Départ : Chamonix (Aiguille du Midi) (3842 m)
Topo associé : Mont Blanc, Traversée 3 Monts > Face N
Sommet associé : Mont Blanc (4810 m)
Orientation : N
Dénivelé : 1950 m.
Ski : 4.1
Sortie du lundi 28 mai 2012
Jeroen, Friz, HCH, Manuel, PatdeGap, TiBougnat
Conditions nivologiques, accès & météo
Neigeux avec vent et brouillard la nuit, puis tout se dégage comme prévu sur le coup de 6 heures.Etat de la route :
Altitude du parking :
20 à 30 cm de neige dans la nuit
Tacul :
Poudre. 2 ressauts raides sur les séracs du bas, passage en crampons obligé, après c'est peau et sortie facile sur l'épaule.
Maudit :
Poudre (gros brassage pour rejoindre le bas de la pente finale). quelques passages en neige dure. 80% en crampons. Une crevasse bien ouverte. Franchissement possible, devenant délicat. Couloir en neige dure avec des marches bien marquées. Corde fixe sur la moitié inférieure. 10m de mixte facile au milieu.
Mur de la côte et face NE du Mont-Blanc:
Neige dure.
Face N du Mont Blanc :
POUDRE, et vierge avant notre passage.
Plus Bas : Poudre toujours excellente à 13h00 (heure de notre descente) jusqu'à 3000. En dessous pas de regel, c'est pourri.
Jonction localement délicate (2 ponts de neige franchis encordés).
Activité avalancheuse observée : RAS
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu (par Jeroen)
Que dire ? C'était le créneau que l'on attendait depuis quelques années.
Rendez-vous pour tout le monde le dimanche à 2 heures sur le parking de l'aiguille du midi. Des orages sont prévus en soirée et on ne veut pas risquer la fermeture anticipée de la benne. On est 6 : Manuel, Hervé, Pat, Friz, Tibougnat et moi.
La météo prévoit une belle journée après dissipation d'une perturbation nocturne, un iso0 à 3000, Développements nuageux l'après midi. Les conditions sont excellentes, avec un peu de chance on va avoir de la poudre.
Le soir au repas tout est bien bâché, et il neige (surtout du grésil) quelques centimètres, mais avec du vent. La nuit le vent ne se calme pas et au réveil tout est bien bien bouché avec un bon vent en rafales. Personne n'est encore parti et le gardien du refuge est bien dissuasif. Gros coup au moral. Je file me recoucher, mais pas pour longtemps et finalement on décolle à 4h30, dans le brouillard et le vent.
La première partie du Tacul en crampons présente deux ressauts bien raides et nous met dans l'ambiance de cette course qui malgré ce que l'on dit est quand même alpine. Je double pas mal de monde et je me retrouve à partager le traçage en tête de cortège avec une équipe de 3 suisses (c'est pas de la VPC) bien sympa. Une bonne quantité de neige est tombée cette nuit mais pour en profiter il faut que le temps se dégage. Là c'est la purée de pois...
Nos amis suisses ont pour objectif de passer par les sommets du Tacul et du Maudit. ça me va pas mal comme programme, je n'ai fait ni l'un ni l'autre. Le jour commence à poindre et le vent se calme.
30 mètres sous le sommet du Tacul (Au pied des difficultés) on se fait rattraper par Friz Pat et Tibougnat. Friz préfère se meuler en bas, avec les autres on se fait une cordée pour ce joli et facile sommet. Au moment où l'on descend, les nuages se disloquent. Le moral est au beau fixe. Ça va être une belle belle journée..
Une première courte descente tout en poudre et on rejoint Manuel et Hervé qui sont avec le reste de la troupe sous le Maudit.
