Départ : Täsch (1450 m)
Topo associé : Alphubel, depuis Täschhütte
Sommet associé : Alphubel (4206 m)
Orientation : E
Dénivelé : 6500 m.
Ski : 3.1
Sortie du dimanche 5 mai 2013
ela, casscroot, damichou, David Z, Jeroen, nat
Conditions nivologiques, accès & météo
Perturbé le 1er mai. 10 cm de fraiche. Grand beau le 2 mai, orageux le 3 mais (15 cm de fraiche), grand beau le 4 mai, beau avec mer de nuage se couvrant dans la journée le 5 mai. Etat de la route :
RAS
Altitude du parking :
Saas-Fee. Parking obligatoire à l'entrée de la station, puis traversée du village à pied ou en taxki électrique.neige transo regelée dès 2700m, poudreuse dès 3400m.
Altitude de chaussage (montée) : 1800m
Altitude de déchaussage (descente) : 1800 m
Activité avalancheuse observée : Plaques déclenchées à l'explosif le jeudi 2 mai au matin. Puis chutes de neiges sans activité avalancheuse visible en altitude.
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu (par ela)
Saas-Fee -> Britannia -> Fluchthorn -> Britannia (-> but météo-> Britannia ) -> Epaule du Rimpfischnorn -> Täshhütte -> Alphübel-> Saas-Fee
Les bons souvenirs de l’aventure au Grand Paradis début avril 2012, puis l’émotion et l’élan créés par le film « Nat’n co » à l’automne dernier nous avaient vivement motivés à monter un « gros » projet de tractage en altitude. Quoi de mieux que le Valais pour enchainer plusieurs sommets en haute altitude ? Les itinéraires présentent des pentes compatibles avec les tractages (moins de 40°), l’enneigement est quasi-garanti depuis la vallée, nous évitant un portage impossible avec Nat et son bob-ski…et les paysages sont magnifiques.
L’idée était donc dans l’air, mais au début de l’automne Nat n’avait pas la grande forme : des douleurs au dos l’obligent à consulter un chirurgien, et la perspective d’une opération se dessine. On met donc le projet en pause…
Mi-novembre : changement de programme. Nat va mieux, opération annulée…
- et… tu as envie de faire des tractages cette année ?
- ben oui, carrément…
- ah… et alors, le projet de raid en Suisse, on le lance ?
- ben oui, carrément.
Branlebas de combat !
Nous profitons de la projection du film aux Rencontres fin novembre pour commencer à démarcher les partenaires potentiels. Certains nous accompagneront effectivement dans nos aventures, au travers d’aides en dotation matérielle, financière, ou au travers de lots pour la tombola. Ces aides nous seront précieuses pour l’organisation du raid… mais quel boulot de démarcher et relancer ces différents partenaires. Nous essuyons quelques échecs, il faut dire que ce n’est pas trop notre « métier » de démarcher des entreprises, mais avec les mois d’hiver qui passent, un par un, les contacts pris en novembre se concrétisent.
Le printemps arrive, et avec l’enneigement exceptionnel qui se confirme, nous avons maintenant l’assurance d’avoir de la neige au bas des pistes de Saas-Fee. Les détails de l’itinéraire sont affinés : pour mettre toutes les chances de notre coté et faire face à des conditions nivo-météo imprévisibles, nous commenceront par un raid en étoile avec 3 nuits à la cabane de Britannia, d’où nous pourrons choisir les objectifs au jour le jour en fonction des conditions nivo et météo, et surtout en fonction de la fraicheur du groupe. Puis nous basculerons les 2 derniers jours sur la cabane de Täsch en boucle, cette dernière étant optionnelle.
Mi-avril, une très bonne nouvelle arrive : les sections Üto et Genève du CAS, gérantes des refuges visés, saluent notre projet en nous offrant les nuitées. C’est donc un nouveau partenaire, et pas n’importe lequel : 100 nuitées offertes, c’est un gros budget économisé !! Merci à eux !
