Départ : Col du Simplon (2010 m)
Topo associé : Monte Leone, Arête Sud en A-R
Sommet associé : Monte Leone (3553 m)
Orientation : S
Dénivelé : 4420 m.
Ski : 3.1
Sortie du mardi 2 avril 2019
Conditions nivologiques, accès & météo
J1, J2, J3 : Beau temps sans nuages - toujours plus ou moins de bise - J2 plus chaud dans les orientations S
J4 : arrivée d'une perturbation, foehnEtat de la route : RAS
Altitude du parking :
J1 - J3 et J4 : 1997m (Hospice)
J2 : 1800m (Chlusmatte)
Altitude de chaussage (montée) : pkg
Altitude de déchaussage (descente) : pkg
Activité avalancheuse observée : RAS : les génies de la montagne n'ont pas de marteau piqueur
Dans l'ensemble neige dure, quelques sections en poudre tassée, de bonnes sections en neige transformée. Entièrement en neige transformée en J3
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
Avec Patrick
J1 : Monte Leone (arête S en A/R)- J2 : Galehorn (par le Ritzitälli en A/R)- J3 : Straffulgrat (en montant et en redescendant sur Bielti)- J4: Spitzhorli (de l'Hospice du Simplon en A/R
Vous avez cru que j'allais vous livrer les turpitudes de ma vie privée ? Faut pas rêver.
Non, ce jour-là, j'ai juste quitté un massif doté d'un Monastère fondé par St Bruno pour un autre doté d'un Hospice géré par les chanoines de St Bernard. En fait, pour être exacte, je devrais dire un «entre massifs » puisque le Simplon sépare, si j'en crois le guide du CAS (mais j'ai appris à ne pas croire tout ce que disent ces petits farceurs), les Alpes Pennines et les Alpes Lépontiennes.
Car c'était reparti, avec l'ami Patrick. Il y a les fidèles à leur montagne, à leur massif fétiche ou domiciliaire. Un peu comme celui qui reste fidèle à sa femme - et peut-être à quelques voisines - par amour, par commodité, par peur de l'inconnu (e) ? Qui sait ? Et puis, il y a le donjuanisme des montagnes. Je peux critiquer : je pratique. Patrick aussi. Toujours un autre sommet, un autre versant et, si possible, un autre massif. Cette soif de nouveauté : irréductible ! Malgré tout ; quelquefois retour à une course qui a laissé de trop bons souvenirs (mais justement là, faudrait pas retourner!) ou qui se trouve encore toujours juste à côté. Mais ces considérations nous mènent trop loin de notre petit séjour au Simplon.
J1 – Monte Leone (3553m) – D+ 1750m – cotation 3.1 : le plat de résistance (ou plutôt, le plat d'endurance!)
IL est là, impassible, léonin (lépontien serait plus exact mais il me plait de l'imaginer léonin). On ne le voit pas depuis la route, mais on sait qu'IL est là. Autour de lui, ses lionnes préférées Hübschhorn, Breithorn, Mäderhorn, lui feraient presque de l'ombre tant elles ont fière allure. Rien n'a l'air de l'émouvoir au fond de son arène immense. Quoique : il vaut sans doute mieux être ailleurs quand il secoue sa crinière d'argent. Il en a vu passer du monde à ses pieds : des voyageurs, des colporteurs, des bandits, des soldats, des pélerins et même un empereur ! Et maintenant, ce sont plutôt des cyclistes, des touristes, des alpinistes, des skieurs. Ceux-ci l'agacent parfois. Alors il rugit et eux se calment. Quand c'est lui qui se calme, ce sont eux qui rugissent de plaisir.
Notre jour de Monte Leone sera un jour béni. Pas un nuage dans le ciel, une petite bise qui empêche toute transpiration, un peu de compagnie cosmopolite pour ne pas se sentir trop seuls dans ces étendues sans fin et avoir la consolation de constater quelques autres souffrances que les siennes . Mais c'est une souffrance qui n'en est pas une puisqu'on sait quel plaisir s'en suivra.
Quand même quelques surprises. D'abord cettte petite traversée descendante où on serre, avouons-le, un peu les fesses avec cette neige béton. Ensuite, le guide « Alpes valaisanes » du CAS écrit : « gagner l'arête à pied, puis en 20mn de cheminement dans les rochers faciles de l'arête S, le sommet ». Gravir 230m d'arête en neige, rochers et corniches en 20mn me paraît quelque peu présomptueux. Et pour finir, les topos disent 1550m de D+ mais c'est oublier qu'à l'heure actuelle, il faut descendre au bas mot 100m du Breithornpass sur l'Alpjergletscher pour aller chercher loin loin le mini couloir qui donne accès à l'arête. Mais tout cela ne fait que pimenter la journée. Au sommet, la joie est intense, le frisson de la vue de la face N authentique et la perspective de la descente sans aucun doute toujours béton un peu stressante. Mais tout se passe bien : la preuve, je suis là pour vous le raconter.
