Départ : Argentière (les Grands Montets) (3295 m)
Topo associé : Haute Route Chamonix-Zermatt, classique par la cabane de Valsorey
Orientation : T
Dénivelé : 6800 m.
Ski : 3.3
Sortie du lundi 11 avril 2011
Conditions nivologiques, accès & météo
Grand beau, pas un nuage pendant 6 jours. Regel seulement moyen les 3 premiers jours (excellent après).Altitude du parking : 1800 pour la montée à Valsoray Globalement des conditions de neige pas terribles, même si ce n'est pas le principal sur ce type de raid. Un iso 0°C très haut, des regels nocturnes moyens ont fait que, sauf exceptions (cf CR) les faces N étaient croutées, et les face S très vites molles.
Skiabilité : 😟 Médiocre
Compte rendu
Avec Mathieu, Aude, Antoine, Julie, Julien, Benoit pour les 2 premiers jours
Classique avec quelques variantes (décrites ci-dessous)
Alors, par où commencer ? Par le début peut être ?
3 ans qu'on parlait de se faire une virée en ski de rando avec les cousins, pour qu'ils puissent vraiment découvrir l'activité (ils sont débutants, mais en forme et assez débrouillés). A noël c'est décidé, ce sera cette année. Cham-Zermatt par la classique est un bon objectif : c'est magnifique tout en restant abordable aussi bien physiquement que techniquement. Ce sera du 6 au 11 avril, relativement tôt dans la saison pour être sûr d'avoir de la neige, et surtout "en décalé" pour éviter la sur-fréquentation.
Plus tôt dans la saison, on se prévoit quand même une petite sortie test pour affiner les détails matos, et pour voir ce que tout ce petit monde donne sur des skis. L'expérience est concluante pour les personnes présentes, reste donc plus qu'à attendre que les conditions soient au rendez-vous.
Mercredi 6 Avril : Grands Montets > Col du Chardonnet > Fenêtre de Saleina > Cabane de Trient
Rendez-vous est pris sur le parking des grands Montets à 8 heures. Tout le monde est là : Antoine, Aude, Julie, Julien et Benoit, ainsi que Mathieu avec qui on se remet tout juste de 4 jours fantastiques dans les écrins, et m'épaulera dans l'encadrement de la petite bande. Les sacs ont l'air raisonnablement chargés, le matos de loc en bon état, on part donc avec la 3ème benne.
La descente jusqu'au plat du glacier d'Argentières nous permet de rentrer doucement dans le raid, et les sommets mytiques qui nous entourent (Verte, Courtes, Droites, Dolent, Aiguilles d'Argentière et du Chardonnet,...) nous donnent un bel des monstres que nous croiseront ces 6 prochains jours.
C'est l'heure du premier peautage et des premiers conseils. Dans un premier temps on croit être les seuls pour partir pour le col du Chardonnet, mais fallait pas rêver, très vite on compte déjà une quinzaine de personnes dans la combe, et une autre quinzaine un peu avant ou après nous. Alors qu'on est encore sur le plat, un skieur rate la première conversion pour entrer dans la combe du Chardonnet, et glisse jusqu'en bas (une vingtaines de mètres) en sautant un rocher au passage. Son matos est éparpillé partout autour de lui, mais heureusement il est en un seul morceau. Sérieuse alerte. Le verrou d'entrée est effectivement en neige dure et les premières conversions un peu tendues. Je reste légèrement dessous pour assurer le groupe lors de cette entrée en matière. Au dessus l'exposition descend un peu, mais la neige est toujours aussi dure. Finalement on rejoint le plat du glacier du Chardonnet, et le soleil par la même occasion. Le col est en vue, mais il reste encore de chemin pour y arriver. Cette longue première montée est l'occasion de tester les organismes. Benoit est un peu derrière, mais garde un rythme acceptable.