Mercredi 1er mai, 8h30, parc Mistral : nous nous retrouvons à 25, le groupe a été formé à partir des tracteurs les plus habitués.
Un car est là, affrété pour l’occasion… c’est la grande classe! Autant de fatigue et de stress économisés. Beaucoup d'entre nous ont préparé le raid en passant plusieurs nuit en altitude… ce raid, on y croit !
Arrivée à Saas-Fee en début d’après midi, une partie du groupe profite de la benne de Felskinn pour monter les vivres et le matériel du raid, alors qu’un plus petit nombre (des irréductibles !) font l’approche à ski. Tout le monde se retrouve à Britannia, pour une première nuit en altitude. Le temps est orageux le soir, avec quelques chutes de neige.
Jeudi 2 mai. Le temps s’est dégagé dans la nuit. Aujourd’hui, c’est Fluchthorn. Nous partons donc pour notre premier objectif qui a l’avantage de présenter une pente bien enneigée, et pas trop raide, avec peu de risques nivo. La dénivellée est limitée (sommet à 3795 m). Mais l’altitude se fait vite sentir… Superbe ambiance au sommet, redescente 5*. Ce sera suffisant pour ce jour ! Nous profitons de l’après-midi pour donner un coup de main à l’aide-gardienne, qui doit ravitailler le refuge par chenillette. Avec en mémoire les portages hélico des refuges français, nous nous attendions à une ou deux tonnes de vivres à transporter dans la cave du refuge. En fait, nous nous retrouvons devant 8 palettes de bouteilles en tout genre (eau, bière, soda) à transporter du téléphérique aux ratracs, puis des ratracs au refuge. Plusieurs tonnes de bouteilles transportées en quelques heures… les bras ont bien chauffé! Repos.
Vendredi 3 mai. La météo laisse espérer une courte fenêtre en début de matinée, mais l’orage est annoncé dès midi. Nous partons pour le Strahlhorn sans vraiment y croire. Vers 3400 m, nous trouvons le brouillard et la neige. Nat insiste, heureux de trouver des conditions austères aux-quelles il n’a pas souvent l’occasion de se confronter. Vers 3600m, c’est le vent et l’orage qui s’invitent plus tôt que prévu. Demi-tour. Après-midi au refuge, entre soda, tarot, et sieste. Aujourd’hui, c’était « Buthorn ».
Samedi 4 mai. La météo s’annonce excellente jusqu’à dimanche après-midi. Nous nous levons à 4h, pour un départ à 5h en destination de l’Epaule du Rimpfischnorn (4001m). Nous traversons l ‘Allalinpass, pour nous diriger vers la combe à l’ombre qui permet d’accéder à l’antécime du Rimpfischhorn. La pente est un peu plus raide, et les tracteurs les plus fatigués sont relayés par les plus en forme. Longue pause au sommet, le temps de profiter de l’émotion toujours palpable lorsque l’objectif est atteint, mais aussi de se restaurer un peu et de laisser les équipes « d’images » (Nico H. et Béa F. en tête) prendre de l’avance et se positionner pour filmer la descente. Neige poudreuse exceptionnelle. Vers 3400 m d’altitude, nous attaquons la pente en direction du nord et remontons 150 m pour basculer dans le vallon qui dessert la cabane de Tasch. La cabane est atteinte en début d’après midi.
Nous avons eu le temps d’observer l’objectif du lendemain : l’Alphubel, face imposante et dénivelé respectable en perspective. Avec la fatigue qui s’accumule, le doute s’installe un peu… Pic-nique-dodo-tarot-repas-dodo.