Le Maudit est franchi presque intégralement en crabes, avec un bon gros brassage. On est quasiment les premiers sous le col, ce qui permet de passer directement la partie technique sans faire la queue. La traversée derrière est en neige croutée. Les 150m pour le sommet du Maudit sont en neige globalement dure et/ou croutée. On fait le sommet en A/R à pied avec Pat et Friz. Tibougnat se réserve pour le dernier gros morceau de la journée avec le Mont-Blanc. Les 500m depuis le col de la Brenva sont en neige dure et avec l'alti bloqué à 5m/min, interminables. Pat qui tient une forme olympique passe entièrement à peau. Tous les autres passeront en crampons.
On arrive au sommet juste après l'équipe des Suisses, qui s'échappe par les bosses. La face N est encore vierge, on ne se tâte pas bien longtemps....
En gros ça a été un festival, et ça a continué jusqu’à 3000, limite du regel nocturne. Des conditions de rêve.
Pat:
Quelle journée !!
Après une soirée où Jeroen nous a exposé toutes les options possibles pour le lendemain, timing à l'appui, les conditions météo au reveil nous ont un peu (beaucoup...) mis le moral dans les chaussettes.
Du coup le départ fut beaucoup moins précipité que prévu et les premiers attaquaient déjà les pentes du Tacul quand nous quittions le refuge.
Mais sous l'impulsion d'un Jeroen hypermotivé (est-ce que ça lui arrive de ne pas l'être ?) on était avec eux (trois p'tits suisses sympas) sur l'épaule du Tacul... dans un brouillard à couper au couteau !
Le temps d'un rapide aller et retour au sommet, et les nuages se déchirent laissant place au beau temps inespéré.
Descente en bonne poudre jusqu'au Col Maudit où nous retrouvons la cohorte des ascensionnistes qui nous sont repassés devant. Petit bouchon dans les pentes du Maudit, mais avant la rimaye nous sommes à nouveau sur les talons des trois hélvètes traceurs et Jeroen, toujours chaud bouillant, fait sa part de boulot...
Montée efficace au Col du Mont Maudit, puis A/R au sommet, toujours à la poursuite des trois confédérés qui ne chôment pas...
Au Col de la Brenva, la fatigue et l'altitude commencent à calmer tout le monde... Le Mur de de la Côte est franchi en crampons, et pour ma part je choisis de terminer l'ascension à ski (neige très dure sur la croupe Nord, mais montée assez efficace avec les couteaux).
Sommet à 11h30, cinq minutes après nos amis suisses qui ont déjà filé sur l'arête des Bosses.
J'attends l'arrivée de Jeroen et Tibougnat dans un froid vif accentué par un petit vent glacial, puis nous plongeons dans la face Nord, vierge de trace, pour aller attendre le reste de la troupe dans la fournaise du Grand Plateau!
La descente ? Sublimissime...!
Friz: Ca y est, c'est fait! Difficile d'y croire au début mais il suffisait d'attendre, j'ai retrouvé le sourire au Tacul et sa courte descente enfin au soleil et enbonne poudre! Après une non-nuit pour cause de barre à la tête dès la sortie de la benne, les jambes sont quand même là et tout passe comme une lettre à la poste jusqu'au sommet du Maudit d'où le Mont Blanc parait si proche. Puis c'est le Mur de la Cote et le gros coup de moins bien. Pat disparait et je me raccroche à Manu et Hervé pour finir à l'agonie. Pas le temps de récupérer en haut à cause du froid (dommage), on attaque la face N dans une poudre excellente sans se poser de question, en suivant les trois premières traces, décor de rêve, hypnotisant, on en oublie le danger. Fin de la descente tranquille en mode recup dans une neige facile. Puis looooonguuuue nuit pleine de beaux rêves. Merci les potes.
TiBougnat :
Des gros doutes sur la fenêtre météo, une contre-indication médicale, tant pis, je ne veux pas louper cette occasion d'être en montagne avec les amis pour un itinéraire majeur et un sommet jamais gravi. J'appelle Friz et lui confirme que je serai de la partie. J'ai la banane avec tout de même l'appréhension du MAM auquel je suis hyper sensible. Ça se confirme à l'arrivée au refuge des Cosmiques. J'ai la barre à la tête et le moral à presque zéro. La nuit sera longue et douloureuse. Je reprends une dose pour lutter contre la barre.
