Météo/températures : Beau, développement de cumulus à partir de 13h, léger vent de sud à 2000
Conditions d'accès/altitude du parking : route sèche
Altitude de chaussage/déchaussage : 1120/1120
Conditions pour le ski : Ca chausse au parking (encore pour un moment), pas de déchaussage mais ça devrait venir entre les cols de Léchaud et Roches Rousses. Couteaux utiles pour la montée au-dessus de Bovinant. Très bon regel, ça décaille vite au soleil. 11h parfait en Est. midi trop tôt en Ouest qui est trafolé et secoue les chaussettes mais bon grip.
Je mets skiabilité bonne, mais rien ne sert de partir trop tôt, ni d'affoler les chronos.
J'ai essayé de photographier les condis alentours (voir photos) : départ skis au pied de la Combe l'Ours et Planolet, Grande Sure Est encore bien skiable (mais en dessous ?)
Activité avalancheuse : RAS
Aujourd'hui c'est télétravail. Pas si pire au vu des prévisions nuageuses peu compatibles avec un décaillage efficace. Mais en ouvrant les volets pendant que le café coule, je tombe comme chaque matin sur mon baromètre, la Grande Sure, qui me dit "Ciel clair cette nuit, grand beau ce matin, c'est le moment de procrastiner".
Le gros avantage du tout dématérialisé, c'est que tu fais disparaître la pile de dossiers d'un simple clic, en remettant à demain ce qui urgeait déjà il y a trois jours. Un peu comme un chef d'état qui prend le changement climatique à bras le corps, et qui conclut par un "on verra plus tard".
Sur le trajet vers la Ruchère, je me régale des pétées de fleurs qui s'exposent sur les talus, primevères, jonquilles, violettes, nivéoles, quand soudain, mon regard s'arrête sur une alignée de candidats à la présidentielle, sourires photoshopés impeccables, en mode commerce inéquitable et slogans qui fleurent bon le rasage gratis. Je me dis qu'ils doivent trouver le temps long à Saint Christophe sur Guiers, où, c'est bien connu, le chaland est rare le lundi matin. Je m'arrête et leur propose de les emmener au Grand Som.
Ils sont douze, on se serre dans la voiture, les deux qui étaient aux extrémités sur les panneaux électoraux, se retrouvent l'un sur les genoux de l'autre. Comme brise-glace, c'est parfait ! On est bientôt garé, et chacun commence à déballer son matériel.
Anne a acheté son équipement à la Camif, Philippe sur le Bon Coin, Fabien est en rouge de la tête aux pieds, Marine arbore une combinaison hongroise offerte par son ami Viktor, Eric porte une contrefaçon de la combinaison hongroise de Marine, Jean a des bâtons en chêne taillés au couteau basque, Manu a le dernier proto des skis Bolloré à double jeu de fixations Areva, Valérie est sur les fixations arrières, Jean Luc a les spatules inversées, Nathalie est en raquettes, Yannick a des lunettes aux verres verts, et Nicolas ferme la marche en tentant de rester debout.
J'essaye de donner quelques infos et consignes sur le déroulement de la sortie, mais c'est vite le tollé général, le niveau sonore monte d'un coup dans cet hémicycle improvisé sur le parking de l'ancien habert de la Ruchère. Tout commence quand Eric conteste ma légitimité alpine, Jean-Luc propose alors un référendum d'initiative citoyenne pour poser les bases d'une constitution sur laquelle on fondera les grands principes de la journée, Yannick est en pamoison devant la forêt de hêtres et de sapins, Nathalie exhorte en vain ses camarades à s'écouter, Manu et Valérie entament un pas de deux, Nicolas ferme la marche en tentant de rester debout.
La montée au col de Léchaud se passe à peu près bien, la neige est dure avec un bon grip, la trace est bonne. On croise un groupe qui redescend après avoir signé le but. Certains sont partis trop tôt, d'autres se sont trompés d'itinéraire, d'autres enfin croyaient qu'il s'agissait de ski nautique. Il y a là entre autres Christiane, Xavier, les deux Eric, Arnaud, Florian, Sandrine, ...
Au col des Roches Rousses, on débusque une harde de chamois, Jean sort aussitôt quelques assiettes et une bouteille de rouge, Marine voyant un vieux mâle à l'écart, s'écrie "Papa !", Anne s'indigne que ces pauvres bêtes n'aient pas droit à un pass Navigo, Fabien s'extasie devant le partage des responsabilités dont font preuve ces bêtes, Yannick prétend qu'il s'agit d'Isards, Eric réplique que peu importe puisque ce sont deux sous-races originaires d'un sous-pays étranger, Nicolas ferme la marche en tentant de rester debout.
Soudain c'est le drame. Dans un virage scabreux, Marine se mélange le zig dans le zag et plonge tête première dans la pente. Elle pousse un cri de panique, qui retentit dans tout le vallon "Jean-Luuuuuuuc, au secouuuuuuuuuuuuuuurs !!!!". Tous les regards se tournent vers Jean-Luc, qui, penaud, aide Marine à se relever. Elle lui roule une énorme galoche, "Mon amour, une fois de plus tu m'a sauvée !"
Tout ça commence à me saoûler grave, car à l'origine, j'étais parti dans mon jardin pour une sortie solo. Je prétexte alors une curiosité qu'ils ne faudrait rater sous aucun prétexte, pour changer d'itinéraire et les faire monter au col du Fret. La pente est rude, la neige béton, sans crampon les appuis sont fébriles, les promesses électorales se calment bien vite. Arrivé au col, on regarde côté Cucheron, et c'est pas mieux. La pente des 120 lacets est raide, les objectifs de campagne sont décidément peu adaptés aux reliefs chartrousins.
Au plus haut dans les sondages, Manu s'élance en premier. Il parvient à planter trois virages à peu prêt corrects, et "en même temps" à gérer Valérie qu'il a nommée à l'arrière de ses skis. Au quatrième virage, le duo tangue et c'est la chute, puis la glissade jusqu'en bas. A ce moment crucial, les skitouriens frémissent car ils savent que le couloir ne débouche pas. Effectivement, Manu et Valérie basculent dans le vide, et disparaissent à la vue de leurs concurrents. Marine, réalisant le boulevard inespéré qui s'ouvre à elle à trois semaines du premier tour, s'élance tout schuss, n'esquisse pas le moindre virage et disparaît à son tour dans les abimes de la Chartreuse. Comme emporté par une euphorie électoraliste des cimes, le reste du groupe s'élance en ordre dispersé dans ce couloir à 40-45 pas décaillé, et tous suivent la même voie que leurs prédécesseurs. Nicolas aussi, qui pourtant, tente de rester debout jusqu'au bout.
Enfin seul, je reprends le cours de ma vie, et vais tâter les pentes Est sous le Grand Som. C'est excellent. Après un petit crochet par le Petit Som pour profiter de sa face Est cuite à point, il est pile l'heure pour un border cross bien revenu. En traversant Saint Christophe, je souris à la vue de l'alignée des candidats à la présidentielle. Je me dis que finalement ils ne sont pas faits pour la montagne, qu'ils sont mieux là, collés à plat sur des panneaux en zinc. Puissent-ils y rester définitivement.