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C'est un raccourci assez évident : pas d'infrastructures, la seule énergie est la motivation pour atteindre puis descendre la montagne. Est-ce réellement le cas ?
Idéalement, il faudrait faire une analyse de cycle de vie de sa pratique, tout regarder dans les moindres détails et analyser plus d'une dizaine d'indicateurs environnementaux qui illustrent le changement climatique, la pollution de l'air, de l'eau, la consommation de ressources et d'eau, etc.
Une approche plus simple (mais pas simpliste) consiste à faire son Bilan Carbone "ski de rando".
Prenons cinq profils de skieurs ou skieuses de rando (pour illustrer les effets de fréquence de pratique, de distance et de mode de transport) :
[/img]
Ces informations (flux) ont été associées à des facteurs d’émissions de gaz à effet de serre provenant de la Base Empreinte (tout sauf mention), du rapport sur le matériel de sport d’Altern Consult (ski, chaussures*), d’Utopies (nuitée en hébergement).
Limites :
Volontairement, les repas ne sont pas inclus, sachant que l’on mange quoiqu’il arrive, ce n’est pas additionnel. Ce n’est pas complètement juste car les repas peuvent être différent et non choisis en restaurant ou en refuge.
Le chaine de valeur de la pratique du ski de randonnée est plus large : parcours / circuits d’achat et d’entretien du matériel, entrainement spécifique, encadrement / stage, etc.
Cet exercice reste en ordre de grandeur.
Ces cinq profils renvoient à des paramètres différents qui vont jouer sur l’empreinte carbone de la pratique :
- Distances et modes de transport ;
- Utilisation d’hébergements ;
- Durée de conservation du matériel ;
- Nombre de sorties par an.
Dès lors, il convient de regarder les émissions de GES sous deux angles : en relatif (c’est-à-dire à la sortie) et en absolu (pour une saison).
En relatif (cf. pour une sortie) :
- Pour cinq des six profils, les émissions de GES liées à la mobilité dominent.
Bénéfice aux faibles distances parcourues, au regroupement des trajets et à l’utilisation du train.
En regroupant sa pratique et en utilisant le train pour tous ses trajets longues distances, un randonneur ou une randonneuse habitant loin des montagnes peut être moins émissif à la sortie qu’un ou une locale ! En contrepartie, ces profils ne choisissent pas la meilleure journée de la semaine/ quinzaine et vont en montagne même si c’est béton et tout trafolé. Ce même randonneur voulant garder la même souplesse que le local ou l’ultra local (sous-entendu ne pouvant pas prendre le train à la dernière minute) aura des émissions de GES à la sortie diamétralement opposées.
--> Maximiser le taux de remplissage de la voiture (et éco conduire)
--> Favoriser les départs proches (jusqu’à envisager le vélo ski ?)
--> Préférer le train
--> Rassembler sa pratique
- Le matériel : secondaire mais pas tant
Il y a une logique d’obsolescence du matériel si bien que si un extra local ou un local aura tendance à l’user jusqu’à la corde (ou juste un rocher mal placé), les autres profils pourraient ne pas attendre de l’avoir rincer pour le changer.
--> Lutter contre cette envie de changer de matériel alors que ce n’est pas nécessaire
--> Entretenir et réparer ses vêtements (goodloop.fr)
--> Suivre les retours d’expérience skitour sur le matériel :
Certains skis se délaminent plus que d’autres et ça finit par être connu
Certaines fixations françaises de Haute-Savoie sont très réputées pour leur longévité et leur SAV
--> Privilégier les produits ayant des matières premières issues du recyclage d’autant plus si une analyse de vie comparative est disponible
--> Revendre son vieux matériel, le mettre dans les circuits de collecte approprié (www.tri-vallees.com, prime à la fixation de Plum) ou encore les upcycler (bâton en retourner le compost, peaux de phoque en ceinture, ski en rocking chair, etc.)
- L’hébergement
C’est à la fois un indispensable pour les raids et un outil pour grouper sa pratique. Dans ce dernier cas, on a des émissions de GES mais qui sont largement compensées par les émissions évitées par des déplacements plus fréquents.
