Départ : Col de la Croix de Fer (2064 m)
Topo associé : Pic de l'Étendard, Glacier de Saint Sorlin
Orientation : NE
Dénivelé : 1430 m.
Ski : 2.3
Sortie du mardi 15 juin 2021
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : Beau temps, chaud dès que le soleil apparaît
Conditions d'accès/altitude du parking : RAS
Altitude de chaussage/déchaussage :à la montée 2300m - à la descente 2200m
Conditions pour le ski : pas terrible: pas de regel nocturne, manteau neigeux sans rigoles mais très alvéolé dans le bas, descente jusqu'au fond du vallon correcte quoique bien molle et un peu collante, rives des lacs sans glisse - ce n'était visiblement pas exactement le bon jour
Activité avalancheuse : bout de corniche sommitale tombée dans la journée
Skiabilité : 😟 Médiocre
Compte rendu
*merci à L.F. Celine pour l'inspiration de ce titre
Tant de choses ont été dites sur cet emblème du ski de printemps...surtout ces temps-ci ! On en rajoutera donc peu. Gros effort.
Une fin de saison sans Etendard, me dis-je, serait comme une fin sans panache. Vite dit ! Chaque saison est particulière, celle-ci fut longue ; on ne peut donc pas l'achever par une sortie de fainéante. Elle fut aussi merveilleuse que cruelle. N'oublions rien, ni personne.
Aurai-je la force de mener cette course-ci à bout avant que la chaleur n'ait raison de la neige et de moi ? La journée révéla qu'un dégât matériel mineur peut faire l'affaire pour gâcher la fête.
La veille, les eaux boueuses de la Romanche annonçait la couleur : un brun glauque fantôme de nos neiges chéries ayant abandonné la partie.
Depuis mon bivouac, je voyais Belledonne où le jour et la nuit se livraient sanglant combat. On a beau en connaître l'issue, on attend toujours avec la même fascination suspecte le moment où l'encre absorbera le sang. Moment irréversible entre tous où seuls les astres apportent une illusoire consolation.
Il a bien fallu descendre du col des Tufs vers le refuge alors que la nuit n'était que pâlement blanchie par quelques étoiles en voie d'extinction et une lune croissante immaculée qui s'accrochait au firmament telle la blanche Virgule dans le ciel du Grésivaudan au cours d'un beau jour d'hiver chartrousin
Et quand enfin les prémices de l'aube signalèrent la naissance inéluctable d'un jour prometteur, je me souvins de ces deux vers d'Eugenio Montale
« Il tenue bagliore strofinato/laggiu non era quello d'un fiammifero »
(La lueur ténue frottée/ là-bas, n'était pas celle d'une allumette).
Arrivée dans le vaste pays lacustre, telle Persée, mais sans sandales ailées, je résolu, par superstition, de ne pas poser les yeux sur l'Etendard-Gorgone mais uniquement sur son image se reflétant sur les lacs d'argent car de bouclier de bronze je n'en avais pas. Je n'ai pas dû tenir ma résolution car comment ne pas s'abîmer d'admiration devant l'Etendard qui enfin se dévoile et vous fait comprendre tout ce qui vous sépare encore tous les deux ?
Mais bientôt je fus dépassée – non-événement auquel je suis habituée – par deux jeunes gens fringants, souriants et tout et tout. Nous fîmes rapidement connaissance et bientôt ils ne furent plus que passants ayant passé mais à présent des visages sur des pseudos. Moment sympathique de la journée.
Ce qui fut moins sympathique, ce fut l'étrier d'attache de l'une de mes peaux qui se rompit. Aurai-je malmené, surmené, négligé le matériel au cours de cette longue saison que j'ai optimisée sans parvenir tout à fait aux 200 000 qui semblent devenir la norme ? Toujours est-il que j'ai dû sortir mon rouleau de scotch pour ficeler la chose. Las, ça tenait quelques centaines de mètres puis la neige gorgée d'eau et les carres des skis réduisaient le scotch en charpie. J'ai renouvelé l'opération 3 fois, puis à 100m du sommet, la fournaise s'intensifiant et ma patience s'épuisant avec moi, j'ai jeté l'éponge. L'étendard n'a pas été hissé et je ne me suis pas hissée jusqu'à son faîte. Dommage pour une – sans doute – dernière. Ceci m'agace plus que cela ne m'affecte, l'important n'est pas là. Mais ici :
Ce que je partage ici c'est ma flamme qui, telle celle de la bougie, peut être partagée sans que j'en sois moins éclairée. Ce que vous partagez ici, c'est votre flamme qui éclaire mon chemin comme elle a éclairé le vôtre même si c'en est un tout autre. Mille mercis à tous ces lumignons qui brillent dans ma nuit de skieuse-randonneuse comme la vaste voie lactée dont j'ignore tout mais ressent comme une discrète mais chaleureuse fraternité.