Départ : Prabert (1220 m)
Topo associé : Ferrouillet, Pointe Centrale Nord, couloir Ouest
Sommet associé : Ferrouillet, Pointe Centrale Nord (2571 m)
Orientation : W
Dénivelé : 1320 m.
Ski : 5.4
Sortie du dimanche 8 avril 2018
Conditions nivologiques, accès & météo
ciel voiléEtat de la route :
sèche avec de jolies dessins en pierres
Altitude du parking : 1080
Altitude de chaussage (montée) : 1050, presque parking
Altitude de déchaussage (descente) : 1050, presque parking
Activité avalancheuse observée : néant
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
---|---|---|---|---|---|---|
couloir | W | 12 | Vitrifiée |
Skiabilité : 🤢 Mauvaise
Compte rendu
Avec Boris
Il est de ces projets dont la seule idée nous tient éveillés.
Cette jolie fille à qui on ne parvient pas à déclarer sa flamme, cette nouvelle paire de ski qu’on rêve d’acheter, ce concert de Francis Lalanne qu’on attend depuis des mois, et puis cette pente, repérée au hasard d’une balade en famille, que l’on scrute, que l’on surveille, qui nous nargue.
Boris avait cette idée fixe, Boris a souvent des idées fixes, au Ferrouillet.
Il m’en avait parlé, au hasard de quelques virages en Belledonne. Moins attaché que lui à la pente en question, pente que je n’avais pas clairement identifiée dans un premier temps, l’idée existait, sans m’obséder.
Et puis il est allé essayer tout seul sans succès. 10 virages peu encourageants, et demi tour.
Alors l’envie était allé croissante.
0 l’image du regard de la jolie fille, de la ristourne sur la paire de ski tant désirée, du petit « rentre chez toi » entre deux pubs sur Nostalgie, et l’envie reprend de plus belle.
A la faveur d’un hiver riche en neige qui nous a tous permis de skier des trucs rares, comme la Dent de Crolles en Avril, des coupes du monde de fond sur neige naturelle, ou encore des JO sans Poutine, la pente en question s’est progressivement remplie.
Et c’est ici que tout la subtilité de la pente raide semble prendre son sens. C’est ici que le jeu se dessine. C’est ici que le phénomène de mode s’oublie pour laisser place à un truc bien plus sérieux : l’idée fixe de Boris.
Samedi dernier donc, Première tentative.
Levé tardif, nous sommes feignants après toute une saison à skier en station dans 80 de poudre.
On remonte dans le couloir Sud du Ferrouillet, ambiance très humide. Au milieu du couloir un gars fait la trace, mais la neige est si trempée que nous brassons dans la soupe. Arrivés à mi-pente, il pleut. Arrivés à la sortie du couloir Sud, il pleut toujours et les nuages noirs sur le Vercors et la Chartreuse nous incitent à trancher sur la reflexion suivante : c’est inconfortable ou dangereux ?
Il est 10h, on dégage.
Arrivés au parking, il fait grand beau, on est dégoutés.
Rideau.
Samedi soir, Boris : « on retente demain? la météo à l’air cool… » (je vous ai déjà parlé des idées fixes de Boris?)
Dimanche matin, même heure, même matos, même motivation, même départ.
Dimanche 11h, entrée de la pente visée, au bouleau !
Tout est comme la veille, à une variable près : toute l’humidité de la veille a prit froid, c’est … dur. Très dur.
Le bon coté, rien ne va trop bouger avant l’arrivée du soleil dans la pente à 16h, on a le temps.
Le moins bon coté, ça va être un peu dur, et ça ne va pas trop bouger avant l’arrivée du soleil à 16h, tant pis.
Les deux premiers virages sont top, la pente commence gentillement, le grip est encore bon, on raconte encore des conneries.
Ensuite, la pente s’accentue, l’étroitesse de la première étroiture aussi (la répétition hyperbolique est ici volontaire), et étrangement elle semble s’accentuer au même rythme que notre concentration.
Finalement on vire les skis, on chausse les crampons, et on descend de 50m pour franchir le passage goulotté et bien peu skiant.
La face plonge et nous voilà enfin dans la pente principale. La neige est toujours aussi dure et à présent une belle gouttière défigure notre pente.
Peu importe, on est là pour skier et nous voilà de retour sur les skis.
Quelques virages s’enchainent, probablement les plus précis, concentrés et psychologiques que nous ayons pu rencontrer.
Quelques pas sur la glace aussi, piolet ancré, flirtant entre falaise et goulotte charriant déjà neige et glace, «t’es pas bien là? ».
Arrivés au dessus de la dernière étroiture, deux choix :
1. Rester à proximité de la gouttière où une boule de pétanque vient de faire 3 rebonds avant de filer dans le prochain raidillon à franchir.
2. traverser en rive droite pour se mettre à l’abri et taper directement les rappels.
Le choix est vite fait, les deux rappels aussi, et nous voilà en train de nous laisser glisser dans la neige ramollie par le soleil qui arrive du Sud, au pied de la face.
La ligne est logique, les gars sont contents, reste à faire trois courbes et deux roulades dans la neige qui colle, et nous sommes de retour au parking, le sourire béat.
« c’est idiot, on aurait dû venir pleine poudre » On se le dit, vous vous le dites, mais non, ce n’est pas si simple.
Plus tôt en hiver, pour avoir de la neige froide ? le couloir n’est jamais assez rempli.
Plus proche d’une chute de neige ? le couloir et les pentes suspendues se purgent, ça pue.
Se contenter de le remonter avec deux piolets ? Oui, mais ce n’est plus du ski.
Donc non, c’est cet hiver qu’il fallait venir, pour le remplissage, mais cet hiver, la neige n’est pas restée froide, et nous avions une idée fixe.
Bien plus d'images, bien plus belles, ici : du4photo.blogspot.fr/2018/04/voyage-suspendu-au-ferrouillet.html