Dimanche 5 mai. Dès le départ la pente est marquée. Pas question de « griller » les tracteurs moins affutés, c’est l’équipe la plus en forme qui part sur la corde, et avec un rythme modéré pour garder des forces le plus longtemps possible. Le regel est excellent, et permet un cramponnage sans trop de difficulté. Nous repassons à ski vers 3300m. Le groupe s’étire un peu, mais tout le monde reste à vue. L’Alphubeljoch est atteint sans trop de difficulté. On a gardé des forces… tant mieux, il le fallait ! Devant nous, c’est maintenant la pente finale de l’Alphubel qui se dévoile. Avec deux imposants séracs de part et d’autre de l’itinéraire, et une pente dont l’inclinaison nous fait définitivement douter. François qui connaît bien les lieux est plutôt rassurant… n’empêche, on ne rigole plus du tout. Quelques regards s’échangent… En temps « normal », sans le traineau, le sommet nous paraitrait « facile », mais là avec le poids de l’attelage et les conversions impossibles, ça s’annonce difficile. Nous entamons une longue traversée en direction du pied de la pente finale. Le premier sérac est contourné « sans trainer ». Nous attaquons donc la dernière pente par quelques conversions aussi délicates qu’inefficaces. Il faut se rendre à l’évidence, le sommet sera atteint à pied, ou ne sera pas atteint du tout. On met les skis sur le sac, une paire de traceurs nous ouvrent le chemin.
Lentement.
Quelques cris d’encouragements s’échappent de la cordée… les cuisses chauffent vite, le souffle se raccourcit…la pente atteint 37° (dixit le guide de la troupe). 20 mètre, pause…20 mètres, nouvelle pause… on n’avance pas bien vite. Mais on avance. La tension est palpable. Avec l’effort, les nerfs sont a vifs. La trace n’est pas parfaitement linéaire, les tracteurs à l’arrière sortent des traces des premiers, la neige est épaisse, on brasse… on coule… on s’arrête… on n’en peu plus…on repart…
on s’épuise…
Devant, au-delà des premiers traceurs, on aperçoit la pente qui se couche enfin. Finalement, on doit bien pouvoir y arriver à ce sommet !!! Quelques nouveaux efforts nous permettent de gagner une portion moins raide où nous rechaussons les skis. Le sommet est atteint ! Natnco à 4200m, c’est un nouveau record !
Un sommet qui s’est mérité ! L’émotion est à la hauteur de la difficulté de la matinée. 1500 m de dénivelle positif, entre 2700m et 4200m, avalés en 5 heures. Pas pire comme timing ! Longue pause au sommet, embrassades, moments inoubliables… On est nombreux a avoir les larmes aux yeux… punaise, j’aurai pas cru qu’on pouvait vivre ça !
Ce qui importe dans la vie comme dans la montagne, ce n’est peut-être pas l’altitude du sommet ou la vitesse à laquelle à y parvient, mais plutot la beauté du chemin et les amis avec lesquels on le parcours. Nous avons choisit de gravir ces sommets valaisans avec Nathanael, ce fut donc plus long, plus difficile, plus lent qu'à l'habitude… chacun aura du prendre un peu sur lui pour conformer ses aspirations à celles du groupe, perdre un peu de chacun pour réussir une aventure obligatoirement collective.
Merci à François, qui a « joué » le guide avec une bande de gaulois parfois un peu trop expérimentés pour se plier docilement à la discipline nécessaire à l’exercice. Merci à Damien et Matt D. pour l’itinéraire, à David pour le démarchage des boites, pour le bus et la trésorerie, merci à Nico H et Nico G pour les vidéos, à Béa pour les photos… Merci à ceux qui étaient devant pour faire chauffer les cuisses, merci à ceux qui étaient derrières pour accompagner et soutenir le groupe, et qui se sont tout autant donné physiquement. Merci aux filles qui n’ont pas démérité dans l’effort.
Merci à Nat. Of course...
Et bravo à Cyril, journaliste embarqué au dernier moment dans l’aventure et qui a su se fondre parfaitement dans le groupe pour préparer un article long, qu’on espère voir un jour dans Revue XXI (ou ailleurs). Nul doute que son regard extérieur sur notre petit groupe de farfelus sera éclairant et enrichissant.
"- alors Nat, la retraite des tractages, c'est pour l'an prochain?
- ah non, certainement pas!
- ça tombe bien, nous non plus!"
Voir aussi
- Compte rendu sur C2C