J2 – Galehorn (2797m) – D+ 1050m – cotation 3.1 : journée de récupération
Ben oui, je le reconnais humblement : contrairement à mon compagnon, frais comme un gardon, j'étais un peu entamée le lendemain. Pourtant, la journée s'annonçait merveilleuse. En fait, on n'était pas partis pour le Galehorn mais pour le Magehorn mais dans toutes ces histoires de tube digestif (Galehorn= Pointe de la Bile/Magehorn= Pointe de l'Estomac), nos spatules ont un peu perdu le nord. Mais il n'y avait pas de quoi se faire de la bile : monter au Galehorn par la voie traditionnellement de descente donne l'occasion de transpirer un bon coup ce qui change du grelottement devenu notre seconde nature. Et aussi, ça permet de s'entrainer à esquiver le déboulement de la cohorte dominicale d'italiens qui, eux, faisaient le sommet comme il se doit en boucle. N'empêche : au sommet nous avions tous la même vue époustouflante : au N l'Aletschhorn, au S le Rauthorn et le Böshorn, avant garde du presque 4000 Fletschhorn. Et la descente par le Ritzitälli (comprendre approximativement «le vallon de la rayure») était somptueuse de par sa ligne, un peu moins par les traces de tous les passages après plus de 3 semaines d'anticyclone.
De retour à l'Hospice, j'ai interrogé l'un des chanoines/barman sur cette toponymie digestive pour le moins curieuse. Personne ne lui avait encore fait la remarque et il ne se l'était pas fait tout seul non plus... Il a quand même reconnu que le valaisan n'était pas connu pour avoir une imagination débordante. Ainsi, me fit-il observer en riant, nous avons plusieurs « Breithorn », oxymore parfait puisqu'une pointe est rarement large, nous avons aussi le « Chaltwassergletscher » c.a.d le glacier à eau froide et où a-t-on déjà vu un glacier à eau chaude ? Et il y a même un Zwischenbergtälli c.à.d. « un vallon entre les montagnes »....Quelle belle journée lumineuse et instructive !
J 3 : Straffulgrat - ou Straffelgrat, les orthographes diffèrent – (2633m) – D+ 850m – cotation 2.3 : journée de récupération de la récupération
Après ce Galehorn où il a quand même fallu un peu s'employer, j'exigeais quelque chose de court. Ce fut parfait. Très beau et je pèse mes mots, sous l'oeil d'un couple de gypaètes pour ajouter du merveilleux. Par une pente soutenue, on arrive à une antécime S à 2500m env et on peut suivre la crête (ce que nous avons fait à pied jusqu'au sommet W à 2633m), traversée qui offre une vue panoramique de 1er ordre et qui nous a donné l'idée de la course pour J4. Quant à la descente S sur le hameau de Bielti, rectiligne, sans l'ombre de l'ombre d'une traversée, dans une neige de printemps revenue à point, elle n'eut que l'inconvénient d'être trop courte. De loin, qualitativement, la meilleure descente du séjour.
J 4 : Spitzhorli (2737m) – D+ 770m – cotation 1.2 : journée de sauvetage de la fin du séjour avant l'arrivée de la perturbation.
Comme vous le voyez, jour après jour, la montée en charge des efforts fournis n'est pas tout à fait conforme à ce qu'on attendrait de deux randonneurs zélés. Tant pis : l'avantage, c'est qu'on rentre parfaitement reposés.
Le vallon des Rossusee avec, au bout, le point culminant du Spitzhorli – qui, malgré son nom, n'a absolument rien de pointu – repéré la veille, faisait tout à fait l'affaire pour pouvoir être dans l'escarcelle avant que n'arrivent du sud les nuages amenés par le foehn. Et ce fut ainsi dans une ambiance feutrée de brumes divaguantes, de chocards en nuées, de géants valaisans et oberlandois aux contours tamisés, une course qui ne fut pas course mais plutôt marche méditative. Une longue traversée, peu de dénivellation, un peu de distance sur un immense plateau : moments propices à la rêverie mélancolique d'une fin de partie.
Merci à Patrick pour sa gentillesse, son humeur égale et son infinie patience.
Hébergements :
3 nuits à l'Hospice du Simplon : excellent accueil, personnel chaleureux, très propre ; par contre, pour la restauration, comment dire ? Adapté à quelqu'un qui souhaite commencer un jeûne ou une session de mortifications. Aux repas, difficile de savoir si on était à l'Hospice ou à l'hospice.
1 nuit à l'Hôtel Restaurant Post (datant de Napoléon!) à Simplon Dorf : parfait aussi bien pour l'accueil que pour la gastronomie – à recommander