Fini le bol de café, et comme par miracle, le mal de crâne s'évapore. La vista revient ! Les premières cordées quittent le refuge, les premières lueurs de frontal transpercent le brouillard au pied du Tacul. Il est temps de partir à notre tour après avoir réveillé le boss parti pour une deuxième nuit ! Le Tacul passera comme une lettre à la poste dans une bonne purée de pois jusqu'à son sommet rocheux accompagné par la sympathique équipe helvétique (que je salue au passage). Il fait froid, le vent de nord souffle fort et les nuages sont présents à toutes les altitudes. Ça sent le but météo ! Et là, soudainement, au moment de chausser les skis pour descendre la Tacul, le ciel se déchire et le soleil abat ses premiers rayons sur le Mt Blanc.
À partir de ce moment précis, le rêve de skier le plus haut sommet d'Europe devient réalité. Je me sens bien à la fois physiquement et physiologiquement. Rien ne saurait me rendre ce sommet inaccessible. Les conditions sont parfaites, les amis sont là et la bonne ambiance entre cordées donnent des ailes.
Je délaisse volontairement le sommet du Maudit pour consacrer toute mon énergie à gravir les derniers 500 long mètres de D+ du Mont Blanc. Le Mur de la Côte est vite avalé puis s'en suit l'interminable ascension de la bosse finale du Mt Blanc. Chaque lacet dure une éternité. Je compte mes pas, jusqu'à 12, 15, je ne sais plus. Je pose. Je recommence. C'est long. Des envies de somnolence. Les souvenirs de l'ascencion du Kun me reviennent. Il ne faut rien lâcher si près du but final. Puis une charmante demoiselle me double et la félicite pour sa caisse ! Puis enfin, Jeroen et Pat ne sont plus très loin, statiques. Le sommet est là. C'est le bonheur ! Il fait froid, faut vite descendre car la polaire de Jeroen acheté à Cham ne permet pas de le conserver au chaud. La face nord, comme par récompense, sera pour nous vierge de traces et en qualité de neige des plus belles. Les cathédrales de glaces sont imposantes et nous font comprendre qu'il ne vaut mieux pas trainer à leur pieds. La descente sera rapide pour rejoindre Grand Plateau et attendre nos amis.
La suite est tout aussi magique à serpenter entre crevasses et fleuve de glace dans une neige inespérée.
Un grand moment en Montagne. Merci les zamis, merci Marinette.
Manuel :
Que de récits, je me sens un peu obligé de rajouter quelques détails... Plus le temps passait et plus cette fenêtre de beau après une chute de neige se fossilisait. La précision chirurgicale des bulletins a été vérifiée pour notre plus grand bonheur. Me voilà donc parti pour un Mont Blanc de plus avec les amis. La soirée fût agrémentée de people avec Kimberly et Glen Plake que je ne connaissais pas avant. Pâtes et riz à gogo, la petite barre au front, les premiers flocons,...une petite nuit et le lever à trois heures. La petite heure de délai est bien sympathique, ça permet de déjeuner tranquille, discuter,.. et là mon seul stress de la journée, je pars aux toilettes et au retour plus personne. Je me retrouve sans transition dans le noir à faire des virages dans la poudre, ça s'annonce très bien. Le Tacul nickel, un petit doute en attendant l'apparition du Maudit puis tout d'un coup nous savons que ce sera bingoo!! Pour une fois je finis au sommet par les trois monts en bon état, juste ce doux ralentissement du temps pour le final partagé avec Friz et Hervé. Une descente de rêve avec de la poudre, les orgues de glace,...si le vin suit la qualité de la face comme en 2005, les crues 2012 devraient être très bons. Le reste se déroule dans ce cadre de rêve qu'il faut fuir. Merci les amis pour ce joli voyage de plus.