Comme prévu c'est le bouchon pour descendre le Chardonnet. Deux guides Anglais sont au rappel pour faire descendre leurs 10 clients. Je monte 3 mètres plus haut, installe une sangle sur un beau becquet et y fixe ma corde de 30m. Mathieu descend dessus et installe sa corde de 30m sur un deuxième becquet dessous. tous descendent au 8 sans broncher sur les 2*30 mètres, puis je redescend le matos en ski, enlisant au passage un des guidos anglais au rappel :)
On avait dans l'idée de rejoindre la cabane du Trient par la fenêtre du Tour mais les premiers mètres m'en dissuadent. Il est déjà midi passé, trop chaud, trop mou, je m'enfonce jusqu'à la taille. Direction donc la fenêtre de Saleina. Neige aussi molle mais la pente est moindre, et les nombreuses traces facilitent les choses. Mathieu sort à ski, les autres à pied. Benoit a du mal dans cette dernière montée, lorsque je redescend pour voir où il en est, il s'est fait encorder par un guide tchèque (!) qui le monte doucement avec un autre de ses client. Je lui prend son sac et il arrive finalement au col, bien fatigué, la chaleur n'aidant pas.
On repart pour une longue traversée descendante jusque sous la cabane du Trient, puis un dernier peautage de 50 mètres et c'est la fin de cette première journée. Le refuge est à moitié plein, on profite bien de la fin de l'AM, et on fait connaissance avec un groupe de 4 Valaisans et de leur guide, que nous retrouverons tous les jours ou presque.
Jeudi 7 Avril : Cabane de Trient > Col des Ecandies > Champex > Transfert routier jusqu'à Bourg St Pierre > Cabane du Vélan
Le refuge de Valsorey est plein pour ce soir (la gardienne me le confirme au téléphone le matin même). On ira donc dormir en face, à la cabane du Vélan.
Une longue journée en perspective. On part au lever du jour avec une première descente jusqu'au col des Ecandies. La neige est bien dégueu (vieilles traces regelées). La montée au col des Ecandies est courte (50 m) mais assez raide (40°) et un gros rocher dans l'axe de la pente augmente un peu l'exposition. Antoine et Julien se sentent de monter seuls. Mathieu prend les filles sur sa corde, je prend Benoit sur la mienne. Très joli petit col rapidement atteint. La descente du val d'Arpette jusqu'à Champex est difficile. En haut neige dure parfois carton qui casse, dessous border cross où il faut être un peu à l'aise. Benoit est vraiment à la peine, et se fatigue très vite. Il ne tient plus sur ses skis, chutant toutes les 2 minutes. Ça ne sent pas bon pour la suite de l'aventure. Devançant notre demande, il décide d'abandonner le raid à Champex. Sage décision, il n'était visiblement pas prêt, aurait considérablement retardé le groupe et aurait mis sa sécurité en jeu, sans en profiter. Trop juste techniquement et physiquement. Parions qu'il saura rebondir et se préparer convenablement pour le retenter ultérieurement, peut être par Verbier.
Le taxi nous prend donc à Champex à 8h30 et dépose Benoit à la gare d'Orcières et nous monte à Bourg St Pierre, et même au dessus par une petite route à la viabilité incertaine, jusqu'à l'altitude 1790. Le fond du vallon est irrégulièrement enneigé, il est bien plus pratique de prendre le sentier en rive droite à pied. On porte approximativement jusqu'à la passerelle 2154 (350 mètres de portage) dans une ambiance bucolique de début de printemps. L'air est frais, le temps au beau fixe. Au chaussage on rejoint le groupe de Valaisans, puis on les laisse filer pour profiter d'une pause saucisson. On repart et on rejoint les "Grands plans" par la gorge du torrent de Valsorey, qui passe encore mais c'est juste. Au dessus on rejoint la cabane du Vélan par le fil de la moraine. Passages tendus en neige parfois zippante, mais il faut moins chaud et c'est plus aérien que le fond du vallon.
Je retrouve la cabane du Vélan après 8 ans et mon Cham-Zermatt par les italiens avec toujours autant de plaisir. La cabane est hors de la haute route, alors elle est beaucoup moins fréquentée que sa copine d'en face dont elle ne récupère que le "trop plein". Super accueil, on se paie un Rösti monstrueux pour éponger la faim, puis on file à la sieste. La fin de l'AM est moins drôle, on assiste au secours d'un gars qui a fait une chute en parapente au départ de la cabane de Valsorey, avec finalement plus de peur que de mal : seulement 2 cotes cassées, il peut brûler un cierge...