--> Eviter la participation à la mise en place de lits froids (notamment avec une résidence secondaire sous-utilisée)
--> Essayer de fréquenter des lieux rénovés avec une haute performance énergétique
--> Limiter le chauffage de l’espace utilisé
D’un peu plus de 3 kg eCO2 / sortie à plus de 47 kg eCO2 / sortie, comment situer cela en repas ?
- Un randonneur ou une randonneuse extra locale émet 3,1 kg eCO2 / sortie, soit l’équivalent de 1,5 repas moyen ;
- Un randonneur ou une randonneuse locale émet 8 kg eCO2 / sortie, soit l’équivalent de 4 repas moyen ;
- Un randonneur ou une randonneuse régionale émet 11,4 kg eCO2 / sortie, soit l’équivalent de 5,7 repas moyen ;
- Un randonneur ou une randonneuse extra régionale émet 16,5 kg eCO2 / sortie, soit l’équivalent de 8,25 repas moyen ;
- Un randonneur ou une randonneuse extra régionale émet 8,2 kg eCO2 / sortie, soit l’équivalent de 4,1 repas moyen ;
- Un randonneur ou une randonneuse extra régional émet 48,1 kg eCO2 / sortie, soit l’équivalent de 24 repas moyen !
Un repas végétarien, c’est 4 fois moins de GES qu’un repas moyen ! En CO2, pour que la pratique du ski de rando soit une somme nulle, il faut alors faire X 4 sur le nombre de repas envisagés !
En absolu (cf. pour une saison) :
Le cumul de la pratique a alors une incidence dimensionnante et on peut situer les émissions de la pratique en regard des émissions annuelles d’un français (rien contre les autres pays mais le calcul se rapporte à chaque pays) : ~10 tonnes eCO2 / an, soit de moins de 1% à près de 5% de leurs émissions annuelles.
Même si c’est celui qui pratique le moins, il est intéressant de noter que le randonneur ou la randonneuse habitant loin des montagnes qui fait tous ses trajets en train est le profil qui émet le moins annuellement pour sa pratique.
Ensuite, c’est le randonneur ou la randonneuse ultra local tandis que le pratiquant ou la pratiquante habitant loin des montagnes et prenant uniquement la voiture aura l’empreinte la plus élevée (pour cinq fois moins de jours sur les peaux !). Le cumul de sorties à la journée pour un ou une locale en fait une pratique assez émettrice de GES en regard des autres profils.
Dans un mode où tenir a minima la trajectoire de réduction des émissions de GES pour tenir le changement climatique sous +2°C, c’est-à-dire avec un budget annuel de 2 tonnes eCO2 / an pour un français, on arrive à une pratique allant d’un peu moins de 5% du budget à près d’un quart ! Un quart du budget carbone pour 10 jours de ski de rando puis faire tout le reste (en gros vivre) avec les 75% restant.
On le voit, selon son organisation, la pratique du ski de rando peut être intensive ou relativement sobre en CO2 mais ce n’est qu’une partie de ce que chacun vit au quotidien. Sur l’ensemble de son organisation personnelle, ce sont autant de « défis » organisationnels qui doivent être relevés pour réduire ses émissions. Les ateliers « fresque du climat » pour comprendre et les ateliers « 2 tonnes » pour agir sont justement là pour permettre aux citoyens de faire les meilleurs choix.
Il est important de noter que la variable « réduction de la pratique » n’est pas évoqué ici. Cela peut être un levier évidemment mais réduire 10% sa pratique aura moins d’effets que partager ses trajets avec 4 personnes au lieu de 2. Réduire pour réduire est alors un effort privatif très important. Par contre, réduire pour mieux choisir ses sorties, pour en contrepartie avoir des sorties unitaires plus longues permettant le regroupement en évitant des conditions qui ne servent qu’à faire la caisse est beaucoup plus accessible.
* En absence de facteur d’émissions de GES pour une chaussure de ski, une extrapolation via le poids a été faite sur base d’une chaussure de sport.
Le fabricant de chaussure Gignoux a fait son Bilan Carbone®, le facteur d’émissions de GES par chaussure vendue n’est pas exploitable en l’état car le périmètre pris en considération dépasse largement celui de ladite chaussure.
