Cime du Pied de Barry : "Arêtissime" - depuis Bourg d'Arud

Massif : Ecrins
Départ : Bourg d'Arud (965 m)

Topo associé : Cime du Pied de Barry : "Arêtissime"

Sommet associé : Cime du Pied de Barry (2637 m)

Orientation : T

Dénivelé : 1870 m.
Ski : 4.1

Après une offensive hivernale particulièrement efficace sur les Alpes du N, la météo semble maintenant se souvenir que le printemps a officiellement commencé ! 

Long portage sur sentier (620m de dénivelé / 1h15 environ). Les restes regelés de la dernière chute de neige le rendent parfois glissant.

Le vieux manteau bien dur est recouvert de 10 à 30 centimètres de neige récente sèche. En surface, il y a toutefois une croûte de 3cm non portante à pied (humidification de la veille). Bon regel nocturne.

Le remplissage du couloir d'accès à l'arête de Chapeau Roux a l'air relativement faible dans sa moitié supérieure. Et il est ravagé par de petites coulées superficielles (boules).

Toute cette section apparaît bien enneigée.

Une couche de 30 à 60 centimètres de neige fraîche cache là aussi la vieille base humidifiée et orangée. Mais le gros épisode de vent du N des jours précédents a rendu la situation chaotique. Dans les zones où il a le plus soufflé, on trouve beaucoup d'irrégularités et surtout une croûte de surface complètement vitrifiée sur laquelle carres et peaux de phoque n'accrochent pas. 

Une montée en crampons s'impose donc dès que l'inclinaison s'accentue un peu trop... et là - _ô rage ô désespoir_ - on s'enfonce jusqu'aux mollets à chaque pas ! Avec une mention spéciale pour le raide mur W du final qui, bien que comportant moins de nouvelles précipitations, offre parfois le plaisir de patauger jusqu'au bassin dans la semoule de gobelets toujours présente en profondeur !

Elle reste bien enneigée et suffisamment large partout. Une corniche de taille modérée est formée sur une grande partie de sa longueur (versant Lanchâtra). La qualité de neige varie entre poudreuse (sur le faîte), grains fins (côté NW) et moquette (côté SE) en fonction des pentes choisies pour la descente. La skiabilité oscille entre bonne et excellente.

La neige récente du début de semaine est désormais humidifiée sur une bonne épaisseur (voire totalement sous 2000m), et le remplissage global a évolué très positivement par rapport au début du mois de mars (la limite d'enneigement a d'ailleurs baissé de quelques centaines de mètres). Si le tiers supérieur manque encore un peu "de cuisson" à 14h, les parties médiane et inférieure sont en revanche idéalement décaillées. Du super ski de printemps !

La zone en forêt au dessus des Prés de la Coche s'avère trop scabreuse et encombrée pour être skiée. Il faut déchausser vers 1550m puis trouver son chemin à l'instinct dans une jungle d'arcosses très inconfortable (examen d'en face indispensable le matin en montant)...

  ---> En Oisans, Météo France annonce un risque à 2/5 (limité) au dessus de 2000m. Aucune activité avalancheuse n'a été observée sur l'itinéraire suivi. 

Il faut dire qu'exploration, technicité, esthétisme, variété et sauvagerie (tout ça oui) sont condensés sur cet interminable parcours d'arête. Grâce à lui, un sommet a priori plutôt secondaire comme la Cime du Pied de Barry peut largement se hisser au niveau de ses Grands Voisins.

Lors du premier confinement en mars 2020, nous avions longuement examiné les belles pentes de la Coche et des environs directs, en envisageant quelques lignes dans ces endroits où les skieurs ne vont jamais. Mais pas celle-là bizarrement. 

Une descente en appelant une autre, c'est au retour de l'arête de Chapeau Roux que cette superbe traversée me vient à l'esprit lors d'une discussion avec Séverine. Nous sommes immédiatement emballés et évoquons même son futur sobriquet : "Arêtissime"... Pourtant, le faible enneigement d'alors nous ramène à la réalité ; ce sera vraisemblablement pour 2022 !