Vendredi 8 Avril : Cabane du Vélan > Plateau du Couloir > Col du Sonadon > Col 2736 > Cabane de Chanrion
Départ tôt, aujourd'hui c'est le plus gros dénivelé du raid, avec 1600 m. Départ 5h45. Mauvais regel nocturne en descendant à la frontale du Vélan, on est au peautage sous Valsorey à 6 heures. Arrrrrrg je fais le boulet, j'ai oublié mon piolet à la cabane. Je laisse donc filer Mathieu avec la petite bande et je me fais une montée/descente éclair pour récupérer ce #'%* de piolet. Malgré un final un peu tendu sur des parties assez raides sans couteaux (mon sac est resté en bas), je n'ai que 30 minutes de retard au peautage.
La montée sous Valsorey est encore tendue (trace regelée trop raide, obligé d'en sortir), je les rejoins finalement au niveau du refuge. Les groupes qui ont dormi à Valsorey sont partis en même temps que nous, il sont déjà au milieu du couloir du plateau du couloir (faut suivre au fond de la salle ), suivis de près par 2 Espagnols Madrilènes dont nous ferons la connaissance plus tard. On met les skis sur le dos vers 3250. Les derniers mètres sont plus raides. La neige est dure mais les traces sont bonnes. Tout le monde est bien concentré et passe sans faiblir cette partie technique de l'itinéraire. La corde est restée au fond du sac.
De l'autre coté la neige est toujours aussi médiocre. On franchit le col du Sonadon, et on rattrape les Espagnols qui ont fait un mauvais choix d'orientation et se retrouvent NE dans une neige croutée dégueu alors qu'on a choisi le SE, où la neige a déjà plus chauffé la veille et est donc plus dure en ce début de matinée. On continue notre descente en contournant la monstrueuse barrière de séracs sous la Grande Tête de By.
Court peautage pour éviter la partie basse du glacier du Mont Durand, puis descente pas si mauvaise sous "Grand Charmotane". Au bas du Vallon, on rejoint une bonne partie des skieurs qui ont dormi à Valsorey. Pendant que le groupe fait une pause en pleine câgne avant le dernier peautage, on part de suite avec Mathieu et on se finit dans la courte mais chaude montée sur Chanrion. Chanrion, c'est le refuge bucolique du raid, posé dans un paisible vallon. Soirée sympa où l'on fait la connaissance des deux espagnols, Alejandro et Joaquim. On retrouve aussi le guide Valaisan et ses clients.
Samedi 9 Avril : Cabane de Chanrion > Les Portons > Col N des Portons > Glacier du Brenay > Pigne d'Arolla > Cabane des Vignettes
Encore une belle journée qui s'annonce. La directe par les séracs du Brenay ne semble pas passer, pas question de remonter les trop monotones glaciers de la Serpentine ou d'Otemma, ce sera donc les Portons, sur la carte ça a l'air bien sympa. Départ vers 6 heures de Chanrion, quelques minutes de portage pour passer l'épaule W issue de la pointe d'Otemma, ensuite c'est une remontée tranquille entrecoupée de quelques traversées pour rejoindre la combe des Portons où la pente s'excite enfin un peu. On suit d'1/2 heure un groupe de 12 italiens partis de Chanrion comme nous. Les couteaux restent au fond du sac. Le col 3387 est enfin là, on fait une petite pause puis on repart en gardant les peaux (mauvais choix) pour contourner le dernier éperon avant le col N des Portons. Les Italiens sont à la manœuvre au col, ça gueule de tous les cotés !!
Vu l'orientation et l'heure (10 heures), la pente de neige sous la partie rocheuse est déjà bien molle. Au dessus c'est du II sur 30 mètres. Je monte en tête et assure Antoine et Julien au 1/2 cab, tandis que Mathieu monte en corde tendue avec les filles. Très joli petit col, a recommander.
Courte descente pour rejoindre le glacier du Brenay où l'on en profite pour faire des exercices de brochage, puis longue remontée jusqu'au Pigne, où l'altitude se fait bien sentir. Il fait toujours aussi beau, sans vent. On y passe un bon moment avant de rejoindre le refuge des Vignettes 650 mètres plus bas, posé sur son arête. Neige de printemps, un peu molle à l'heure où nous descendons. Le refuge des Vignettes, c'est l'usine. Peut être que c'est parce que nous y sommes arrivée la samedi à l'heure du déjeuner, mais c'était bien bof bof. Comme on a une petite faim, on tente de commander quelques rösties, mais on est coupés dans notre élan, 14h02 c'est plus l'heure, dépassée de 2 minutes...