Le matériel est plus fourni (bâton, DVA, pelle, sonde, sac-à-dos, fixation, gants, etc.). Un facteur 2 a été appliqué pour en tenir compte.
Pas inintéressant mais terriblement limitant/ biaisant de réaliser des profils-types, dans lesquels seule une minorité de pratiquant pourra se projeter
Un tableau dans lequel chaque pratiquant pourrait rentrer ses propres données me semblerait nettement plus pertinent et plus utile individuellement pour cibler ses faiblesses (et les corriger).
Parmi les biais grossiers il y a le choix du véhicule pour le transport, c'est pas la même chose de rouler en Ford Raptor à 140km/h qu'en Zoé à 110.
Un indicateur discutable est aussi évidemment le remplissage du véhicule, qui entrera la même chose chose rempli à 4 qu'à 1 ( même un peu plus), le facteur diviseur n'ayant sens que si les 3 autres occupants faisait un trajet eux même en individuel ( ce qui peut s'entendre mais pas forcément d'automatiser).
On remarquera dans les exemples type que le matériel du llointaon est changé avec un taux de vieillissement moindre que le local.
Enfin ce bilan de l'activité n'a de sens pour chacun que s'il s'intègre dans son bilan global (l'ultra-local qui ira skier au Japon 1/ an, ou ira bosser tous les jours à 40km, ou le parisien dont la semaine de ski s'intercale entre un voyage à NY et un WE à Marrakech)
Hello,
Analyse intéressante, je rejoins l'avis d'Etienne, avoir un tableau qui permettrait de calculer l'emprunte de sa sortie serait un super outil pour Skitour!
J'aurai peut-être ajouté un 6eme profil avec le skieur de rando adepte de la Norvège et du Japon pour comparer les ordres de grandeurs :)
une histoire vieille comme le monde, ou presque
h**ps://skitour.fr/forums/42927
(l'ultra-local qui ira skier au Japon 1/ an, ou ira bosser tous les jours à 40km
Pour les « ultralocaux », ils vivent généralement à 1500 m d'altitude et consomment quotidiennement beaucoup plus d'énergie qu'un habitant de la vallee en raison du chauffage (appartements souvent DPE G) et du transport de la nourriture chez elle.
Sommes nous "écoresponsables" uniquement à travers le prisme des émissions de gaz à effet de serre et du CO2 en particulier?
Enfin un début
Je préfèrerai le soin environnemental que le mot "eco" qui englobe toutes les pratiques sortie du contexte transport.
j'ai déjà fait des commentaires sur les sorties avant et after, ainsi que l'utilité du transport câble et train.
Il est difficile de se rendre compte de son impact surtout si l'activité est douce voire naturelle.
A contrario certaines activités plus artificielles sont parfois moins impactantes
Pou a dit :réduire pour mieux choisir ses sorties, pour en contrepartie avoir des sorties unitaires plus longues permettant le regroupement en évitant des conditions qui ne servent qu’à faire la caisse est beaucoup plus accessible.
Sauf que si on n'a pas de caisse à cause d'un nb de sorties plus faible, on ne pourra pas faire des sorties plus longues mais moins nombreuses, juste des sorties moins nombreuses (voire plus courtes et moins nombreuses).
Si tu réponds qu'on peut se faire la caisse sans faire de ski et avec un bilan carbone plus faible, je répondrai que c'est qqch qu'on peut faire sans tenir compte du bilan carbone. Si certains ne le font pas, c'est que ce n'est pas tout à fait pareil. Particulièrement pour l'entrainement à la descente.
Ma conclusion est que pour la plupart des skieurs, réduire le nb de sorties passe par accepter de réduire les performances et les courses possibles (fini les raids à 2000m/jour, etc). Ce n'est pas grave, mais c'est mieux d'en être conscient avant.
Et l'impact carbone des clics frénétiques sur skitour et météoblue pour mater les conditions et les photos des copains, on en cause ? 😂
Bonsoir,
D'accord avec Etienne-H Ford Raptor à 140km/h qu'en Zoé en plus la zoé est recharge à la descente....
