Sous l'oeil du Corbeau, le 28.04.16 par taramont

Massif : Lauzière - Cheval Noir
Départ : Le Planet (route de l'Ebaudiaz) (1314 m)

Topo associé : Dent du Corbeau, Versant Nord-ouest

Sommet associé : Dent du Corbeau (2286 m)

Orientation : NW

Dénivelé : 930 m.
Ski : 2.2

Sortie du jeudi 28 avril 2016

taramont

Conditions nivologiques, accès & météo

grand beau avec quelques cumulus n'ajoutant que du charme à un ciel d'azur - température fraîche mais pas de vent
Etat de la route : pratiquement plus rien de la neige récente Altitude du parking : 1370m (éboulement en cours de réparation peu avant l'épingle à cheveu 1400m)
Altitude de chaussage (montée) : 1450m
Altitude de déchaussage (descente) : 1600m puis encore quelques belles possibilités de rechaussage jusqu'à 1450m sur la route de l'Ebaudiaz

Activité avalancheuse observée : RAS au moment de la course mais p. ex dans la pente N de la Tuile, fine plaque partie pratiquement du haut il y a peu de temps : la dernière chute de neige n'adhère pas à la sous-couche au voisinage des crêtes et des rochers.

Skiabilité : 😄 Excellente

Compte rendu

à peu près identique au topo sauf une erreur au départ
Selon la Bible tchouktche, c'est le Corbeau qui créa la toundra, les lacs, les rivières, les ruisseaux, les collines, les montagnes et les rochers ; je le soupçonne aussi d'avoir créé la Lauzière, ses splendeurs et ses pièges, et de nous avoir suivi du coin de l'oeil aujourd'hui avec un petit air narquois et une dent prête à nous croquer. Car si, en Sibérie, les corbeaux ont des pouvoirs magiques, en Lauzière ils ont des dents ! Ah ces savoyards, des farceurs vous dis-je.

Nous voici donc parties, Nadine et moi, à l'heure de tous les possibles, sur la looongue route de l'Ebaudiaz. A 1370m, terminus, la « chaussée » s'est effondrée.
Le bitume, très vite, n'a plus l'heur de nous plaire. Et si nous prenions un petit raccourci ? Il est dit quelque part qu'on peut couper les lacets de la route. « Mais çà c'est plus haut » ricane le corbeau. Or, faute d'avoir des pouvoirs magiques nous aussi, on ne l'entend pas. Rapidement, on croit pouvoir chausser. On peut, si on aime, je ne dirais pas les parcours sangliers mais, plus judicieusement aujourd'hui, les parcours laies. Au sol, un mélange intéressant de neige gelée masquée par 5cm de poudre, des branchages, des pommes de pin, des cailloux. On finit par sortir du taillis. On devine la combe venant de l'Ebaudiaz mais pas comment y parvenir. A gauche, sans issue, à droite impasse. Mais il reste devant nous un mur de neige d'une centaine de mètres TRES pentu. Après quelques invocations à ND des Millières qui n'en revient pas de ne pas être définitivement oubliée, on met les couteaux, le but étant d'avancer et non pas de ripper à chaque pas. Au bout d'un moment, la jambe n'arrive plus à se lever suffisamment pour la conversion : on met les crampons et skis sur le sac. Alors là, çà va mieux et on arrive sur une crête qui, au prix d'une petite redescente nous permet enfin de prendre pied dans le magnifique vallon à environ 1800m. Mêlant son croassement à l'appel du coucou, le Corbeau nous indique qu'on est sur la bonne voie. On peut aussi dire, sur la belle voie car c'est un enchantement que de voguer sur ces vagues immaculées et intouchées surplombant la verte vallée. Au loin, le lac d'Annecy miroite. Miroitent aussi des eaux en train de se libérer et s'y mire la Dent de notre ami. A un petit collu, il faut descendre quelque peu vers la dépression sous le col de Charvan et au pied de la Tuile. Au col de Charvan, on découvre le versant SE que remontent quelques personnes. Mais pour nous, hélas plus assez de temps pour achever la course. On se contente de remonter l'arête en crampons jusqu'à 2200m au pied du ressaut terminal. Le Corbeau nous lance un croassement de dépit. T'en fais pas, maintenant que nous connaissons le chemin, nous reviendrons !
La descente, on n'ose même pas en parler : une plongée fantastique, une griserie. Je suis sûre que le Corbeau nous surveillait encore du coin de l'oeil et qu'à présent il se réjouissait de notre allégresse.
Si vous aimez les coins sauvages et déserts, allez là-bas au pays du Corbeau, il vous en saura gré et vous connaîtrez un bonheur très particulier. Mais de grâce, évitez les raccourcis qui vous feront perdre une bonne heure !