Le soir, branle bas de combat. Deux randonneurs en provenance de Chanrion ne sont pas arrivés au refuge. Un hélico est déjà à l’œuvre et fait des rondes dans la nuit et éclairant la montagne. Il doit passer prendre le gardien des Vignettes, secouriste de son deuxième métier. Après s'être renseignés, il s'agirait de nos deux espagnols. La veille ils nous avaient dit que la cabane des vignettes étaient pleine, et donc qu'ils comptaient remonter Otemma, passer le col de l’Évêque et dormir au Bouquetins. Le matin, le gardien de Chanrion a eu celui des Vignettes au téléphone, il y avait finalement de la place et les Espagnols auraient dit qu'il allaient finalement y dormir, d’où l'inquiétude des secours. L'hélico est finalement passé aux Bouquetins, nos deux amis y dormaient paisiblement !!! Ils étaient restés sur leur première idée et n'avaient pas pu joindre le refuge pour prévenir...
Dimanche 10 Avril : Cabane des Vignettes > Col de l’Évêque > Col du Mont Brûlé > Col des Bouquetins > Tête Blanche > Cabane de Bertol
Le temps est toujours au beau fixe, et on a toujours notre jour de rab. Autant en profiter encore un peu, ce soir nous irons donc dormir à la cabane de Bertol. Cependant pas question de passer "par le bas" (Glacier d'Arolla > Glacier de Bertol), c'est plus sympa par le haut. On décide donc de passer par le col des Bouquetins, qui d'après nos infos passe bien et a été tracé 3 jours plus tôt. Orienté SE il chauffe fort, il faut absolument y être très tôt. Départ donc 5h15 des Vignettes, après une courte descente on attaque la longue montée à la frontale du col de l’Évêque, en compagnie du groupe de Valaisans. Puis courte descente avec quelques passages encore en neige froide sous la Vierge, puis on repeaute pour le col du Mt brûlé que l'on franchira skis sur le dos (100m à 40°, bonnes marches). Adieu à nos amis Valaisans puis descente vers le col des Bouquetins, qui ne fait pas vraiment rigoler quand on est dessous. On hésite un moment à comment l'attaquer : de face (plus raide mais moins expo), ou en traversée (moins raide mais plus expo). Finalement on choisit l'option moins raide, et on sort les cordes. Mathieu assure Aude et Julie, je me charge de Julien et Antoine. On y est assez tôt, la neige est encore bien dure.
Au col, vu qu'il est encore tôt, on fait un crochet sur tête Blanche puis on descend sur Bertol, le refuge perché sur son arête, accessible par des échelles bien impressionnantes. Refuge sympa malgré les toilettes, dont l'odeur pestilentielle vous attaque les vêtements et vous suit pendant de longues minutes. Au refuge on retrouve nos deux Espagnols, bien amusés par l'épisode de l'hélico !
Lundi 11 Avril : Cabane de Bertol > Tête blanche > Tête de Valpelline > Zermatt
Dernier jour du raid, toujours aussi beau. Ce matin peu de denivelé. On remonte au col de la tête blanche puis à la tête de Valpelline, d’où la vue sur la dent d'Hérens et sur le Cervin est saisissante. Séquence photo puis c'est la longue descente vers zermatt, en bonnes conditions de neige de printemps sur les contrepentes bien exposées. ça descend jusqu'au point 2189 sans déchausser, puis court portage par la route (15 minutes) jusqu'à l'auberge 2199 où l'on rejoint les pistes qui descendent jusqu'à Zermatt (sur les 300 derniers mètres de dénivelé, c'est une piste à canon au milieu des prairies verdoyantes !). A Zermatt, on retrouve nos amis Espagnols. Grosse mousse, train jusqu'à Tasch, puis taxi jusqu'à Argentières.
Un bien beau raid dans de très bonnes conditions, même si la neige ne faisait pas rêver. Une fine équipe de pseudo débutants azvec une sacrée caisse, et un sacré moral. ça n'a jamais bronché, ni dans l'effort, ni dans les passages techniques. Bravo à eux, et merci à Mathieu pour la compagnie, 10 jours à sentir mes chaussettes pourries, c'était pas gagné !!