Déjà l'an passé, j'ai été récalcitrante pour prononcer des vœux de belles courses, de longue saison, de poudre à gogo et que sais-je encore. Ne sommes-nous donc pas à l'ère de la sacro-sainte Efficacité invoquée à chaque montée ? Et de quelle efficacité ces vœux ont-ils fait preuve jusqu'ici , surtout quand on voit la situation comptable des hauteurs de neige en ce moment ? Bien sûr, me diront les petits malins, on ne sait pas ce qu'il en aurait été si ces vœux n'avaient pas été prononcés. Certes, certes. Aucune étude scientifique fiable ne peut le prouver, mais dans bien des massifs, la situation ne pourrait pas être pire qu'elle ne l'est. Est-ce une raison pour s'abstenir de formuler des vœux ? Moi, je dis oui, mais c'est discutable je vous le concède volontiers. On ne peut quand même pas s'abstenir chaque fois qu'on doute ! vous exclamerez-vous. Mais moi, obstinée, je continue à appliquer le bon vieil adage « dans le doute, abstiens-toi ».
Mais il y a plus encore. Si je vous envoie « mes meilleurs voeux » (et qui a déjà envoyé diaboliquement ses « pires voeux » ou, tièdement, ses « moyens voeux »?), si donc avec ces « meilleurs voeux », votre année est une vraie bouse, vous seriez en droit d'émettre au mieux un doute sur la sincérité de mes souhaits, au pire d'avoir la preuve de leur inefficacité. Le doute deviendra alors certitude, ce qui vous conduira à me maudire et vous obligera l'an prochain à trouver une autre stratégie que de sacrifier à la tradition. Que d'ennuis !
Donc, pour ne pas en venir à une telle lamentable extrémité, je préfère cette année tenter les prédictions. Si elles ne se réalisent pas, vous pourrez toujours hausser les épaules et vous dire qu'évidemment n'est pas devin qui veut.
Cependant, comme je suis incapable de prédire quoi que ce soit, il me faut appeler quelqu'un à la rescousse. Nostradamus a laissé très peu d'écrits arrivés jusqu'à moi. Aussi, je remonterai un peu moins loin pour laisser la parole à Rabelais qui a prononcé au 16e S des prédictions d'une actualité incontestable et dont le quadriennat s'il n'est pas souhaitable est hautement probable.
Je vous livre ces prédictions telles quelles (mais en abrégeant pour ne pas vous soûler), convaincue que fin décembre 2023 vous ne pourrez ainsi pas me reprocher des prédictions farfelues et encore moins des vœux auxquels « les fatales dispositions du ciel » auront vite fait de faire un sort.
« Ceste année, les aveugles ne verront que bien peu, les sourdz oyront assez mal, les muetz ne parleront guières, les riches se porteront un peu mieulx que les pouvres, et les sains mieulx que les malades. Plusieurs moutons, boeufz, pourceaulx, oysons, pouletz et canars mourront et ne sera si cruelle mortalité entre les cinges et dromadaires. Vieillesse sera incurable cette année à cause des années passées (....) Le mal des yeux sera fort contraire à la veüe.(...) Et regnera quasi universellement une maladie bien horrible et redoutable, maligne, perverse, espouvantable et malplaisante, laquelle rendra le monde bien estonné et dont plusieurs ne sçauront de quel bois faire flèche (….)Je tremble de peur quand j'y pense : car je vous dy qu'elle sera epidimiale.... »
Rabelais (Tiers Livre)
Dommage que Rabelais n'ait pas été skieur, on ne passerait pas plus de temps scotché devant MF que sur les skis.