes pour reprendre mes esprits et me relever pour constater que je tenais debout avec une forte douleur dans la cage thoracique, des difficultés pour respirer et du sang dégoulinant depuis mon visage sur ma veste. J’ai tout de suite questionné ma sœur qui était à plat ventre sur la neige bloquée par l’arbuste mais qui répondait à mes questions sans blessures apparentes mais avec une douleur thoracique elle aussi. Ayant repris mes esprits, je suis remonté avec difficulté jusqu’à mon sac à dos car la pente était raide et je ne pouvais pas faire de grandes enjambées. J’ai pu observer mes traces de talon pour essayer de ralentir notre chute. J’ai fait un selfie afin de voir mon visage ensanglanté mais n’ayant pas mal, j’ai supposé ne pas avoir de fracture ni de l’arcade ni du nez. J’ai chaussé avec difficulté mes crampons pour rejoindre la copine qui était restée à notre point de chute. Elle avait joint les secours et malgré le fait que je n’avais pas de GPS, j’ai pu renseigner à l’ancienne assez précisément (carte et altimètre) les secours sur notre position. Après avoir mis plus ou moins en sécurité la copine en essayant de creuser une petite plateforme au niveau de ses pieds pour un meilleur confort, je suis redescendu en crampons avec mon sac à dos et les skis pour aller secourir ma sœur toujours à plat ventre sur la neige et qui commençait à être en hypothermie. Je l’ai relevée, assise sur la branche de l’arbuste, passé ma doudoune et remis sa veste. Dans l’opération elle a échappé un gant qui a continué sa course dans la pente. Je suis redescendu le récupérer environ 100 mètres plus bas d’où j’ai pu observer qu’il s’était arrêté au niveau de trois gros rochers. Heureusement que ces deux arbustes étaient bien positionnés dans l’axe de notre chute car je ne serais probablement pas là pour relater les circonstances de cet accident. Une fois de retour auprès de ma sœur, je me suis couvert et préparé le secteur en vue de notre hélitreuillage par les secours. Cela sert d’avoir un sac conséquent dont les copains me charrient souvent dessus ! N’empêche que j’avais 3 doudounes dont une sans manche, 3 paires de gants dont un en duvet, un sac de couchage de survie qui n’a pas servi car les températures étaient légèrement positives ainsi qu’une frontale. Je n’ai pas regardé l’heure mais la nuit commençait à tomber : il était autour de 18h15 je pense. C’est grâce à ma frontale que l’hélicoptère du PGHM d’Osséja a pu nous repérer dans la nuit. Florent, le premier secouriste a été hélitreuillé jusqu’à nous et j’ai pu le renseigner sur nos états de santé respectifs ainsi que sur la position de la copine restée 200 mètres au-dessus de nous. Xavier, le second secouriste a été déposé au niveau de la copine. J’ai été hélitreuillé le premier pour une dépose au niveau du parking du Col de Jau avec la médecin secouriste du SAMU 66 qui m’a examiné pendant que l’hélicoptère allait récupérer la copine pour venir la déposer au Col. Ensuite nous avons patienté une bonne heure au Col car l’hélicoptère a dû aller ravitailler en carburant à Sainte Léocadie avant d’aller récupérer de nuit ma sœur au moyen d’une barquette car elle était fortement choquée et en hypothermie avec une température corporelle mesurée à 34°C par le médecin. De retour au Col, j’ai pu récupérer toutes mes affaires et les clés de mon véhicule même si le médecin du SAMU 66 souhaitait me rapatrier aux urgences de l’hôpital de Perpignan en hélicoptère comme ma sœur mais cela n’a pas été possible pour un problème de poids. J’ai donc quitté le Col de Jau en voiture vers 20h20 pour aller déposer la copine chez elle puis me faire accompagner aux urgences de Perpignan.
Bilan des opérations : traumatisme crânien, facial et thoracique avec fracture de la 8ème côte gauche avec léger déplacement pour ma part mais j’ai pu quitter les urgences dans la nuit de dimanche. Pour ma sœur qui est restée hospitalisée durant deux jours, un traumatisme thoracique avec fracture des 9, 10 et 11ème côtes du côté droit avec un minime pneumothorax et une suspicion de fracture de la malléole au niveau de la cheville droite. Comme souvent, toute l’équipe du PGHM a été bienveillante, d’un très grand dévouement et d’un professionnalisme hors pair. J’ai été bluffé par la qualité du pilotage : trois hélitreuillages de nuit effectués au cordeau ! Cela change des secours norvégiens ! Un grand merci aussi à tout le personnel des urgences de l’hôpital de Perpignan (administratifs, infirmières, internes, médecins) et ce malgré la pandémie liée au Covid qui les impacte fortement depuis bientôt deux années. Ayant obtenu les coordonnées du médecin du SAMU 66, j’ai pu vivement remercier tous les acteurs de ce secours. D’ailleurs je me permets de retranscrire la réponse du médecin du SAMU 66 : « je vous remercie chaleureusement, j’ai transféré votre gentil message à toute l’équipe médicale et secouristes du secours montagne de Perpignan, message qui ne manquera pas de mettre un peu de baume au cœur par ces temps de lessivage professionnel ».
Après cette sortie, je me suis bien sûr posé tout un tas de questions quand tu sens que tu as commis des erreurs et que tu te dis que si nous étions redescendus par notre itinéraire d’ascension, tout cela ne serait pas arrivé mais comme aurait dit Boris Vian : « avec des si, on scierait ». Il n’empêche que tout accident est formateur.
Enfin, un point important aussi dans un groupe c’est d’avoir des opérateurs téléphoniques différents. En effet, pour ma part avec Bouygues Telecom je n’avais pas de réseau sur le lieu de l’accident et idem pour ma sœur avec SFR. Il n’y a que Free qui passait ! Et pourtant avec Free, c’est bien connu, tu as tout compris !
Après une bonne convalescence, rendez-vous sur les skis je l’espère dans le courant du mois de février une fois bien remis. En espérant que d’ici là le Mercantour soit enneigé correctement. Sinon, il faudra migrer😎