Le c02 on peu aussi en mettre aussi un peu dans les skis... moi j'ai un gros stock dnas les planchers, les poutres et la charpente.
Le mieux c'est etre à qques km d'un départ à ski en plus quand tu es sur les skis tu n'es pas en train de comsommer ou d'acheter des chose inutiles....
Bonnes balades
Super boulot Pou, merci pour toutes ces recherches, analyses et synthèse de données! 🤩
Et en effet, c'est limitant, mais je trouve que c'est excellent pour se représenter les ordres de grandeur, et voir quelles actions ont le plus d'impact.
Dans les ateliers pour agir, j'ajouterai Inventons Nos Vies Bas Carbone : h**ps://www.nosviesbascarbone.org😉
Et au passage, pour les Isérois·es, l'évenement "Sensibil'Isère II" est organisé par En'jeux communs du 3 au 9 Juin => pleins d'ateliers programmés dans toute l'Isère, des fresques du climat, de l'eau, de la montagne, des 2 Tonnes, des INVBC... => enjeuxcommuns.fr/sensibilisere-ii/
Va falloir redoubler d'efforts les gars, la faute à Taylor Swift et sa tournée en Europe dont le bilan carbone est catastrophique.
Les américaines qui n'ont pas pu voir un de ses concerts aux USA ont été nombreuses à traverser l'atlantique pour assister à son concert à Paris :
www.20minutes.fr/arts-stars/culture/4090531-20240511-taylor-swift-concert-paris-ca-coute-moins-cher-faire-week-end-paris-acheter-billet-americain
Je compte sur vous pour compenser tout ça. 😄
Va falloir redoubler d'efforts les gars, la faute à Taylor Swift et sa tournée en Europe dont le bilan carbone est catastrophique.
Les américaines qui n'ont pas pu voir un de ses concerts aux USA ont été nombreuses à traverser l'atlantique pour assister à son concert à Paris :
www.20minutes.fr/arts-stars/culture/4090531-20240511-taylor-swift-concert-paris-ca-coute-moins-cher-faire-week-end-paris-acheter-billet-americain
Je compte sur vous pour compenser tout ça. 😄
Voilà exactement le genre de truc qui me fait dire que, malheureusement, le post de Pou, c'est comme pisser dans un violon...
On peut se dire ça...
On peut se dire aussi que si on attend que les autres agissent, c'est sur qu'on y arrivera pas. Si on commence à agir, on a une petite chance d'arriver à quelque chose.
Et perso, j'ai envie de pouvoir regarder mes enfants dans les yeux dans 20 ans, et leur dire que j'ai fait mon possible.
(réponse à OlivierG)
Et donc justifier que tu ne fasses le moindre effort et potentiellement que ça fasse ruissellement autour de toi "car c'est possible" ?
Idem, je commence déjà à dire à mes jeunes enfants que je fais beaucoup plus d'efforts que la plupart... Je ne crois pas que ni eux ni moi soyons malheureux 😁
Merci Pou pour ta contribution. L'intérêt n'est pas de mesurer son impact personnel réel en valeur absolue, comme semblent croire certains ici pour contester ta démarche, car effectivement ce sont des "types". Mais cela permet à chacun de voir quels sont les postes sur lesquels il a une marge de progression significative (ta comparaison entre le "lointain" en voiture et le "lointain" en train est parlante ; celui qui y tient peut rouler en Zoe ou en vélo, cela n'invalide pas ton cadre d'analyse, qui permet de voir ce qu'on peut gagner par rapport au profil type dont on est le plus proche).
J'aurais du coup trouvé plus utile d'échelonner un peu différemment tes types, avec un profil type "local" à 100 km des départs (200kms en AR) sans doute plus représentatif pour Annecy, Grenoble, Chambéry , Gap etc, quitte à parler "ultra-local" à 25km des départs (ceux qui partent de chez eux à ski doivent se compter sur un doigt d'une main ).
Et oui, le travail reste à faire pour d'autres types d'impact (biodiversité etc) et… d'autres types de ski (piste, fond…), et d'autres sports (vélo, pétanque, …). Ensuite, à chacun de raisonner en connaissance de cause ;-).