Et voilà qu'un flux de NW étonnamment actif en Oisans dépose 60 centimètres de fraîche à 1650m. L'hiver et l'espoir renaissent, d'autant plus que le vent finit par se calmer. Et tout se concrétise ce vendredi. 

Magnifique expérience que de vivre cette petite odyssée en couple. Que d'éprouver du dépaysement au milieu de montagnes pourtant ultra-familières. Que de glisser parmi tous ces chamois tout en ayant conscience de jouer en infériorité sur leurs territoires. Que de s'orienter à l'instinct dans une jungle d'arcosses où la machette semble bien plus pertinente qu'une paire de skis. Que de se retrouver soudain sur le sentier de retour, en réalisant que le temps qui là-haut semblait suspendu est pourtant passé... Bref : nous avons adoré ! 

Et je crois que ma compagne vient de passer un cap avec cette sortie, gagnant du même coup ses galons de skieuse-alpiniste. 

Pensé en aller-retour voire en traversée, le repérage puis foulage de ce petit couloir de la Cotille (invisible depuis chez nous) par Cédric lors de précédentes sorties a élargi le champ des possibles. Et c'est une jolie course, avec en cerise La Cime du Pied de Barry, qu'il me propose ainsi. Un parcours d'arête, très tentant !

Alors quand les conditions ont finalement semblé être là, nous avons foncé jumeler le périple pour constater que "ça paaaasse ! Le final sera un brin aventureux, mais ça paaaasse !".

C'est donc la joie au ventre que nous partons d'un pas vif le lendemain pour la concrétisation de ce projet. Cédric a ce don d'élaborer des parcours audacieux et de les réaliser avec succès. Pour moi, ce serait la première fois et c'est excitant !

Nous profitons du portage du départ pour observer à plusieurs reprises la trajectoire dans le dédale d'arbres "impénétrables" que nous devrons impérativement suivre au retour pour ne pas nous retrouver bloqués au milieu des barres infranchissables.

Et la course proprement dite commence ! C'est une suite d'enchantements, de manips diverses, de silence plein et de calme olympien. Je retrouve si proche, 3 ans après y avoir posé mes spatules, ces ambiances toutes particulières qui se dégagent de la Muzelle et de l'Aiguille de Venosc... Nous sommes seuls au monde et pourtant juste en face de chez nous. Tout est majestueux, saisissant !!

Pause sustentatrice au premier sommet et c'est le moment de se confronter à ces pentes anguleuses. Nous chaussons. C'est que c'est ludique et carrément bon ! Youhooou ! 

Arrivés au col, je propulse littéralement mes skis sur l'épaule pour remonter darre darre au second sommet que j'estime en cet instant comme "ma Coche". La joie m'inonde, on y est ! J'appelle dans la foulée ma fillotte qui vient de rentrer du collège... et qui nous confirme voir 2 petits points sur la cime . C'est nous ! C'est nous ! 

La descente en grandes courbes dans cette pente blanche bien pentue est des plus jouissives. Les conditions sont conformes à nos meilleures espérances, trop booon !

Mais nous savons que le morceau le plus costaud nous attend maintenant. Il va nous falloir nous sortir de ce méandre de branchages capricieux et de mottes d'herbes glissantes. Ils sont heureusement bienveillants en ayant la courtoisie d'être juste assez recouverts de neige pour nous permettre de progresser sans trop d'encombres. On en bave un peu sous la chaleur mais ça paaaasse ! 😃

Et nous voilà en bas, affamés, assoiffés, mais repus !

Oui, quelle course ! Des arêtes saillantes, de l'engagement, de la découverte, des incertitudes, des paysages de dingue, beaucoup de chamois... le tout pour un Franc Bonheur !!